Cloches (sonnerie des) : Différence entre versions

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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">''Glockengeläut''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">L’usage primitif des cloches se bornait à appeler clergé et fidèles aux offices liturgiques&nbsp;: messe, laudes, vêpres... Plus tard, elles furent également sonnées au moment de l’élévation, parfois au moyen d’une cloche spécifique (''Wandlungsglocke'')&nbsp;; elles l’étaient aussi au moment du ''Gloria'' lors de la première messe de Noël, le Jeudi saint et le Samedi saint, mais étaient remplacées par des crécelles les trois derniers jours de la Semaine sainte.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">L’usage des cloches varie d’une paroisse à l’autre, notamment en fonction du nombre de cloches. La ''Kirchenordnung'' de Dannemarie de 1612 révèle des détails intéressants, qui ne s’appliquent pas nécessairement à d’autres paroisses&nbsp;; ainsi, le soir de la Saint-Sylvestre «&nbsp;''soll man das Neuwen Jahr einläuthen mit allen Glocken''&nbsp;». Lors des processions, il faut sonner avec toutes les cloches. Le jeudi saint, à l’élévation «&nbsp;''pflegt man mit der klein Retsch zu rafflen, und mit der gross auszurafflen''&nbsp;». Une sonnerie spéciale est évoquée le soir de Noël, «&nbsp;''heilwog genanndt''&nbsp;».</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Certaines paroisses disposaient de cloches à usage spécifique, comme la ''Frühmessglocke'' (Strasbourg, 1129), la ''Vesperglocke'' (Haguenau, 1400&nbsp;; Strasbourg, 1402). Nous ignorons l’utilisation précise de la ''Türckenglocke'' de Haguenau (1268), appelée ''Ablassglocke'' en 1596. Molsheim fit fondre une ''Ablassglocke'' en 1433&nbsp;; celle de Cernay (1503) appartint plus tard à Guebwiller. Les évêques de Strasbourg accordèrent, en 1275 et 1303, des indulgences à ceux qui faisaient sonner le gros bourdon de la cathédrale.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Matin, midi et soir une sonnerie annonçait, de vieille date, dans la plupart des paroisses, l’heure de l’Angélus, prière à la Vierge. La sonnerie de midi fut avancée à 11 heures dans certaines localités, pour signaler aux paysans dans les champs l’approche de l’heure du repas.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">De même, la dévotion du ''Salve Regina'' en l’honneur de la Vierge fut introduite dans de nombreuses paroisses. Ainsi Hugues Abt, chanoine à Saint-Pierre-le-Jeune y a fondé un ''Salve'' en 1450 (ABR G 4723/5), Etienne Wurtzgart à Saint-Pierre-le-Vieux en 1469 (G 4298/20)&nbsp;; Jean Breitenbach, a fait de même à Saint-Léonard, où il était chanoine, en 1487 (2 G 52/33), Pierre Gloecklin, vicaire à Saint-Thomas, en 1480 (AMS 1 AST 185, f. 43 vo), Conrad Carlon à Sélestat (1503) (AM Sél. GG 62), Pierre Voeltsch et Thiébaud Melbruege à la Toussaint en 1513 et 1516 (BGS Ms 132, f. 170, 181). Certaines localités disposaient, pour annoncer cette dévotion, d’une cloche du ''Salve'' (''Salveglocke'')&nbsp;: Colmar (Couvent des Catherinettes, 1384), Molsheim (1438, disparue à la Révolution), Obernai, Rosheim, Turckheim (avant 1628).</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">La ''Betglocke'' servait, dans certaines paroisses (Boersch, 1478&nbsp;; Brunstatt, 1613&nbsp;; Colmar, 1573&nbsp;; Mulhouse (''Betstundglocke''), 1567), à appeler les fidèles à des dévotions particulières comme le chapelet ou le chemin de croix, ou le ''Salve ''(Rouffach, 1487), voire pour l’Angélus. Strasbourg disposait même d’une ''Frühgebetsglocke''. Certaines confréries firent fondre une cloche à leur propre usage, comme celle du Rosaire (Sélestat, 1723&nbsp;;&nbsp;Magstatt-le-Bas, 1739), celle du Saint-Sacrement à Fort-Louis (1734), la sodalité des bourgeois de Sélestat (1740) pour annoncer leurs réunions et le décès de leurs confrères.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">La ''Predigtglocke'' de la cathédrale, fondue en 1521, sonnait pour annoncer l’heure du sermon. L’église Saint-Thomas possédait une ''Vigilglocke'' de 1395 et une grosse ''Festglocke'' de 1486 et Turckheim un ''Weihwasserglöcklein'' actionné le dimanche, sans doute au moment de l’''Asperges me''.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">La cloche de l’agonie (''Todesangstglocke'') était sonnée soit le jeudi soir, soit le vendredi pour commémorer l’agonie du Christ au Mont des Oliviers&nbsp;; le curé Stippich a fondé une pareille sonnerie à Saint-Amarin en 1674. Sans doute était-ce la même cloche qu’on sonnait lorsque le curé allait administrer un mourant.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Pour sonner le glas (''Scheidzeichen''), certaines localités disposent d’une «&nbsp;cloche des morts&nbsp;» (''Totenglocke'') (Strasbourg, 1316&nbsp;; Riquewihr, 1564). Généralement, on use de sonneries différenciées pour annoncer que le défunt est un homme, une femme ou un enfant. En 1530 ou 1531, la sonnerie du glas fut interdite à Strasbourg.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Après le décès d’Armand Gaston de Rohan, le suffragant Riccius ordonne de sonner pendant six semaines, trois fois par jour le matin, à midi et le soir et chaque fois pendant une heure. De même, en 1766, à la suite du décès du Dauphin, Simon-Nicolas de Montjoie, évêque de Bâle, ordonne de sonner «&nbsp;toutes les cloches dans chaque Église paroissiale pendant une heure, avec trois intervalles&nbsp;; ce qui sera réitéré aux trois Angélus de chaque jour l’espace de six semaines entières&nbsp;». A la cathédrale de Strasbourg, sept cloches «&nbsp;sont sonnées pour les enterrements et services du Prince-Évêque et des Seigneurs du Grand-Chapitre&nbsp;», 6 pour les prébendiers du Grand Chœur. «&nbsp;On sonne les mêmes trois fois par jour pendant une heure, six semaines pour les Princes-Évêques, quinze jours pour le Grand-Chapitre, et huit jours pour le Grand-Chœur&nbsp;» (Grandidier, 247).</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Habsheim disposait d’une ''Mordglocke'', prétendument utilisée pour l’enterrement de la victime d’un assassinat, mais elle devait plutôt servir de cloche d’alerte en cas d’incursion de troupes ennemies, puisqu’elle portait la mention&nbsp;: «&nbsp;''mein schall thut kund der statte noth vom feind bewahrt''&nbsp;». La ''Messglocke'', qui annonçait l’ouverture et la fermeture de la foire Saint-Jean, ou ''Silberglocke'' (1333) de la cathédrale de Strasbourg était aussi appelée «&nbsp;''Mord glock''&nbsp;», parce qu’on la sonnait lorsqu’il y avait dans Strasbourg quelque sédition populaire. On ne la sonne plus aujourd’hui que lorsqu’il y a quelque cérémonie extraordinaire, «&nbsp;comme au&nbsp;sacre du Roi, à son arrivée à Strasbourg, … à la conclusion d’une paix générale, aux élections des Évêques et à leur première entrée dans la ville&nbsp;» (Grandidier, 243). Elle a été sonnée en 1375 «&nbsp;''über die Engellender''&nbsp;».</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">L’''Armensünderglocke'' de Mulhouse (1334) fut refondue en 1813&nbsp;; les cloches de ce nom étaient sonnées lors des exécutions publiques, ce qui n’était pas conforme au droit canon. A la cathédrale de Strasbourg, on utilisait à cette fin la ''Buebenglock''&nbsp;; également appelée ''Neunerglock'', elle devait aussi faire rentrer les jeunes gens chez eux à 21 heures.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Au grand hôpital de Strasbourg, la ''Bubenglocke'' rythmait la vie des pensionnaires (''Pfründner'') de l’établissement, mais sans doute aussi celle des malades. Elle annonçait notamment le couvre-feu et appelait aux repas et, semble-t-il, aux prières dans les chambres. Les offices étaient annoncés par la cloche de la chapelle de l’hôpital.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">La paroisse protestante de Bouxwiller acquit en 1545 la ''Abendglocke'' qui sonnait le soir à 20 heures «&nbsp;''umb das die leut aus den wirtshäusern gehen möchten''&nbsp;», et une ''Weinladerglocke'' en 1575. La ''Siebenerglocke'' de Colmar (1573) servait également de cloche de retraite et sonnait, à 19 heures, le couvre-feu pour les clients des auberges. A Strasbourg, «&nbsp;on sonne tous les jours pendant un quart d’heure à dix heures du soir&nbsp;» la cloche de la retraite (''Feyerabendglocke'') fondue en 1692 (Grandidier, 245).</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Ammertzwiller possédait au XVIII<sup>e</sup> siècle «&nbsp;''die grössere Kapitelsglocke''&nbsp;», manifestement à l’usage du chapitre rural.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Dans la mesure où une localité ne dispose pas d’une cloche bourgeoise, celles de l’église peuvent servir à des usages profanes, en cas de nécessité et «&nbsp;pour dissiper les tempêtes&nbsp;». La sonnerie de l’horloge, parfois propriété de la communauté, est le plus souvent installée dans le clocher&nbsp;; ainsi Ammerschwihr disposait en 1418 d’une ''Zittglocke'', Bœrsch en 1463, Colmar en 1370 (et d’une ''Schlagglocke'' avant 1572, refondue en 1573), Munster en 1559&nbsp;; la ''Zit- und Schlaglock'' du XIV<sup>e</sup> siècle existe toujours à Mulhouse (Saint-Etienne protestant). Obernai dispose toujours de la ''Zwölferglocke'' de 1474. Strasbourg disposait de celle de 1458 ainsi que d’une cloche de répétition (''Nachschlagglocke''), mentionnée dès 1245.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">La ''Wetterglocke'' (Gommersdorf&nbsp;; Magstatt-leBas, 1695&nbsp;; Riquewihr, 1722) était actionnée à l’approche des orages, «&nbsp;''so sich ein zorniges Wetter in den wolkhen erheben wolt''&nbsp;» (Dannemarie, 1610). A Schnersheim, la cloche St-Etienne (de 1692 ou 1697&nbsp;?) devait servir à cet effet puisqu’elle porte la&nbsp;mention&nbsp;: «&nbsp;''In hora tonitrui succurre''&nbsp;». En d’autres lieux (Bergheim, Colmar (1278), Munster), la ''Sturmglocke'' jouait le même rôle, mais servait aussi à sonner le tocsin. Le 8 mars 1262, Walther de Geroldseck fit sonner la «&nbsp;grande cloche d’alarme&nbsp;» de Molsheim.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Le 30 avril 1715, ordre est donné à Rouffach de reprendre la coutume de sonner, avec les trois grandes cloches, «&nbsp;''gleich nach miternacht in den meytag''&nbsp;», car il s’est avéré que les moissons étaient plus abondantes et les orages moins dévastateurs les années où on le faisait.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">A Schœnau, on sonnait en hiver à 3 heures du matin pour appeler au travail les jeunes paysans chargés de battre les céréales au fléau.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Le 5 octobre 1793, ordre fut donné de confisquer les cloches et de n’en conserver qu’une par localité&nbsp;; le 27 novembre, un projet prévoit que «&nbsp;les cloches… ne devront plus être employées qu’aux usages civils, au tocsin, à la convocation de la commune, à l’annonce des fêtes civiques et des événements heureux de la Révolution&nbsp;». Mais ce n’est que le 22 février 1795 que la loi interdit leur usage pour l’exercice du culte. Des esprits retors contournèrent la loi et utilisèrent la cloche subsistante pour indiquer «&nbsp;les heures de travail, matin, midi et soir&nbsp;», ce qui correspondait à l’ancienne sonnerie de l’angélus. Une circulaire ministérielle du 20 décembre 1797 devait mettre fin à cet «&nbsp;abus&nbsp;», mais, le 19 septembre 1798, le commissaire du directoire exécutif se plaint, de ce que dans le canton d’Ensisheim, «&nbsp;la cloche est ébranlée… hors les cas d’incendie et de révolte et ce le matin, à midi et le soir pour annoncer la retraite&nbsp;». A la demande de la Ville de Colmar de garder la sonnerie de retraite à 22 heures, le Président du Département répond que l’usage de la cloche n’est permis que pour «&nbsp;les cas d’incendie, d’inondation, d’approche de l’ennemi et de rassemblement d’individus menaçant la tranquillité publique, la sûreté et la propriété des citoyens&nbsp;».</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Le Concordat permit à nouveau l’utilisation des cloches pour le culte&nbsp;; leur usage fut réglé par les articles organiques de la loi du 18 germinal An X (art. 48).</p>
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== <span style="font-size:x-large">Sources - Bibliographie</span> ==
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''Glockengeläut''
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">DENISART (Jean-Baptiste), ''Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle'', 6e éd., Paris, 1768., p. 106-108.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">GRANDIDIER (Philippe André), ''Essais historiques et topographiques sur l’église cathédrale de Strasbourg'', Strasbourg, Levrault, 1782, p. 241-251.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">«&nbsp;Kirchen Ordnung zu Dammerkirch wegen des Klocken Leütens dasselbst (1612)&nbsp;», ''Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense'' 1889, N° 10, p. 147-155&nbsp;; N° 11, p. 161-163.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">«&nbsp;Sonnerie du jeudi soir en l’honneur de l’agonie de N.S. (1674)&nbsp;» (à Saint-Amarin), ''Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense'' 1890, N° 6, p. 91.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">«&nbsp;De campanarum ordine (à Saint-Amarin) (1674)&nbsp;», ''Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense'' 1892,&nbsp;N° 5, p. 66-67.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">«&nbsp;Fundatio sonitus die Jovis in memoriam Agoniae Christi» (à Saint-Amarin) (1674)&nbsp;», ''Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense'' 1892, N° 5, p. 68.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">WALTER (Theobald), ''Urkundenbuch der Pfarrei Rufach nebst einem Anhange&nbsp;: Kurze Pfarrchronik von Westhalten'', Rufach, 1900.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">LEVY (Joseph), «&nbsp;L’interdiction de l’usage des cloches dans la Haute-Alsace pendant la Grande Révolution&nbsp;», ''RCA'', 25, 1906, p. 262-278.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">FUCHS (Albert), «&nbsp;Die Glocken des Strassburger Münsters&nbsp;», ''Elsässische Monatsschrift für Geschichte und Volkskunde'', 1910, p. 522-532.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">WALTER (Karl), ''Glockenkunde'', Regensburg u. Rom, 1913.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">BAUDOT (Jules), ''Les cloches'', Paris, 1913.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">L., «&nbsp;Ursprung des Laüten am Mittag&nbsp;», ''Elsassland'', t. I, 1921, p. 12.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">LEVY (Joseph), «&nbsp;La rage antireligieuse de la Révolution en Alsace&nbsp;», ''RCA'', 1923, p. 339-344.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">WAGNER (Jules), ''La sonnerie de la salutation angélique à Mulhouse au XV<sup>e</sup> siècle'', Strasbourg, 1926.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">PFLEGER (Alfred), «&nbsp;Die Strassburger Silberglocke und der Johannistag&nbsp;», ''Elsassland'', t. VII, 1927, p. 189.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">SCHMIDT (Ernest), «&nbsp;Vom Glockenläuten im Ried&nbsp;», ''Elsassland, Lothringer Heimat'', 1931, p. 358.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">PFLEGER (Lucien), «&nbsp;Zur Geschichte des Mittagsläutens im Elsass&nbsp;», ''AEKG'' VII, 1932, p. 382</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">WACKER (Eugène), «&nbsp;Glockenläuten im Sundgau&nbsp;», ''Pages Sundgoviennes'', II, Mulhouse, 1950, p. 141-144.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">''Guide (Le) du droit local. Le droit applicable en Alsace et en Moselle de A à Z''. 3e éd., 2002, p. 254-255.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">MULLER (Claude), ''Le siècle des Rohan. Une dynastie de cardinaux en Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'', Strasbourg, 2006, p. 230.</p>
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== <span style="font-size:x-large">Notices connexes</span> ==
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L’usage primitif des cloches se bornait à appeler clergé et fidèles aux offices liturgiques&nbsp;: messe, laudes, vêpres... Plus tard, elles furent également sonnées au moment de l’élévation, parfois au moyen d’une cloche spécifique (''Wandlungsglocke'')&nbsp;; elles l’étaient aussi au moment du ''Gloria'' lors de la première messe de Noël, le Jeudi saint et le Samedi saint, mais étaient remplacées par des crécelles les trois derniers jours de la Semaine sainte.
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Cloche_bourgeoise|Cloche_bourgeoise]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Liturgie|Liturgie]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: right">'''Louis Schlaefli'''</p>   
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L’usage des cloches varie d’une paroisse à l’autre, notamment en fonction du nombre de cloches. La ''Kirchenordnung'' de Dannemarie de 1612 révèle des détails intéressants, qui ne s’appliquent pas nécessairement à d’autres paroisses&nbsp;; ainsi, le soir de la Saint-Sylvestre «&nbsp;''soll man das Neuwen Jahr einläuthen mit allen Glocken''&nbsp;». Lors des processions, il faut sonner avec toutes les cloches. Le jeudi saint, à l’élévation «&nbsp;''pflegt man mit der klein Retsch zu rafflen, und mit der gross auszurafflen''&nbsp;». Une sonnerie spéciale est évoquée le soir de Noël, «&nbsp;''heilwog genanndt''&nbsp;».
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Certaines paroisses disposaient de cloches à usage spécifique, comme la ''Frühmessglocke'' (Strasbourg, 1129), la ''Vesperglocke'' (Haguenau, 1400&nbsp;; Strasbourg, 1402). Nous ignorons l’utilisation précise de la ''Türckenglocke'' de Haguenau (1268), appelée ''Ablassglocke'' en 1596. Molsheim fit fondre une ''Ablassglocke'' en 1433&nbsp;; celle de Cernay (1503) appartint plus tard à Guebwiller. Les évêques de Strasbourg accordèrent, en 1275 et 1303, des indulgences à ceux qui faisaient sonner le gros bourdon de la cathédrale.
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Matin, midi et soir une sonnerie annonçait, de vieille date, dans la plupart des paroisses, l’heure de l’Angélus, prière à la Vierge. La sonnerie de midi fut avancée à 11 heures dans certaines localités, pour signaler aux paysans dans les champs l’approche de l’heure du repas.
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De même, la dévotion du ''Salve Regina'' en l’honneur de la Vierge fut introduite dans de nombreuses paroisses. Ainsi Hugues Abt, chanoine à Saint-Pierre-le-Jeune y a fondé un ''Salve'' en 1450 (ABR G 4723/5), Etienne Wurtzgart à Saint-Pierre-le-Vieux en 1469 (G 4298/20)&nbsp;; Jean Breitenbach, a fait de même à Saint-Léonard, où il était chanoine, en 1487 (2 G 52/33), Pierre Gloecklin, vicaire à Saint-Thomas, en 1480 (AMS 1 AST 185, f. 43 vo), Conrad Carlon à Sélestat (1503) (AM Sél. GG 62), Pierre Voeltsch et Thiébaud Melbruege à la Toussaint en 1513 et 1516 (BGS Ms 132, f. 170, 181). Certaines localités disposaient, pour annoncer cette dévotion, d’une cloche du ''Salve'' (''Salveglocke'')&nbsp;: Colmar (Couvent des Catherinettes, 1384), Molsheim (1438, disparue à la Révolution), Obernai, Rosheim, Turckheim (avant 1628).
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La ''Betglocke'' servait, dans certaines paroisses (Boersch, 1478&nbsp;; Brunstatt, 1613&nbsp;; Colmar, 1573&nbsp;; Mulhouse (''Betstundglocke''), 1567), à appeler les fidèles à des dévotions particulières comme le chapelet ou le chemin de croix, ou le ''Salve ''(Rouffach, 1487), voire pour l’Angélus. Strasbourg disposait même d’une ''Frühgebetsglocke''. Certaines confréries firent fondre une cloche à leur propre usage, comme celle du Rosaire (Sélestat, 1723&nbsp;;&nbsp;Magstatt-le-Bas, 1739), celle du Saint-Sacrement à Fort-Louis (1734), la sodalité des bourgeois de Sélestat (1740) pour annoncer leurs réunions et le décès de leurs confrères.
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La ''Predigtglocke'' de la cathédrale, fondue en 1521, sonnait pour annoncer l’heure du sermon. L’église Saint-Thomas possédait une ''Vigilglocke'' de 1395 et une grosse ''Festglocke'' de 1486 et Turckheim un ''Weihwasserglöcklein'' actionné le dimanche, sans doute au moment de l’''Asperges me''.
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La cloche de l’agonie (''Todesangstglocke'') était sonnée soit le jeudi soir, soit le vendredi pour commémorer l’agonie du Christ au Mont des Oliviers&nbsp;; le curé Stippich a fondé une pareille sonnerie à Saint-Amarin en 1674. Sans doute était-ce la même cloche qu’on sonnait lorsque le curé allait administrer un mourant.
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Pour sonner le glas (''Scheidzeichen''), certaines localités disposent d’une «&nbsp;cloche des morts&nbsp;» (''Totenglocke'') (Strasbourg, 1316&nbsp;; Riquewihr, 1564). Généralement, on use de sonneries différenciées pour annoncer que le défunt est un homme, une femme ou un enfant. En 1530 ou 1531, la sonnerie du glas fut interdite à Strasbourg.
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Après le décès d’Armand Gaston de Rohan, le suffragant Riccius ordonne de sonner pendant six semaines, trois fois par jour le matin, à midi et le soir et chaque fois pendant une heure. De même, en 1766, à la suite du décès du Dauphin, Simon-Nicolas de Montjoie, évêque de Bâle, ordonne de sonner «&nbsp;toutes les cloches dans chaque Église paroissiale pendant une heure, avec trois intervalles&nbsp;; ce qui sera réitéré aux trois Angélus de chaque jour l’espace de six semaines entières&nbsp;». A la cathédrale de Strasbourg, sept cloches «&nbsp;sont sonnées pour les enterrements et services du Prince-Évêque et des Seigneurs du Grand-Chapitre&nbsp;», 6 pour les prébendiers du Grand Chœur. «&nbsp;On sonne les mêmes trois fois par jour pendant une heure, six semaines pour les Princes-Évêques, quinze jours pour le Grand-Chapitre, et huit jours pour le Grand-Chœur&nbsp;» (Grandidier, 247).
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Habsheim disposait d’une ''Mordglocke'', prétendument utilisée pour l’enterrement de la victime d’un assassinat, mais elle devait plutôt servir de cloche d’alerte en cas d’incursion de troupes ennemies, puisqu’elle portait la mention&nbsp;: «&nbsp;''mein schall thut kund der statte noth vom feind bewahrt''&nbsp;». La ''Messglocke'', qui annonçait l’ouverture et la fermeture de la foire Saint-Jean, ou ''Silberglocke'' (1333) de la cathédrale de Strasbourg était aussi appelée «&nbsp;''Mord glock''&nbsp;», parce qu’on la sonnait lorsqu’il y avait dans Strasbourg quelque sédition populaire. On ne la sonne plus aujourd’hui que lorsqu’il y a quelque cérémonie extraordinaire, «&nbsp;comme au&nbsp;sacre du Roi, à son arrivée à Strasbourg, … à la conclusion d’une paix générale, aux élections des Évêques et à leur première entrée dans la ville&nbsp;» (Grandidier, 243). Elle a été sonnée en 1375 «&nbsp;''über die Engellender''&nbsp;».
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L’''Armensünderglocke'' de Mulhouse (1334) fut refondue en 1813&nbsp;; les cloches de ce nom étaient sonnées lors des exécutions publiques, ce qui n’était pas conforme au droit canon. A la cathédrale de Strasbourg, on utilisait à cette fin la ''Buebenglock''&nbsp;; également appelée ''Neunerglock'', elle devait aussi faire rentrer les jeunes gens chez eux à 21 heures.
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Au grand hôpital de Strasbourg, la ''Bubenglocke'' rythmait la vie des pensionnaires (''Pfründner'') de l’établissement, mais sans doute aussi celle des malades. Elle annonçait notamment le couvre-feu et appelait aux repas et, semble-t-il, aux prières dans les chambres. Les offices étaient annoncés par la cloche de la chapelle de l’hôpital.
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La paroisse protestante de Bouxwiller acquit en 1545 la ''Abendglocke'' qui sonnait le soir à 20 heures «&nbsp;''umb das die leut aus den wirtshäusern gehen möchten''&nbsp;», et une ''Weinladerglocke'' en 1575. La ''Siebenerglocke'' de Colmar (1573) servait également de cloche de retraite et sonnait, à 19 heures, le couvre-feu pour les clients des auberges. A Strasbourg, «&nbsp;on sonne tous les jours pendant un quart d’heure à dix heures du soir&nbsp;» la cloche de la retraite (''Feyerabendglocke'') fondue en 1692 (Grandidier, 245).
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Ammertzwiller possédait au XVIII<sup>e</sup> siècle «&nbsp;''die grössere Kapitelsglocke''&nbsp;», manifestement à l’usage du chapitre rural.
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Dans la mesure où une localité ne dispose pas d’une cloche bourgeoise, celles de l’église peuvent servir à des usages profanes, en cas de nécessité et «&nbsp;pour dissiper les tempêtes&nbsp;». La sonnerie de l’horloge, parfois propriété de la communauté, est le plus souvent installée dans le clocher&nbsp;; ainsi Ammerschwihr disposait en 1418 d’une ''Zittglocke'', Bœrsch en 1463, Colmar en 1370 (et d’une ''Schlagglocke'' avant 1572, refondue en 1573), Munster en 1559&nbsp;; la ''Zit- und Schlaglock'' du XIV<sup>e</sup> siècle existe toujours à Mulhouse (Saint-Etienne protestant). Obernai dispose toujours de la ''Zwölferglocke'' de 1474. Strasbourg disposait de celle de 1458 ainsi que d’une cloche de répétition (''Nachschlagglocke''), mentionnée dès 1245.
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La ''Wetterglocke'' (Gommersdorf&nbsp;; Magstatt-leBas, 1695&nbsp;; Riquewihr, 1722) était actionnée à l’approche des orages, «&nbsp;''so sich ein zorniges Wetter in den wolkhen erheben wolt''&nbsp;» (Dannemarie, 1610). A Schnersheim, la cloche St-Etienne (de 1692 ou 1697&nbsp;?) devait servir à cet effet puisqu’elle porte la&nbsp;mention&nbsp;: «&nbsp;''In hora tonitrui succurre''&nbsp;». En d’autres lieux (Bergheim, Colmar (1278), Munster), la ''Sturmglocke'' jouait le même rôle, mais servait aussi à sonner le tocsin. Le 8 mars 1262, Walther de Geroldseck fit sonner la «&nbsp;grande cloche d’alarme&nbsp;» de Molsheim.
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Le 30 avril 1715, ordre est donné à Rouffach de reprendre la coutume de sonner, avec les trois grandes cloches, «&nbsp;''gleich nach miternacht in den meytag''&nbsp;», car il s’est avéré que les moissons étaient plus abondantes et les orages moins dévastateurs les années où on le faisait.
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A Schœnau, on sonnait en hiver à 3 heures du matin pour appeler au travail les jeunes paysans chargés de battre les céréales au fléau.
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Le 5 octobre 1793, ordre fut donné de confisquer les cloches et de n’en conserver qu’une par localité&nbsp;; le 27 novembre, un projet prévoit que «&nbsp;les cloches… ne devront plus être employées qu’aux usages civils, au tocsin, à la convocation de la commune, à l’annonce des fêtes civiques et des événements heureux de la Révolution&nbsp;». Mais ce n’est que le 22 février 1795 que la loi interdit leur usage pour l’exercice du culte. Des esprits retors contournèrent la loi et utilisèrent la cloche subsistante pour indiquer «&nbsp;les heures de travail, matin, midi et soir&nbsp;», ce qui correspondait à l’ancienne sonnerie de l’angélus. Une circulaire ministérielle du 20 décembre 1797 devait mettre fin à cet «&nbsp;abus&nbsp;», mais, le 19 septembre 1798, le commissaire du directoire exécutif se plaint, de ce que dans le canton d’Ensisheim, «&nbsp;la cloche est ébranlée… hors les cas d’incendie et de révolte et ce le matin, à midi et le soir pour annoncer la retraite&nbsp;». A la demande de la Ville de Colmar de garder la sonnerie de retraite à 22 heures, le Président du Département répond que l’usage de la cloche n’est permis que pour «&nbsp;les cas d’incendie, d’inondation, d’approche de l’ennemi et de rassemblement d’individus menaçant la tranquillité publique, la sûreté et la propriété des citoyens&nbsp;».
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Le Concordat permit à nouveau l’utilisation des cloches pour le culte&nbsp;; leur usage fut réglé par les articles organiques de la loi du 18 germinal An X (art. 48).
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== Sources - Bibliographie ==
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DENISART (Jean-Baptiste), ''Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle'', 6e éd., Paris, 1768., p. 106-108.
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GRANDIDIER (Philippe André), ''Essais historiques et topographiques sur l’église cathédrale de Strasbourg'', Strasbourg, Levrault, 1782, p. 241-251.
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«&nbsp;Kirchen Ordnung zu Dammerkirch wegen des Klocken Leütens dasselbst (1612)&nbsp;», ''Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense'' 1889, N° 10, p. 147-155&nbsp;; N° 11, p. 161-163.
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«&nbsp;Sonnerie du jeudi soir en l’honneur de l’agonie de N.S. (1674)&nbsp;» (à Saint-Amarin), ''Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense'' 1890, N° 6, p. 91.
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«&nbsp;De campanarum ordine (à Saint-Amarin) (1674)&nbsp;», ''Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense'' 1892,&nbsp;N° 5, p. 66-67.
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«&nbsp;Fundatio sonitus die Jovis in memoriam Agoniae Christi» (à Saint-Amarin) (1674)&nbsp;», ''Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense'' 1892, N° 5, p. 68.
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WALTER (Theobald), ''Urkundenbuch der Pfarrei Rufach nebst einem Anhange&nbsp;: Kurze Pfarrchronik von Westhalten'', Rufach, 1900.
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LEVY (Joseph), «&nbsp;L’interdiction de l’usage des cloches dans la Haute-Alsace pendant la Grande Révolution&nbsp;», ''RCA'', 25, 1906, p. 262-278.
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FUCHS (Albert), «&nbsp;Die Glocken des Strassburger Münsters&nbsp;», ''Elsässische Monatsschrift für Geschichte und Volkskunde'', 1910, p. 522-532.
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WALTER (Karl), ''Glockenkunde'', Regensburg u. Rom, 1913.
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BAUDOT (Jules), ''Les cloches'', Paris, 1913.
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L., «&nbsp;Ursprung des Laüten am Mittag&nbsp;», ''Elsassland'', t. I, 1921, p. 12.
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LEVY (Joseph), «&nbsp;La rage antireligieuse de la Révolution en Alsace&nbsp;», ''RCA'', 1923, p. 339-344.
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WAGNER (Jules), ''La sonnerie de la salutation angélique à Mulhouse au XV<sup>e</sup> siècle'', Strasbourg, 1926.
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PFLEGER (Alfred), «&nbsp;Die Strassburger Silberglocke und der Johannistag&nbsp;», ''Elsassland'', t. VII, 1927, p. 189.
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SCHMIDT (Ernest), «&nbsp;Vom Glockenläuten im Ried&nbsp;», ''Elsassland, Lothringer Heimat'', 1931, p. 358.
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PFLEGER (Lucien), «&nbsp;Zur Geschichte des Mittagsläutens im Elsass&nbsp;», ''AEKG'' VII, 1932, p. 382
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WACKER (Eugène), «&nbsp;Glockenläuten im Sundgau&nbsp;», ''Pages Sundgoviennes'', II, Mulhouse, 1950, p. 141-144.
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''Guide (Le) du droit local. Le droit applicable en Alsace et en Moselle de A à Z''. 3e éd., 2002, p. 254-255.
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MULLER (Claude), ''Le siècle des Rohan. Une dynastie de cardinaux en Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'', Strasbourg, 2006, p. 230.
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== Notices connexes ==
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[[Cloche_bourgeoise|Cloche_bourgeoise]]
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[[Liturgie|Liturgie]]
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: right">'''Louis Schlaefli'''</p>   
 
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Version du 25 septembre 2020 à 07:48

Glockengeläut

L’usage primitif des cloches se bornait à appeler clergé et fidèles aux offices liturgiques : messe, laudes, vêpres... Plus tard, elles furent également sonnées au moment de l’élévation, parfois au moyen d’une cloche spécifique (Wandlungsglocke) ; elles l’étaient aussi au moment du Gloria lors de la première messe de Noël, le Jeudi saint et le Samedi saint, mais étaient remplacées par des crécelles les trois derniers jours de la Semaine sainte.

L’usage des cloches varie d’une paroisse à l’autre, notamment en fonction du nombre de cloches. La Kirchenordnung de Dannemarie de 1612 révèle des détails intéressants, qui ne s’appliquent pas nécessairement à d’autres paroisses ; ainsi, le soir de la Saint-Sylvestre « soll man das Neuwen Jahr einläuthen mit allen Glocken ». Lors des processions, il faut sonner avec toutes les cloches. Le jeudi saint, à l’élévation « pflegt man mit der klein Retsch zu rafflen, und mit der gross auszurafflen ». Une sonnerie spéciale est évoquée le soir de Noël, « heilwog genanndt ».

Certaines paroisses disposaient de cloches à usage spécifique, comme la Frühmessglocke (Strasbourg, 1129), la Vesperglocke (Haguenau, 1400 ; Strasbourg, 1402). Nous ignorons l’utilisation précise de la Türckenglocke de Haguenau (1268), appelée Ablassglocke en 1596. Molsheim fit fondre une Ablassglocke en 1433 ; celle de Cernay (1503) appartint plus tard à Guebwiller. Les évêques de Strasbourg accordèrent, en 1275 et 1303, des indulgences à ceux qui faisaient sonner le gros bourdon de la cathédrale.

Matin, midi et soir une sonnerie annonçait, de vieille date, dans la plupart des paroisses, l’heure de l’Angélus, prière à la Vierge. La sonnerie de midi fut avancée à 11 heures dans certaines localités, pour signaler aux paysans dans les champs l’approche de l’heure du repas.

De même, la dévotion du Salve Regina en l’honneur de la Vierge fut introduite dans de nombreuses paroisses. Ainsi Hugues Abt, chanoine à Saint-Pierre-le-Jeune y a fondé un Salve en 1450 (ABR G 4723/5), Etienne Wurtzgart à Saint-Pierre-le-Vieux en 1469 (G 4298/20) ; Jean Breitenbach, a fait de même à Saint-Léonard, où il était chanoine, en 1487 (2 G 52/33), Pierre Gloecklin, vicaire à Saint-Thomas, en 1480 (AMS 1 AST 185, f. 43 vo), Conrad Carlon à Sélestat (1503) (AM Sél. GG 62), Pierre Voeltsch et Thiébaud Melbruege à la Toussaint en 1513 et 1516 (BGS Ms 132, f. 170, 181). Certaines localités disposaient, pour annoncer cette dévotion, d’une cloche du Salve (Salveglocke) : Colmar (Couvent des Catherinettes, 1384), Molsheim (1438, disparue à la Révolution), Obernai, Rosheim, Turckheim (avant 1628).

La Betglocke servait, dans certaines paroisses (Boersch, 1478 ; Brunstatt, 1613 ; Colmar, 1573 ; Mulhouse (Betstundglocke), 1567), à appeler les fidèles à des dévotions particulières comme le chapelet ou le chemin de croix, ou le Salve (Rouffach, 1487), voire pour l’Angélus. Strasbourg disposait même d’une Frühgebetsglocke. Certaines confréries firent fondre une cloche à leur propre usage, comme celle du Rosaire (Sélestat, 1723 ; Magstatt-le-Bas, 1739), celle du Saint-Sacrement à Fort-Louis (1734), la sodalité des bourgeois de Sélestat (1740) pour annoncer leurs réunions et le décès de leurs confrères.

La Predigtglocke de la cathédrale, fondue en 1521, sonnait pour annoncer l’heure du sermon. L’église Saint-Thomas possédait une Vigilglocke de 1395 et une grosse Festglocke de 1486 et Turckheim un Weihwasserglöcklein actionné le dimanche, sans doute au moment de l’Asperges me.

La cloche de l’agonie (Todesangstglocke) était sonnée soit le jeudi soir, soit le vendredi pour commémorer l’agonie du Christ au Mont des Oliviers ; le curé Stippich a fondé une pareille sonnerie à Saint-Amarin en 1674. Sans doute était-ce la même cloche qu’on sonnait lorsque le curé allait administrer un mourant.

Pour sonner le glas (Scheidzeichen), certaines localités disposent d’une « cloche des morts » (Totenglocke) (Strasbourg, 1316 ; Riquewihr, 1564). Généralement, on use de sonneries différenciées pour annoncer que le défunt est un homme, une femme ou un enfant. En 1530 ou 1531, la sonnerie du glas fut interdite à Strasbourg.

Après le décès d’Armand Gaston de Rohan, le suffragant Riccius ordonne de sonner pendant six semaines, trois fois par jour le matin, à midi et le soir et chaque fois pendant une heure. De même, en 1766, à la suite du décès du Dauphin, Simon-Nicolas de Montjoie, évêque de Bâle, ordonne de sonner « toutes les cloches dans chaque Église paroissiale pendant une heure, avec trois intervalles ; ce qui sera réitéré aux trois Angélus de chaque jour l’espace de six semaines entières ». A la cathédrale de Strasbourg, sept cloches « sont sonnées pour les enterrements et services du Prince-Évêque et des Seigneurs du Grand-Chapitre », 6 pour les prébendiers du Grand Chœur. « On sonne les mêmes trois fois par jour pendant une heure, six semaines pour les Princes-Évêques, quinze jours pour le Grand-Chapitre, et huit jours pour le Grand-Chœur » (Grandidier, 247).

Habsheim disposait d’une Mordglocke, prétendument utilisée pour l’enterrement de la victime d’un assassinat, mais elle devait plutôt servir de cloche d’alerte en cas d’incursion de troupes ennemies, puisqu’elle portait la mention : « mein schall thut kund der statte noth vom feind bewahrt ». La Messglocke, qui annonçait l’ouverture et la fermeture de la foire Saint-Jean, ou Silberglocke (1333) de la cathédrale de Strasbourg était aussi appelée « Mord glock », parce qu’on la sonnait lorsqu’il y avait dans Strasbourg quelque sédition populaire. On ne la sonne plus aujourd’hui que lorsqu’il y a quelque cérémonie extraordinaire, « comme au sacre du Roi, à son arrivée à Strasbourg, … à la conclusion d’une paix générale, aux élections des Évêques et à leur première entrée dans la ville » (Grandidier, 243). Elle a été sonnée en 1375 « über die Engellender ».

L’Armensünderglocke de Mulhouse (1334) fut refondue en 1813 ; les cloches de ce nom étaient sonnées lors des exécutions publiques, ce qui n’était pas conforme au droit canon. A la cathédrale de Strasbourg, on utilisait à cette fin la Buebenglock ; également appelée Neunerglock, elle devait aussi faire rentrer les jeunes gens chez eux à 21 heures.

Au grand hôpital de Strasbourg, la Bubenglocke rythmait la vie des pensionnaires (Pfründner) de l’établissement, mais sans doute aussi celle des malades. Elle annonçait notamment le couvre-feu et appelait aux repas et, semble-t-il, aux prières dans les chambres. Les offices étaient annoncés par la cloche de la chapelle de l’hôpital.

La paroisse protestante de Bouxwiller acquit en 1545 la Abendglocke qui sonnait le soir à 20 heures « umb das die leut aus den wirtshäusern gehen möchten », et une Weinladerglocke en 1575. La Siebenerglocke de Colmar (1573) servait également de cloche de retraite et sonnait, à 19 heures, le couvre-feu pour les clients des auberges. A Strasbourg, « on sonne tous les jours pendant un quart d’heure à dix heures du soir » la cloche de la retraite (Feyerabendglocke) fondue en 1692 (Grandidier, 245).

Ammertzwiller possédait au XVIIIe siècle « die grössere Kapitelsglocke », manifestement à l’usage du chapitre rural.

Dans la mesure où une localité ne dispose pas d’une cloche bourgeoise, celles de l’église peuvent servir à des usages profanes, en cas de nécessité et « pour dissiper les tempêtes ». La sonnerie de l’horloge, parfois propriété de la communauté, est le plus souvent installée dans le clocher ; ainsi Ammerschwihr disposait en 1418 d’une Zittglocke, Bœrsch en 1463, Colmar en 1370 (et d’une Schlagglocke avant 1572, refondue en 1573), Munster en 1559 ; la Zit- und Schlaglock du XIVe siècle existe toujours à Mulhouse (Saint-Etienne protestant). Obernai dispose toujours de la Zwölferglocke de 1474. Strasbourg disposait de celle de 1458 ainsi que d’une cloche de répétition (Nachschlagglocke), mentionnée dès 1245.

La Wetterglocke (Gommersdorf ; Magstatt-leBas, 1695 ; Riquewihr, 1722) était actionnée à l’approche des orages, « so sich ein zorniges Wetter in den wolkhen erheben wolt » (Dannemarie, 1610). A Schnersheim, la cloche St-Etienne (de 1692 ou 1697 ?) devait servir à cet effet puisqu’elle porte la mention : « In hora tonitrui succurre ». En d’autres lieux (Bergheim, Colmar (1278), Munster), la Sturmglocke jouait le même rôle, mais servait aussi à sonner le tocsin. Le 8 mars 1262, Walther de Geroldseck fit sonner la « grande cloche d’alarme » de Molsheim.

Le 30 avril 1715, ordre est donné à Rouffach de reprendre la coutume de sonner, avec les trois grandes cloches, « gleich nach miternacht in den meytag », car il s’est avéré que les moissons étaient plus abondantes et les orages moins dévastateurs les années où on le faisait.

A Schœnau, on sonnait en hiver à 3 heures du matin pour appeler au travail les jeunes paysans chargés de battre les céréales au fléau.

Le 5 octobre 1793, ordre fut donné de confisquer les cloches et de n’en conserver qu’une par localité ; le 27 novembre, un projet prévoit que « les cloches… ne devront plus être employées qu’aux usages civils, au tocsin, à la convocation de la commune, à l’annonce des fêtes civiques et des événements heureux de la Révolution ». Mais ce n’est que le 22 février 1795 que la loi interdit leur usage pour l’exercice du culte. Des esprits retors contournèrent la loi et utilisèrent la cloche subsistante pour indiquer « les heures de travail, matin, midi et soir », ce qui correspondait à l’ancienne sonnerie de l’angélus. Une circulaire ministérielle du 20 décembre 1797 devait mettre fin à cet « abus », mais, le 19 septembre 1798, le commissaire du directoire exécutif se plaint, de ce que dans le canton d’Ensisheim, « la cloche est ébranlée… hors les cas d’incendie et de révolte et ce le matin, à midi et le soir pour annoncer la retraite ». A la demande de la Ville de Colmar de garder la sonnerie de retraite à 22 heures, le Président du Département répond que l’usage de la cloche n’est permis que pour « les cas d’incendie, d’inondation, d’approche de l’ennemi et de rassemblement d’individus menaçant la tranquillité publique, la sûreté et la propriété des citoyens ».

Le Concordat permit à nouveau l’utilisation des cloches pour le culte ; leur usage fut réglé par les articles organiques de la loi du 18 germinal An X (art. 48).

 

Sources - Bibliographie

DENISART (Jean-Baptiste), Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, 6e éd., Paris, 1768., p. 106-108.

GRANDIDIER (Philippe André), Essais historiques et topographiques sur l’église cathédrale de Strasbourg, Strasbourg, Levrault, 1782, p. 241-251.

« Kirchen Ordnung zu Dammerkirch wegen des Klocken Leütens dasselbst (1612) », Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense 1889, N° 10, p. 147-155 ; N° 11, p. 161-163.

« Sonnerie du jeudi soir en l’honneur de l’agonie de N.S. (1674) » (à Saint-Amarin), Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense 1890, N° 6, p. 91.

« De campanarum ordine (à Saint-Amarin) (1674) », Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense 1892, N° 5, p. 66-67.

« Fundatio sonitus die Jovis in memoriam Agoniae Christi» (à Saint-Amarin) (1674) », Archivalische Beilage zum Ecclesiasticum Argentinense 1892, N° 5, p. 68.

WALTER (Theobald), Urkundenbuch der Pfarrei Rufach nebst einem Anhange : Kurze Pfarrchronik von Westhalten, Rufach, 1900.

LEVY (Joseph), « L’interdiction de l’usage des cloches dans la Haute-Alsace pendant la Grande Révolution », RCA, 25, 1906, p. 262-278.

FUCHS (Albert), « Die Glocken des Strassburger Münsters », Elsässische Monatsschrift für Geschichte und Volkskunde, 1910, p. 522-532.

WALTER (Karl), Glockenkunde, Regensburg u. Rom, 1913.

BAUDOT (Jules), Les cloches, Paris, 1913.

L., « Ursprung des Laüten am Mittag », Elsassland, t. I, 1921, p. 12.

LEVY (Joseph), « La rage antireligieuse de la Révolution en Alsace », RCA, 1923, p. 339-344.

WAGNER (Jules), La sonnerie de la salutation angélique à Mulhouse au XVe siècle, Strasbourg, 1926.

PFLEGER (Alfred), « Die Strassburger Silberglocke und der Johannistag », Elsassland, t. VII, 1927, p. 189.

SCHMIDT (Ernest), « Vom Glockenläuten im Ried », Elsassland, Lothringer Heimat, 1931, p. 358.

PFLEGER (Lucien), « Zur Geschichte des Mittagsläutens im Elsass », AEKG VII, 1932, p. 382

WACKER (Eugène), « Glockenläuten im Sundgau », Pages Sundgoviennes, II, Mulhouse, 1950, p. 141-144.

Guide (Le) du droit local. Le droit applicable en Alsace et en Moselle de A à Z. 3e éd., 2002, p. 254-255.

MULLER (Claude), Le siècle des Rohan. Une dynastie de cardinaux en Alsace au XVIIIe siècle, Strasbourg, 2006, p. 230.

 

Notices connexes

Cloche_bourgeoise

Liturgie

Louis Schlaefli