Chevalerie

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La chevalerie - Définition générale

Au haut Moyen Âge, le mot miles désigne tout type de soldat, fantassin ou cavalier, et ne qualifie pas l’appartenance à une élite. L’historiographie récente s’oppose sur le fait de savoir à quel moment apparaît un groupe de guerriers d’élite qui se confond avec la noblesse et développe une identité propre dans le cadre féodal. La thèse traditionnelle, qui place son essor après l’an mille a été développée par Georges Duby, et plus spécialement défendue par Jean Flori, qui considère que la chevalerie (ordo equestris) est fixée, socialement et idéologiquement, au cours du XIIe siècle, et ce, dans l’ensemble de l’Europe chrétienne. La thèse inverse (D. Barthélemy) met l’accent sur une genèse plus ancienne, dès l’époque carolingienne.

Le passage d’armées de fantassins rassemblant les hommes libres convoqués au champ de mars à des contingents plus mobiles qui se déplacent et se battent à cheval pourrait s’expliquer par l’extension de l’Empire franc et par une sorte de professionnalisation de la guerre (capitulaire de Thionville en 805 remplaçant le système de levées par une cotisation au prorata de la richesse des contribuables). L’adoption de la selle d’arçon, qui maintient le cavalier bien calé dans ses étriers, permet à celuici de faire corps avec sa monture et de se livrer à des chocs frontaux, en désarçonnant l’adversaire. L’arme d’estoc est la lance, l’épée, de taille, étant utilisée dans une deuxième phase. La protection de corps apportée par des broignes (en écailles ou en anneaux), des cottes de mailles (à partir du Xe-XIe s.) ou des armures de plates (toujours plus perfectionnées à partir du XIVe s.), par les différents types de casques ou de heaumes et par les écus exige des moyens d’identification rapide des amis et des ennemis : c’est le rôle de l’héraldique. L’entrainement du combattant et l’entretien de chevaux spécialement dressés coûtent cher, ce qui est une des raisons d’être du fief.

L’âge classique des chevaliers est le XIIe et le XIIIe siècle. L’institution militaire se superpose à la noblesse et fédère ses différentes strates, du souverain jusqu’au plus petit détenteur de l’autorité publique. La remise des armes et de l’équipement (cingulum militiae, le baudrier et l’épée, les éperons d’or) a lieu au terme d’une longue période d’apprentissage et d’exercices, au sortir de l’adolescence, l’impétrant étant alors un « juvenis ». Elle est sacralisée par l’Église, qui met en place un code de conduite du chevalier chrétien (saint Bernard, v. 1130). Cet adoubement (Ritterschlag) qui combine un rituel viril (la colée) et une bénédiction s’inscrit dans un environnement idéologique relayé par la prédication (les Croisades), par la littérature (le cycle de la quête du Graal) et par l’image. Il est au coeur d’une culture spécifique, rythmée par la chasse, par les tournois et les joutes autant que par les opérations militaires proprement dites.

Dans le domaine germanique, le mot Ritter est un doublet de Reiter (cavalier) : son acception militaire est validée dans la littérature du XIIe siècle et dans les documents d’archives, à partir du milieu du XIIIe siècle. En 981, lorsque l’évêque de Strasbourg Erkembald conduit en Italie du sud cent « loricatos », que l’abbé de Murbach en accompagne vingt, et qu’il en vient soixante‑dix autres du « duché d’Alsace », il s’agit très vraisemblablement de cavaliers lourdement protégés. Il en va de même des effectifs allemands au service de Léon IX en 1053 contre les Normands.

Les bas-reliefs de l’abbatiale d’Andlau (2e moitié du XIIe s.) et les miniatures de l’Hortus deliciarum (v. 1180) font partie des représentations chevaleresques les plus fameuses, tant pour l’histoire matérielle (technique de combat, armement) que pour celle des idées : on y trouve l’image du preux ainsi que la thématique des vices et des vertus, notamment celle de la damnation éternelle du mauvais chevalier. Conservé à Heidelberg, le manuscrit enluminé connu sous le nom de Codex Manesse (du nom de la famille zurichoise qui l’avait commandité au début du XIVe siècle) fait la part belle à des chevaliers poètes d’Alsace et des régions voisines. Il est contemporain de l’apogée de l’institution. En effet, c’est à la fin du XIIIe siècle que la fusion de la noblesse et de la chevalerie est complète. Un siècle auparavant, la distinction entre une aristocratie d’origine libre et le groupe plus nombreux de ministeriales d’origine servile appelés à porter les armes se traduisait par une hiérarchisation stricte, notamment sur les listes de témoins de chartes. Désormais : tout chevalier, miles ou Ritter est noble, mais tout noble n’est pas nécessairement chevalier : en 1262, à la bataille de Hausbergen, les Strasbourgeois font prisonniers soixante « chevaliers et nobles ». Un des héros de la ville, Marx d’Eckwersheim, est désigné comme « miles sed juvenis », une expression contradictoire qui laisse supposer qu’il était digne du rang chevaleresque (ritterbürtig, né d’une famille chevaleresque), bien qu’il ne fût qu’au stade précédant l’adoubement, celui de « jeune homme » venant d’être formé. De fait, pour Bernhard Metz, le statut d’écuyer rendu ultérieurement par les motsjunker, knecht ou edelknecht – ou domicellus, donzel, damoiseau – correspond à ce découplage de la noblesse en deux degrés. En 1278, le roi Rodolphe procède à des adoubements collectifs lors de sa campagne contre le roi de Bohème. Les couronnements royaux ou impériaux donnent lieu, eux aussi, à des promotions chevaleresques (Conrad de Morimont à Rome en 1452, en compagnie de 200 gentilshommes de la suite de Frédéric III, Jérothée de Rathsamhausen à Aix-la Chapelle en 1486, par ex.). Le milieu du XVe siècle et les Guerres de Bourgogne sont le chant du cygne de l’institution militaire – plusieurs gentilshommes alsaciens sont faits chevaliers par le comte palatin Frédéric le Victorieux à la bataille de Seckenheim (1462) ou par René de Lorraine à Morat (1476) – mais la culture afférente perdure, particulièrement sous le règne de Maximilien Ier (1493-1519).

Au fil du temps, la proportion de chevaliers tend à diminuer considérablement, du fait du coût de l’adoubement et du train de vie afférent. Au milieu du XIVe siècle, un tiers des nobles de Haute Alsace sont encore chevaliers ; ils sont à peine 10 pour 100 au début du XVe siècle, remontent à 20 pour 100 dans le dernier tiers du siècle, mais ne se comptent plus que sur les doigts d’une main à la génération suivante. Mais le prestige est intact, ce qui incite les plus riches à organiser la cérémonie ou à acquérir le titre à l’occasion d’un pèlerinage en Terre Sainte. En 1454, Jean-Erhart de Reinach reçoit une gratification du duc de Bourgogne qui lui permet d’envisager sa promotion. Trente ans plus tard, Maximin II de Ribeaupierre revient de Jérusalem en tant que Ritter. L’âge de l’adoubement recule, au point qu’il apparaît parfois comme le couronnement d’une carrière, et non comme le rite d’initiation de celle-ci (Pierre de Hagenbach est resté écuyer jusqu’à 45 ans). Il peut arriver qu’un même personnage puisse cumuler deux adoubements distincts : c’est le cas de Georges Marx d’Eckwersheim, cité comme Ritter en 1478, puis adoubé au Saint-Sépulcre en 1484.

Quoique le titre chevaleresque soit strictement personnel, il existe quelques cas de chevalerie héréditaire. Ainsi, quatre lignages, les Fleckenstein, les Andlau, les Landsberg et les Ratsamhausen passent pour avoir été institués Erbritter ou Landesritter en raison de leurs faits d’armes contre les Hongrois en 934. Cette légende est développée dans la théorie des Quaternions au cours du XVe siècle. Elle donne lieu à une reconnaissance officielle (Diplôme de Charles Quint de 1550 en faveur de la famille d’Andlau).

 

Bibliographie

PARISSE (Michel), Noblesse et chevalerie en Lorraine médiévale, Nancy, 1982.

PARAVICINI (Werner), Die ritterlich-höfische Kultur des Mittelalters, Munich, 1994.

METZ (Bernhard), « L’apparition de l’écuyer en Alsace au XIIIe siècle », RA, 122, 1996, p. 83-92

BARBERO (Alessandro), La cavalleria medievale, 2002.

FLECKENSTEIN (Josef), Rittertum und ritterliche Welt, Berlin, 2002.

EHLERS (Joachim), Die Ritter. Geschichte und Kultur, Munich, 2006.

BARTHELEMY (Dominique), La Chevalerie, Fayard, 2007.

V. Quaternion.

 

Chevalerie (ordre de la) – Ritterschaft und Adel, Ritterstand

Corps politique des Pays antérieurs de l’Autriche, constituant, aux côtés des Prélats (Praelatenstand) et du Pays (Landschaft), les États provinciaux.

Formé à partir de la vassalité autrichienne et des nobles dont les terres sont soumises à la juridiction des Habsbourg, l’ordre se dessine à la fin du XIVe et au début du XVe siècle à partir de son identité géographique. Le 23 septembre 1423, les chevaliers du landgraviat de Haute-Alsace, rassemblés au Schildberg, près de Bartenheim, sont appelés à ratifier le traité de Bâle qui restitue à la duchesse Catherine de Bourgogne le douaire dont elle avait été dépossédée par son beau-frère Frédéric IV. La séance du Landgericht est qualifiée de Landtag, qu’on hésite à rendre par « grands jours » ou par « diète », à l’acception plus large. Un tel consentement avait été donné une première fois par les membres des lignages de la rive gauche du Rhin (« die von den geschlechten im lannd zuo Elsass und zuo Sungow und besunder von der graffschafft von Phirt oder lantgraffschafft vom Elsass belehnt siend »), en insistant sur leur statut de vassaux : ce traité de Masevaux avait eu lieu le 5 décembre 1421.

L’entrée en scène de la chevalerie en compagnie des délégués des villes et des bailliages du « pays » se produit le 20 août 1433 sous la forme d’une « motion » adressée au duc Frédéric IV pour le mettre en demeure de protéger ses terres contre les agressions du duc de Bourgogne. Cette délibération porte les sceaux de la Société de l’Ecu de Saint Guillaume, qui fédère la noblesse du sud-ouest de l’Allemagne et duLandgericht de Haute Alsace. Elle constitue le moment fondateur des états provinciaux des Vorlande, un véritable « chantage à l’obéissance » et la preuve d’une autonomie bien réelle. On peut y voir l’influence d’autres assemblées, à commencer par celle du Concile siégeant à Bâle au même moment, de ses interlocuteurs bohémiens, également désignés sous le terme de « ritterschaft und landschaft », et d’exemples voisins (Lorraine, où René Ier confirme les privilèges de la noblesse le 30 janvier 1431, Barrois, Franche-Comté, etc.).

Dès lors, on assiste à des réunions des deux (puis des trois) ordres, à la requête du prince ou plus spontanément, tant pour régler des affaires communes, notamment en matière militaire, que pour lever l’impôt (diètes, états provinciaux). La chevalerie s’articule en deux sous-ensembles – Haute Alsace et Comté de Ferrette, qui rassemblent 109 gentilshommes en 1538, et la rive droite du Rhin, forte de 36 membres. En 1445, le landleutzettel qui recense les nobles ou les communautés de la mouvance autrichienne en donnait respectivement 75 pour le côté alsacien et 41 pour le Brisgau, mais ces chiffres peuvent varier selon le nombre d’hommes adultes. A la diète générale de Neuenbourg, au printemps 1469, les nobles invités sont 156 (dont 64 qui viennent en personne ou qui sont représentés), mais un autre décompte donne un chiffre de près de 250, les deux tiers étant localisés sur la rive gauche. Les chevaliers proprement dits constituent un quart du total (44/175). Ces effectifs fondent tout au long du XVIe siècle, pour se concentrer sur une vingtaine de lignages avant la guerre de Trente ans.

L’identité de cette chevalerie, qui compte de moins en moins de chevaliers, mais conserve sa référence originelle en se faisant appeler Ritterschaft und Adel ou Ritterstand, tient à son allégeance à l’égard du prince autant qu’aux liens familiaux qui la solidarisent. Le service militaire issu des liens féodo-vassaliques lui permet de se soustraire, partiellement, aux subsides consentis par les états : sa quote-part est la moitié de celle de la Landschaft : elle est payée par les villageois de leurs seigneuries qui dépendent d’elles (les Ritterdörffer, habités par les Ritterlut) et qui sont, de ce fait, moins lourdement taxés que leurs voisins : un sujet de frictions qui perdure jusqu’à la guerre des Paysans (1525), voire au-delà.

Tous les membres de la chevalerie sont appelés à siéger à la diète (Landtag), parfois par ordre, isolément, parfois lors de réunions plénières, que ce soit à l’échelle des Vorlande ou sur l’une des deux rives. A partir des années 20 du XVIe siècle, la noblesse dispose d’une commission permanente – ou Ausschuss – composée de 6 à 9 membres selon qu’elle s’étende ou non au Brisgau. Cette institution, qui existait déjà depuis une génération pour le « tiers état » des villes et des bailliages (Landschaft), ne se justifiait pas tant que le Conseil d’Ensisheim était dominé par la noblesse locale. Elle se stabilise officiellement en 1568, avec un siège établi à Brisach, un syndic choisi parmi les conseillers de la Régence et trois gentilshommes auxquels sont confiées les clés de la caisse commune. En 1572, par exemple, ce « directoire » comprend cinq membres : Jean Henri de Landeck, Jean-Sébastien Zu Rhein, Ulrich-Thiébaut de Schauenbourg, Jean-Jacques Truchsess de Wolhausen et Sigismond d’Andlau. Les archives de l’ordre sont sous la garde des sires de Ribeaupierre, sous la présidence desquels se tiennent les réunions. Elles se trouvent au Rappoltsteinischer Hof d’Ensisheim en 1528 et se composent d’une collection de lettres de non préjudice accordées par la Maison d’Autriche.

En effet, à une vingtaine de reprises, jusqu’en 1570, le prince reconnaît le caractère gracieux des aides accordées par la chevalerie (et, par extension, par les états provinciaux) : le premier acte de la série émane de l’archiduc Albert VI en 1455 (« Nous reconnaissons que notre dite chevalerie n’était aucunement obligée en droit et n’est pas davantage obligée à l’avenir de nous donner cette contribution territoriale… mais qu’elle nous l’a consentie par une bonne volonté expresse ») et reconnaît implicitement l’intervention de ses sujets dans les affaires de la province. De fait, jusqu’au règne de Charles Quint, les diètes des pays antérieurs infléchissent vigoureusement la politique d’un prince qui ne réside pas sur place. La chevalerie participe à l’exercice du pouvoir dans un climat encore instable. Elle perd sa prééminence à mesure qu’une administration « technicienne » se met en place dans le cadre de l’état moderne et en devient alors un rouage. Ses capacités de résistance s’épuisent lorsque l’impôt cesse d’être négocié au coup par coup, et devient permanent.

Le baroud d’honneur de la chevalerie a lieu le 5 mai 1653 lors d’une ultime réunion qui se tient à Ensisheim, sous la conduite de Jean-Jacques de Ribeaupierre et se traduit par des remontrances présentées au comte d’Harcourt, qui gouvernait alors l’Alsace : bouquet final de mots oubliés et de chartes flétries, en attendant la déclaration royale de 1659 qui supprime les états dans la nouvelle province française.

La chevalerie des pays antérieurs ne doit pas être confondue avec la noblesse immédiate de Basse Alsace ou sa réplique de l’Ortenau, même si des traits communs les rapprochent. La première est médiate et s’inscrit dans une construction territoriale homogène, la seconde résulte d’un ajustement institutionnel dans le cadre de l’Empire.

Dans d’autres Territorialstaaten, de même que dans les plus grandes villes, la noblesse est un partenaire politique au sens plein, reconnu par des actes du pouvoir ou des institutions : ainsi, dans les constitutions municipales de Strasbourg ou de Colmar. Elle se fédère à travers des sociétés nobles, qui siègent dans des poêles : Constofeler à Strasbourg, etc. Elle intervient rarement dans sa globalité, et quasiment jamais dans la durée : en 1262, la chevalerie du Haut-Mundat siège aux côtés des bourgeois lors de la conclusion d’un accord entre l’évêque et le comte Rodolphe de Habsbourg : le document désigne : « die rittere unde burgere von der Muntat ze Rufach », ce qui suggère une démarche collective. Mais il s’agit ici d’un unicum.

Il n’y a pas de fonds spécifiques concernant l’Alsace, mais les états provinciaux ont continué à fonctionner en Brisgau. Des pièces isolées se trouvent aux AD du Haut-Rhin, cf. Répertoire numérique détaillé du fonds de la régence autrichienne d’Ensisheim : (sous-série 1 C) XIIIes.-1638, par B. Jordan, L. Roux, M.-A. Duvignacq, Colmar, 1995 et dans les fonds des familles nobles, notamment Waldner de Freundstein, 158 J 170 (copie des lettres de non-préjudice accordées à la noblesse de Haute-Alsace).

 

Bibliographie

SCHWARZWEBER (Hermann J.), « Die Landesstände Vorderösterreichs im 15. Jahrhundert », Mitteilungen zur Geschichte Tirols und Vorarlbergs, t. 5, 1908, fasc. 1-2, p. 145-156 et fasc. 3-4, p. 12-112.

SEIDEL (Karl Josef), Das Oberelsass vor dem Übergang an Frankreich : Landesherrschaft, Landstände und fürstliche Verwaltung in Alt-Vorderösterreich, 1602-1638, Bonn, 1980.

BISCHOFF (Georges), Gouvernés et gouvernants en Haute-Alsace à l’époque autrichienne, Strasbourg, 1981.

HILDEBRAND (Eugen), « Die Ortenauer Ritterschaft auf dem Weg zur Reichsritterschaft », ZGOR, 1989, p. 241-257

SPECK (Dieter), « Adel am Oberrhein: Die oberrheinische Ritterschaft und das Haus Habsburg vom 14. bis 16. Jahrhundert », ZGOR, 137, 1989, p. 203-223.

SPECK (Dieter), « St. Georg- und Wilhelmsschild am Oberrhein – ein Mittel habsburgischer Politik bei der Umstrukturierung des Personenverbandes zum modernen Territorialstaat », ZGOR, 139, 1991, p. 95-122.

SPECK (Dieter), « Ständemacht und Herrschaftsferne : die vorderösterreichischen Landstände vor dem Dreissigjährigen Krieg », in DURIAN-RESS (Saskia) et SMOLINSKY (Heribert) (dir.), Habsburg und der Oberrhein : gesellschaftlicher Wandel in einem historischen Raum, Waldkirch, 2002, p. 77-99.

V. Ausschuss, Autriche_antérieure, ChevalierConstofeler, DièteImpôts, Landstände, Landtag, Médiatisation, Régence, Regierung, Ritterlut, Vorlande (pays antérieurs).

 

Chevalerie de Basse Alsace

V. Noblesse immédiate de Basse Alsace.

 

Chevalerie (sociétés de)

A la fin du Moyen Âge, la culture chevaleresque se manifeste à travers une sociabilité bien organisée, à l’échelle locale, régionale ou même européenne.

Dans les villes

Une noblesse fort nombreuse réside dans les villes. Il y existe des sociétés nobles qui disposent de lieux de réunion et revendiquent une identité forte. A Bâle, deux partis appelés les Sterner (à l’étoile) et les Psittischer (ceux du perroquet) s’affrontent à partir de 1268, les uns, favorables aux Habsbourg, les autres, à l’évêque Henri de Neuchâtel. A Colmar, en 1330, le même clivage oppose les « Rouges » et les « Noirs », partisans de Louis de Bavière. A Strasbourg, c’est à l’occasion du banquet de la Table ronde que s’entretuent les amis des Zorn et des Mullenheim en 1332. Les poêles où se réunissent les chevaliers et les écuyers tirent leur désignation de leur enseigne ou de leur fonction (Zum Wurm, au Dragon, à Mulhouse, 1346), la Panthère et le Doyen, à Colmar, 1347, la Chopine (les Scheppeler), dans cette ville, à la décennie suivante. Ils se présentent comme des bâtiments spacieux, dotés d’une grande salle, à l’instar de l’ancienne droguerie « au Serpent » proche de la cathédrale de Strasbourg, décorés de peintures profanes du XIVe siècle. Combattues sans succès par Charles IV (1346-1378), ces sociétés perdurent jusqu’au XVIe siècle – la lobliche gesellschaft zum ritter de Fribourg en Brisgau est fondée ou refondée en 1545, s’ouvrant selon les cas à des ecclésiastiques ou des roturiers, se fermant parfois à des nobles de fraîche date (comme Philippe Hagen de Strasbourg, interdit d’accès au poêle de la Haute-Montée en 1516). La distinction entre ces clubs de chevaliers ou assimilés et les sociétés de notables des petites villes (Edelleutstuben, Ratsstuben, Trinkstuben…) s’estompe au début des temps modernes.

 

A l’échelle régionale

Les sociétés de chevalerie ont une fonction de reconnaissance plus marquée à l’échelle régionale : elles expriment des solidarités politiques et sont vouées à des activités récréatives. On en connaît 92 qui sont fondées entre 1331 et 1517, notamment dans les régions d’Allemagne où prolifère une petite noblesse rurale de Reichsritter (Souabe, Franconie). Ces associations possèdent des statuts et des archives, des instances dirigeantes, parfois un protecteur issu de la haute aristocratie et s’inscrivent dans une circonscription assez large, à l’instar du Martinsvogel badois, qui déborde sur la rive gauche du Rhin dans les dernières décennies du XIVe siècle et rassemble notamment les Ratsamhausen, les Hattstatt, les Andlau… Il en va de même d’une dizaine d’autres sociétés, y compris de celle de Saint-Georges, en Franche-Comté, qui existe en 1390, mais se reconstitue en 1485, en accueillant des nobles du Sundgau. Son sanctuaire est le couvent des franciscains de Rougemont (Doubs) où se tiennent les rencontres annuelles (à la fête du saint, le 23 avril), qui s’infléchissent dans le sens d’un élitisme dévot (plus de banquets excessifs en 1552, obligation de catholicité (1569), parrainage de quatre confrères (1571), etc.).

La plus importante des Gesellschaften présentes dans la vallée du Rhin supérieur est celle de l’Ecu de Saint-Georges (Sankt Georgenschild), établie en Souabe méridionale et fondée vers 1406, pour défendre les intérêts de la noblesse locale contre les Confédérés suisses et leurs alliés. Forte de centaines de membres, dirigée par un capitaine désigné annuellement, associant aussi bien des aristocrates de haute volée (par ex. les comtes de Lupfen) et de petits chevaliers, elle se transforme en noblesse immédiate vers 1560. Sa force militaire lui vaut d’intervenir dans les conflits régionaux, notamment au service de l’évêque Guillaume de Diest (guerre de Dachstein), puis lors de la guerre des Six Deniers (1466).

Son pendant est la Société de l’écu de Saint-Guillaume (Sankt-Wilhelmsschild), centrée sur les Vorlande de l’Autriche, qui préfigure le Ritterstand de ceux-ci et apparaît à l’époque du Concile de Bâle, vers 1432 (se confondant parfois avec le Georgenschild). A l’origine, il est possible qu’elle ait privilégié des activités festives, notamment des joutes (très en vogue depuis la fin du XIVe siècle, notamment lors du tournoi de Strasbourg en 1390 (qui réunit 300 jouteurs du Rhin supérieur et 1200 chevaux).

V. Adelgesellschaft.

 

Sociétés de tournoyeurs

La disparition rapide de l’écu de Saint-Guillaume peut être liée à sa transformation politique et à l’essor de sociétés transrhénanes plus spécialement vouées à des exercices équestres, la société du Loup, crée en 1459, et, surtout le Compagnie du Faucon et du Poisson (Die loblich gesellschaft der vische und falken), fréquentée par la fine fleur de la noblesse d’Alsace, elle-même issue, en 1483, de la fusion du Faucon, citée depuis 1407, et du Poisson, fortement implantée dans la région (15 lignages de Haute-Alsace en sont membres). C’est au sein de celles-ci que se recrutent les équipes envoyées aux compétitions chevaleresques selon les normes codifiées à Heilbronn en 1484. Pour prendre part à un tournoi, il faut se prévaloir de quatre quartiers de noblesse – et d’une naissance légitime –, ne pas être astreint aux obligations fiscales ou militaires des bourgeois, satisfaire aux règles de l’honneur, en admettant l’équivalence des adjectifs « rittermässig » (de statut chevaleresque) et « turniersgenoß » (tournoyeur). L’exclusivisme et l’ostentation vont de pair avec une hiérarchie honorifique et fonctionnelle, un roi élu assisté de quatre conseillers, des dignitaires, des réunions régulières appelées « cours » (hof), une emblématique omniprésente. Les membres du Faucon et du Poisson arborent leur emblème soutenu par un collier d’or ou d’argent sur champ d’azur – on le reconnaît sur un vitrail de la famille d’Andlau en 1540 ou sur le portrait d’Adelberg de Baerenfels par Baldung en 1520, et sont tenus, sous peine d’amende, de revêtir un costume uniforme lors des fêtes organisées par la compagnie.

 

Ordres de chevalerie

Le seul ordre spécifiquement alsacien est tardif et éphémère puisqu’il est prévu pour durer six ans en 1463 : il est placé sous l’invocation du Saint-Esprit et tient son siège à Stephansfeld, son emblème étant évidemment une colombe. Ses fondateurs sont les comtes Louis de Deux-Ponts et Georges d’Ochsenstein ainsi que Louis de Lichtenberg, dans les résidences desquels ont lieu les réunions (mahltag) des affiliés. Ces derniers acquittent une cotisation de deux florins pour un noble de haut rang (herr) et d’un florin pour un simple gentilhomme. Les statuts de 1463 instituent l’arbitrage des conflits entre les membres ou entre ces derniers et des tiers ; ils prévoient des dispositions d’entr’aide (une sorte de matricule) et des règles de conduite en cas de guerre (si des confrères se retrouvent dans les camps opposés, ils s’engagent à ne pas se combattre). Le contexte est celui de la résistance des seigneurs du nord de l’Alsace face aux appétits de l’électeur palatin.

Au XVe et au XVIe siècle, la fonction honorifique l’emporte sur le rôle fédérateur. L’entrée dans un ordre de chevalerie fermé constitue une récompense enviée. Ainsi, en 1514, le chevalier Simon de Ferrette, qui s’est distingué au service d’Henry VIII d’Angleterre (sans qu’on puisse dire dans quel ordre).

Fondé par Philippe le Bon en 1429, l’Ordre de la Toison d’Or occupe le sommet de la pyramide, mais ne concerne que marginalement l’Alsace : le seul promu est Guillaume de Ribeaupierre, admis lors du chapitre de Bruxelles en 1517.

 

Bibliographie

KRUSE (Holger), PARAVICINI (Werner), RANFT (Andreas), Ritterorden und Adelsgesellschaften im spätmittelalterlichen Deutschland. Ein systematisches Verzeichnis, Francfort-Berne-New York-Paris, 1991.

SPECK (Dieter), « St. Georg- und Wilhelmschild am Oberrhein. Ein Mittel habsburgischer Politik bei der Umstrukturierung des Personenverbandes zum modernen Territorialstaat », ZGOR, 1991, p. 95-122.

WERLE (Maxime), La droguerie du Serpent. Une demeure médiévale au coeur de Strasbourg, Strasbourg, 2006.

PORTE (Guillaume), « La noblesse colmarienne en conflit au XIVe siècle », dans Annuaire de la société d’Histoire et d’Archéologie de Colmar, vol. XLIX, 2009-2010, p. 5-31.

 

Georges Bischoff

Notices connexes

Baron (Ritter und Knechte)

Commanderie

Chevalier d'honneur

Droit de l'Alsace

Edelknecht

Empire (chevaliers d'Empire)

Etats provinciaux de Haute Alsace (Ritter une Adel)

Noblesse immédiate

Noblesse immédiate de Basse-Alsace