Chaudronniers

De DHIALSACE
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Dinandiers, Kessler, Kalt(kupfer)schmiede, Kesslerhandwerk, Rétameurs, Spengler

Artisans du métal spécialisés dans la fabrication et la réparation d’ustensiles de cuisine (casseroles, poêles, seaux, etc., en cuivre, en laiton et en fer battu) ainsi que d’autres objets découpés, façonnés et rivetés à froid (girouettes, instruments de musique, etc.) et dans la vente de ceux-ci.

Les chaudronniers sont organisés en corporation régionale dirigée par un prévôt, mais les sources de première main ne désignent pas celle-ci sous les noms deKönigreich, Bruderschaft, Zunft, employés ailleurs ; on parle d’eux au pluriel : alle die kesseler die da heissent kaltschmiede (1391).

L’espace concerné dépasse l’Alsace et le Sundgau, puisqu’il inclut les deux rives du Rhin, s’étendant du Hauenstein et de Porrentruy, dans le Jura, jusqu’à la forêt de Haguenau, entre la crête des Vosges et celle de la Forêt Noire, embrassant notamment Bâle (au moins jusqu’au début du XVIe siècle). Il se décompose en deux sous-ensembles séparés par le fleuve, plus explicitement après 1700, mais sans doute dès le Moyen Âge. Le Wurtemberg et le secteur centré sur le Palatinat (incluant l’Alsace du nord) disposent d’institutions similaires. La terminologie en usage sous l’Ancien Régime indique « les maîtres jurés et corps du métier des chaudronniers de la Haute et Basse Alsace et pays voisins ». Du milieu du XIVe siècle à la Révolution française, leur protecteur est l’aîné de la famille noble de Rathsamhausen, qui les représente auprès des autorités publiques et arbitre leurs conflits. Les réunions plénières (tag) ont lieu le jour de la Sainte-Marguerite (13 juillet) dans les villes de la région, principalement Brisach (et également Bâle), avant d’être fixées à Colmar à partir de 1711 (en remplacement de la Ville Neuve de Brisach, la « ville de paille » qui avait été leur siège au début de la domination française).

Mise au point en 1436, la réglementation commune remonte au règne de l’empereur Sigismond qui confirme leurs privilèges dans un diplôme daté de Bâle le 5 mars 1434. Elle donne lieu à une nouvelle rédaction adoptée à l’assemblée de Brisach, en juillet 1537. Elle est reprise par les États (Landstände) d’Alsace, lors de la grande ordonnance de police (Polizeiordnung) adoptée à Molsheim en 1552, validée par le Conseil souverain (1680), puis remise à jour par l’intendant Jacques de la Grange en 1685, et précisée ultérieurement par la jurisprudence (1717, 1754).

Le terme de « royaume » (Königreich) qui désigne la circonscription (parfois appelée Kreis) n’a pas d’existence officielle sous la domination française, pas plus que celui de roi (König) qui s’appliquerait aux Rathsamhausen, désignés sous le titre de herr ou oberer (1492), considérés par la monarchie comme les « supérieurs des chaudronniers », en tant que détenteurs d’un fief mouvant du roi de France. A l’origine, le fief relevait de l’Empire : il avait été cédé à Jean de Rathsamhausen par le chevalier Siegfried von Strahlenberg en 1361, et régulièrement confirmé par le souverain ou par le comte palatin jusqu’en 1660. En contrepartie de leur juridiction, ses détenteurs avaient droit à quinze jours de service militaire à titre gracieux et quinze jours à leurs dépens, et recevaient annuellement leur batterie de cuisine. Les affaires courantes étaient traitées par les maîtres eux-mêmes, qui siégeaient en gericht présidé par leur prévôt (schultheis).

Les maîtres chaudronniers et leurs compagnons sont obligatoirement affiliés à la corporation régionale (probablement en plus de leur inscription locale dans une tribu urbaine) et prêtent serment. Le principe d’obligation est affirmé en 1373 lors d’un litige relatif à un Colmarien qui tente de s’y soustraire. Les assemblées générales donnent lieu à un rituel pittoresque (garde d’honneur bouffonne signalée par Anne-Marie Dubler à propos des royaumes de l’espace helvétique), accentuée par le caractère marginal d’une profession vouée à l’itinérance, et, quelquefois, suspecte.

Les chaudronniers revendiquent un monopole d’exercice et s’opposent fréquemment à la concurrence des marchands qu’ils côtoient lors des foires et des marchés qui leur sont accessibles. En Suisse, leurs royaumes sont dissous en 1488 pour éviter les conflits récurrents entre les villes et les organisations du plat pays. En Haute Alsace, l’empereur Maximilien arbitre en leur défaveur un long contentieux vis-à-vis des marchands de Belfort (1515), qui s’approvisionnent vraisemblablement dans les régions voisines. D’une manière générale, les maîtres conservent l’exclusivité de la vente des ustensiles neufs, mais les revendeurs (brocanteurs, regrattiers, Gremper), comme ceux de Strasbourg, obtiennent la possibilité de vente d’occasion.

A la veille de la Révolution, le monopole de fabrication est remis en cause par l’existence de manufactures, comme celle de Klingenthal, dont les martinets sont capables de battre simultanément une dizaine de chaudrons.

 

Sources - Bibliographie

ABR, C299 et G.437 ; AM Colmar, HH 89 ; AD Territoire de Belfort 3 E 457 et 1 H 2 dépôt.

Ordonnances d’Alsace, I, p. 293 et II 436-437.

DUBLER (Anne-Marie), notices « Königreich » et « Royaume », Dictionnaire historique de la Suisse (en ligne).

HEITZ (J. H.), « Das Kessler-Lehen der Herren von Rathsamhausen », Alsatia, 1852.

SITTLER (Lucien), « Les associations artisanales en Alsace au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime », RA, 1958, p. 39-41.

HUGGLE (Ursula), Johann Simler, Kupferschmied und Rat zu Freiburg im 17 Jahrhundert, Freiburg, 1989.

SPICKER-BECK (Monika), Räuber, Mordbrenner, umschweifendes Gesind. Zur Kriminalität im 16. Jahrhundert, Fribourg-en-Brisgau, 1995.

MULLER (Christine), « Les emblèmes d’artisans », à paraître dans Alsace Histoire.

 

Notices connexes

 Artisanat

Corporation

Fer (métiers du -)

Georges Bischoff