Chasse (droit de) : Différence entre versions

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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''Wildbann''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">En Alsace, sous l’Ancien Régime, le droit de chasse fait partie des droits de juridiction. Il ne correspond pas à un privilège lié au statut social de son détenteur, contrairement au royaume de France où il est considéré comme honorifique et ne peut être exercé par un roturier. La chasse n’a pas toujours été l’activité exclusive des seigneurs. Jusqu’au XVI<sup>e</sup> siècle, le roturier alsacien peut, lui aussi, chasser, certes avec quelques contraintes définies localement. Beaucoup de communautés jouissent du droit de chasse, seules ou avec le seigneur, soit en vertu de diplômes impériaux ou de concessions des archiducs, soit par possession immémoriale qui vaut titre. Bergheim obtient de la maison d’Autriche le droit de chasse sur son ban et dans ses forêts concurremment avec le seigneur. Ce droit contesté est cependant confirmé au XVIII<sup>e</sup> siècle (Hoffmann, ''L’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'', III, p. 127-130). A Huningue, le seigneur accorde volontiers ce droit à ses sujets tandis que dans la vallée de Saint-Amarin, la chasse est autorisée sur un territoire délimité. En revanche, sur les terres de l’abbaye de Munster, la chasse est ordinairement prohibée, mais les paysans peuvent traquer toute l’année les bêtes fauves, le sanglier et l’ours. La chasse populaire est tolérée pour limiter la prolifération du gibier et surtout celle des prédateurs. En Alsace, le droit de chasse est souvent affermé (seigneurie de Ribeaupierre, comté de Thann) ou accordé à titre de faveur temporaire à quelques notables (officiers seigneuriaux, membres du Conseil souverain…) (Hoffmann, ''L’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'', III, p. 119-137).</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Pourtant, à partir du XV<sup>e</sup> siècle, des règlements tendent à restreindre tout droit de chasse pour les roturiers, à l’image du mouvement en cours aussi bien dans le royaume de France que dans le Saint Empire. Les rédactions successives des coutumes du Val d’Orbey au cours du XVI<sup>e</sup> siècle illustrent l’évolution de la réglementation cynégétique dans la seigneurie de Ribeaupierre. En l’espace d’un demisiècle, les habitants de la vallée perdent la liberté de chasser, exception faite des grands prédateurs tels que les ours et les loups (Bonvalot, ''Coutumes du Val d’Orbey'', p. 14-15). Le mouvement à l’encontre de la chasse des roturiers est général. Celle-ci est régulièrement interdite dans les différentes décisions royales et notamment dans la grande ordonnance des Eaux et Forêts de 1669 qui parachève la réglementation.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">En 1501, l’évêque de Strasbourg, le comte Philippe de Hanau, le comte Philippe de Deux-Ponts et le grand bailli de Haguenau s’entendent pour interdire à leurs sujets, bourgeois ou paysans, l’exercice&nbsp;de la chasse « afin de les empêcher de tomber dans la misère et la détresse, en négligeant la culture des champs » (Bonvalot, « Chasse et pêche dans le Rosemont »). Cet argument est repris tout au long de l’Ancien Régime. Avec le développement des armes à feu, le port d’armes inquiète les autorités qui préfèrent limiter le droit de chasse aux notables. La chancellerie de Ribeaupierre déplore aussi que le roturier qui s’adonne à la chasse « touche par cette conduite aux prérogatives de la noblesse, du militaire et d’autres personnes distinguées par leur naissance, par leur rang ou par leur caractère. Enflé d’un orgueil qui le jette au-delà des bornes de sa sphère, il brise la barrière qui le sépare d’avec les gens constitués en dignité » (AHR E 1098). La chasse devient un privilège que la noblesse n’entend plus partager avec les roturiers ; elle est ainsi considérée comme un élément du mode de vie nobiliaire (Salvadori, p. 163-175). Pourtant, elle ne deviendra jamais l’exclusivité de la noblesse, surtout en Alsace (Jéhin et Titeux, Le Livre d’or de la chasse, p. 117-118). En contrepartie de la suppression du droit de chasse pour les roturiers, les seigneurs promettent la destruction des « animaux nuisibles et malfaisants » qui s’attaquent aux troupeaux et aux cultures.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Dès les premières mesures coercitives, cette restriction du droit de chasse est vivement contestée comme lors du soulèvement des Rustauds de 1525. Dans la seigneurie de Rosemont, la population tente de résister et se bat farouchement pour conserver ses vieilles franchises coutumières en matière cynégétique, mais en vain (Bonvalot, « Chasse et pêche dans le Rosemont », p. 247-258, p. 295-303).</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">A la veille de la guerre de Trente Ans, les autorités seigneuriales sont parvenues à s’arroger presque partout l’exclusivité du droit de chasse. Elles le conserveront sans partage jusqu’à la Révolution.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">La nuit du 4 août 1789 met fin au privilège exclusif de la chasse. Le droit de chasse revient aux propriétaires fonciers par décret du 11 août 1789, principe fondamental de la législation cynégétique française. A partir de 1805, les communes sont autorisées à louer le droit de chasse sur les propriétés communales, particulièrement importantes en Alsace. La loi sur la chasse du 3 mai 1844, texte législatif majeur de l’histoire du droit cynégétique français, confirme que le droit de chasse est lié au droit de propriété. Elle instaure en outre le permis de chasse, les périodes de chasse, ainsi que le système pénal propre à la chasse.</p>  
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">''Wildbann''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">En Alsace, sous l’Ancien Régime, le droit de chasse fait partie des droits de juridiction. Il ne correspond pas à un privilège lié au statut social de son détenteur, contrairement au royaume de France où il est considéré comme honorifique et ne peut être exercé par un roturier. La chasse n’a pas toujours été l’activité exclusive des seigneurs. Jusqu’au XVI<sup>e</sup> siècle, le roturier alsacien peut, lui aussi, chasser, certes avec quelques contraintes définies localement. Beaucoup de communautés jouissent du droit de chasse, seules ou avec le seigneur, soit en vertu de diplômes impériaux ou de concessions des archiducs, soit par possession immémoriale qui vaut titre. Bergheim obtient de la maison d’Autriche le droit de chasse sur son ban et dans ses forêts concurremment avec le seigneur. Ce droit contesté est cependant confirmé au XVIII<sup>e</sup> siècle (Hoffmann, ''L’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'', III, p. 127-130). A Huningue, le seigneur accorde volontiers ce droit à ses sujets tandis que dans la vallée de Saint-Amarin, la chasse est autorisée sur un territoire délimité. En revanche, sur les terres de l’abbaye de Munster, la chasse est ordinairement prohibée, mais les paysans peuvent traquer toute l’année les bêtes fauves, le sanglier et l’ours. La chasse populaire est tolérée pour limiter la prolifération du gibier et surtout celle des prédateurs. En Alsace, le droit de chasse est souvent affermé (seigneurie de Ribeaupierre, comté de Thann) ou accordé à titre de faveur temporaire à quelques notables (officiers seigneuriaux, membres du Conseil souverain…) (Hoffmann, ''L’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'', III, p. 119-137).</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Pourtant, à partir du XV<sup>e</sup> siècle, des règlements tendent à restreindre tout droit de chasse pour les roturiers, à l’image du mouvement en cours aussi bien dans le royaume de France que dans le Saint Empire. Les rédactions successives des coutumes du Val d’Orbey au cours du XVI<sup>e</sup> siècle illustrent l’évolution de la réglementation cynégétique dans la seigneurie de Ribeaupierre. En l’espace d’un demisiècle, les habitants de la vallée perdent la liberté de chasser, exception faite des grands prédateurs tels que les ours et les loups (Bonvalot, ''Coutumes du Val d’Orbey'', p. 14-15). Le mouvement à l’encontre de la chasse des roturiers est général. Celle-ci est régulièrement interdite dans les différentes décisions royales et notamment dans la grande ordonnance des Eaux et Forêts de 1669 qui parachève la réglementation.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">En 1501, l’évêque de Strasbourg, le comte Philippe de Hanau, le comte Philippe de Deux-Ponts et le grand bailli de Haguenau s’entendent pour interdire à leurs sujets, bourgeois ou paysans, l’exercice&nbsp;de la chasse «&nbsp;afin de les empêcher de tomber dans la misère et la détresse, en négligeant la culture des champs&nbsp;» (Bonvalot, «&nbsp;Chasse et pêche dans le Rosemont&nbsp;»). Cet argument est repris tout au long de l’Ancien Régime. Avec le développement des armes à feu, le port d’armes inquiète les autorités qui préfèrent limiter le droit de chasse aux notables. La chancellerie de Ribeaupierre déplore aussi que le roturier qui s’adonne à la chasse «&nbsp;touche par cette conduite aux prérogatives de la noblesse, du militaire et d’autres personnes distinguées par leur naissance, par leur rang ou par leur caractère. Enflé d’un orgueil qui le jette au-delà des bornes de sa sphère, il brise la barrière qui le sépare d’avec les gens constitués en dignité&nbsp;» (AHR E 1098). La chasse devient un privilège que la noblesse n’entend plus partager avec les roturiers&nbsp;; elle est ainsi considérée comme un élément du mode de vie nobiliaire (Salvadori, p. 163-175). Pourtant, elle ne deviendra jamais l’exclusivité de la noblesse, surtout en Alsace (Jéhin et Titeux, Le Livre d’or de la chasse, p. 117-118). En contrepartie de la suppression du droit de chasse pour les roturiers, les seigneurs promettent la destruction des «&nbsp;animaux nuisibles et malfaisants&nbsp;» qui s’attaquent aux troupeaux et aux cultures.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Dès les premières mesures coercitives, cette restriction du droit de chasse est vivement contestée comme lors du soulèvement des Rustauds de 1525. Dans la seigneurie de Rosemont, la population tente de résister et se bat farouchement pour conserver ses vieilles franchises coutumières en matière cynégétique, mais en vain (Bonvalot, «&nbsp;Chasse et pêche dans le Rosemont&nbsp;», p. 247-258, p. 295-303).</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">A la veille de la guerre de Trente Ans, les autorités seigneuriales sont parvenues à s’arroger presque partout l’exclusivité du droit de chasse. Elles le conserveront sans partage jusqu’à la Révolution.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">La nuit du 4 août 1789 met fin au privilège exclusif de la chasse. Le droit de chasse revient aux propriétaires fonciers par décret du 11 août 1789, principe fondamental de la législation cynégétique française. A partir de 1805, les communes sont autorisées à louer le droit de chasse sur les propriétés communales, particulièrement importantes en Alsace. La loi sur la chasse du 3 mai 1844, texte législatif majeur de l’histoire du droit cynégétique français, confirme que le droit de chasse est lié au droit de propriété. Elle instaure en outre le permis de chasse, les périodes de chasse, ainsi que le système pénal propre à la chasse.</p>  
== <span style="font-size:x-large;">Bibliographie</span> ==
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== <span style="font-size:x-large">Bibliographie</span> ==
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BONVALOT (Edouard), ''Les Coutumes du Val d’Orbey'', Paris, 1864.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BONVALOT (Edouard) « Chasse et pêche dans le Rosemont », in ''Revue catholique d’Alsace'', 1866, p. 247-258 et p. 295-303.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">HOFFMANN (Charles), ''L’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'' (1906), « chasse »,&nbsp;t. III, p. 119-136.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">JEHIN (Philippe), « La chasse dans le Val d’Orbey sous l’Ancien Régime », ''Bulletin de la Société d’histoire du canton de Lapoutroie'', n° 10, 1991, p. 42-45.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">RICHEZ (Jean-Claude), « Quel droit de chasse pour l’Alsace ? », ''Saisons d’Alsace'', n° 118, 1992, p. 36-58.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">SALVADORI (Philippe), ''La chasse sous l’Ancien Régime'', Paris, 1996, p. 163-175.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">JEHIN (Philippe), en collaboration avec TITEUX (Gilbert), ''Livre d’or de la chasse en Alsace'', Strasbourg, 2008.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">JEHIN (Philippe), « Nous n’irons plus au bois. Restrictions des droits d’usage forestiers aux XVI<sup>e</sup> et XVII<sup>e</sup> siècles en Alsace », ''Actes du colloque Autorité, Liberté, Contrainte en Alsace (1-3 octobre 2009)'', Strasbourg, 2010, p. 175-191.</p>  
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">BONVALOT (Edouard), ''Les Coutumes du Val d’Orbey'', Paris, 1864.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">BONVALOT (Edouard) «&nbsp;Chasse et pêche dans le Rosemont&nbsp;», in ''Revue catholique d’Alsace'', 1866, p. 247-258 et p. 295-303.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">HOFFMANN (Charles), ''L’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'' (1906), «&nbsp;chasse&nbsp;»,&nbsp;t. III, p. 119-136.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">JEHIN (Philippe), «&nbsp;La chasse dans le Val d’Orbey sous l’Ancien Régime&nbsp;», ''Bulletin de la Société d’histoire du canton de Lapoutroie'', n° 10, 1991, p. 42-45.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">RICHEZ (Jean-Claude), «&nbsp;Quel droit de chasse pour l’Alsace&nbsp;?&nbsp;», ''Saisons d’Alsace'', n° 118, 1992, p. 36-58.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">SALVADORI (Philippe), ''La chasse sous l’Ancien Régime'', Paris, 1996, p. 163-175.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">JEHIN (Philippe), en collaboration avec TITEUX (Gilbert), ''Livre d’or de la chasse en Alsace'', Strasbourg, 2008.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">JEHIN (Philippe), «&nbsp;Nous n’irons plus au bois. Restrictions des droits d’usage forestiers aux XVI<sup>e</sup> et XVII<sup>e</sup> siècles en Alsace&nbsp;», ''Actes du colloque Autorité, Liberté, Contrainte en Alsace (1-3 octobre 2009)'', Strasbourg, 2010, p. 175-191.</p>  
== <span style="font-size:x-large;">Notices connexes</span> ==
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== <span style="font-size:x-large">Notices connexes</span> ==
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Chasse|Chasse]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Forêt|Forêt]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: right;">'''Philippe Jéhin&nbsp;'''</p>
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Chasse|Chasse]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Forêt|Forêt]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: right">'''Philippe Jéhin&nbsp;'''</p>  
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[[Category:C]]

Version du 7 octobre 2019 à 13:50

Wildbann

En Alsace, sous l’Ancien Régime, le droit de chasse fait partie des droits de juridiction. Il ne correspond pas à un privilège lié au statut social de son détenteur, contrairement au royaume de France où il est considéré comme honorifique et ne peut être exercé par un roturier. La chasse n’a pas toujours été l’activité exclusive des seigneurs. Jusqu’au XVIe siècle, le roturier alsacien peut, lui aussi, chasser, certes avec quelques contraintes définies localement. Beaucoup de communautés jouissent du droit de chasse, seules ou avec le seigneur, soit en vertu de diplômes impériaux ou de concessions des archiducs, soit par possession immémoriale qui vaut titre. Bergheim obtient de la maison d’Autriche le droit de chasse sur son ban et dans ses forêts concurremment avec le seigneur. Ce droit contesté est cependant confirmé au XVIIIe siècle (Hoffmann, L’Alsace au XVIIIe siècle, III, p. 127-130). A Huningue, le seigneur accorde volontiers ce droit à ses sujets tandis que dans la vallée de Saint-Amarin, la chasse est autorisée sur un territoire délimité. En revanche, sur les terres de l’abbaye de Munster, la chasse est ordinairement prohibée, mais les paysans peuvent traquer toute l’année les bêtes fauves, le sanglier et l’ours. La chasse populaire est tolérée pour limiter la prolifération du gibier et surtout celle des prédateurs. En Alsace, le droit de chasse est souvent affermé (seigneurie de Ribeaupierre, comté de Thann) ou accordé à titre de faveur temporaire à quelques notables (officiers seigneuriaux, membres du Conseil souverain…) (Hoffmann, L’Alsace au XVIIIe siècle, III, p. 119-137).

Pourtant, à partir du XVe siècle, des règlements tendent à restreindre tout droit de chasse pour les roturiers, à l’image du mouvement en cours aussi bien dans le royaume de France que dans le Saint Empire. Les rédactions successives des coutumes du Val d’Orbey au cours du XVIe siècle illustrent l’évolution de la réglementation cynégétique dans la seigneurie de Ribeaupierre. En l’espace d’un demisiècle, les habitants de la vallée perdent la liberté de chasser, exception faite des grands prédateurs tels que les ours et les loups (Bonvalot, Coutumes du Val d’Orbey, p. 14-15). Le mouvement à l’encontre de la chasse des roturiers est général. Celle-ci est régulièrement interdite dans les différentes décisions royales et notamment dans la grande ordonnance des Eaux et Forêts de 1669 qui parachève la réglementation.

En 1501, l’évêque de Strasbourg, le comte Philippe de Hanau, le comte Philippe de Deux-Ponts et le grand bailli de Haguenau s’entendent pour interdire à leurs sujets, bourgeois ou paysans, l’exercice de la chasse « afin de les empêcher de tomber dans la misère et la détresse, en négligeant la culture des champs » (Bonvalot, « Chasse et pêche dans le Rosemont »). Cet argument est repris tout au long de l’Ancien Régime. Avec le développement des armes à feu, le port d’armes inquiète les autorités qui préfèrent limiter le droit de chasse aux notables. La chancellerie de Ribeaupierre déplore aussi que le roturier qui s’adonne à la chasse « touche par cette conduite aux prérogatives de la noblesse, du militaire et d’autres personnes distinguées par leur naissance, par leur rang ou par leur caractère. Enflé d’un orgueil qui le jette au-delà des bornes de sa sphère, il brise la barrière qui le sépare d’avec les gens constitués en dignité » (AHR E 1098). La chasse devient un privilège que la noblesse n’entend plus partager avec les roturiers ; elle est ainsi considérée comme un élément du mode de vie nobiliaire (Salvadori, p. 163-175). Pourtant, elle ne deviendra jamais l’exclusivité de la noblesse, surtout en Alsace (Jéhin et Titeux, Le Livre d’or de la chasse, p. 117-118). En contrepartie de la suppression du droit de chasse pour les roturiers, les seigneurs promettent la destruction des « animaux nuisibles et malfaisants » qui s’attaquent aux troupeaux et aux cultures.

Dès les premières mesures coercitives, cette restriction du droit de chasse est vivement contestée comme lors du soulèvement des Rustauds de 1525. Dans la seigneurie de Rosemont, la population tente de résister et se bat farouchement pour conserver ses vieilles franchises coutumières en matière cynégétique, mais en vain (Bonvalot, « Chasse et pêche dans le Rosemont », p. 247-258, p. 295-303).

A la veille de la guerre de Trente Ans, les autorités seigneuriales sont parvenues à s’arroger presque partout l’exclusivité du droit de chasse. Elles le conserveront sans partage jusqu’à la Révolution.

La nuit du 4 août 1789 met fin au privilège exclusif de la chasse. Le droit de chasse revient aux propriétaires fonciers par décret du 11 août 1789, principe fondamental de la législation cynégétique française. A partir de 1805, les communes sont autorisées à louer le droit de chasse sur les propriétés communales, particulièrement importantes en Alsace. La loi sur la chasse du 3 mai 1844, texte législatif majeur de l’histoire du droit cynégétique français, confirme que le droit de chasse est lié au droit de propriété. Elle instaure en outre le permis de chasse, les périodes de chasse, ainsi que le système pénal propre à la chasse.

Bibliographie

BONVALOT (Edouard), Les Coutumes du Val d’Orbey, Paris, 1864.

BONVALOT (Edouard) « Chasse et pêche dans le Rosemont », in Revue catholique d’Alsace, 1866, p. 247-258 et p. 295-303.

HOFFMANN (Charles), L’Alsace au XVIIIe siècle (1906), « chasse », t. III, p. 119-136.

JEHIN (Philippe), « La chasse dans le Val d’Orbey sous l’Ancien Régime », Bulletin de la Société d’histoire du canton de Lapoutroie, n° 10, 1991, p. 42-45.

RICHEZ (Jean-Claude), « Quel droit de chasse pour l’Alsace ? », Saisons d’Alsace, n° 118, 1992, p. 36-58.

SALVADORI (Philippe), La chasse sous l’Ancien Régime, Paris, 1996, p. 163-175.

JEHIN (Philippe), en collaboration avec TITEUX (Gilbert), Livre d’or de la chasse en Alsace, Strasbourg, 2008.

JEHIN (Philippe), « Nous n’irons plus au bois. Restrictions des droits d’usage forestiers aux XVIe et XVIIe siècles en Alsace », Actes du colloque Autorité, Liberté, Contrainte en Alsace (1-3 octobre 2009), Strasbourg, 2010, p. 175-191.

Notices connexes

Chasse

Forêt

Philippe Jéhin