Chasse

De DHIALSACE
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Jagd

Activité utilitaire ou passion effrénée, la chasse semble aussi le propre de l’homme.

Avec la pêche et la cueillette, la chasse permet d’assurer la subsistance des premiers groupes humains. Au cours du paléolithique, les premiers occupants de l’Alsace s’adonnent à la chasse aux mammouths, bisons, mégacéros, rhinocéros laineux et chevaux, comme en témoignent les restes trouvés sur l’aire de dépeçage d’Achenheim. A la fin du paléolithique, avec le radoucissement climatique, le gibier se compose surtout de cerfs, de sangliers ou d’ours (site d’Oberlarg dans le Sundgau). Les chasseurs adoptent l’arc comme arme de chasse. L’importance vitale de la chasse diminue au néolithique avec le développement de l’élevage, sans pour autant disparaître. Les hommes continuent à chasser pour la fourrure et pour leur alimentation dans laquelle le gibier représente encore près de 25 %. Avec la sédentarisation et le développement de l’agriculture, la chasse devient aussi un moyen d’éloigner la faune qui dévaste les cultures ou s’attaque au bétail (Jéhin-Titeux).

Plus que tout autre peuple, les Gaulois font une large part à la faune dans leur mythologie. Parmi les divinités zoomorphes, figure Cernunnos, dieu aux bois de cerf, divinité spécifique des Celtes, dont une représentation est gravée sur une stèle du IIIe siècle au Donon. Si les Gaulois respectent la bravoure du sanglier, choisissent son effigie pour orner leurs étendards ou portent des amulettes faites de ses défenses, leur alimentation provient essentiellement des produits d’élevage. Les techniques de chasse inventées par les Gaulois comme la chasse à courre sont pratiquées sans modifications majeures jusqu’au XVIIe siècle. Durant la pax romana, arrivent aussi d’autres gibiers comme les daims, les lapins de garenne et les faisans (JéhinTiteux).

Au cours du haut Moyen Âge, les rois et les seigneurs mérovingiens, puis carolingiens organisent de grandes chasses en plaine d’Alsace ainsi que dans le massif vosgien. Les chroniques rapportent de nombreux récits de chasses royales, parfois miraculeuses, comme celle du prince Sigebert, fils de Dagobert, victime d’un accident de chasse, qui recouvre la vie grâce à l’intervention de l’évêque Arbogast. Les chasses royales paraissent exceptionnelles, y compris par la variété du gibier tué : ours, chamois, mais aussi aurochs dont la présence est attestée par l’archéologie à Ostheim qui aurait constitué un camp de chasse pour l’aristocratie mérovingienne à la fin du VIIe siècle.

La chasse fait partie intégrante de l’idéal chevaleresque. La fauconnerie constitue une occupation typiquement aristocratique. Jusqu’au XVIe siècle, la possession d’un faucon représente un luxe ostentatoire, un privilège seigneurial. Chaque noble se doit de détenir un ou plusieurs rapaces dressés pour la chasse. Le XVIIIe siècle sonne le glas de la fauconnerie qui ne retrouve plus ses fastes après la guerre de Trente Ans. Les grandes battues aux sangliers ou Schweinhatz réunissent de nombreux chasseurs et rabatteurs. Elles se concluent généralement par de grands tableaux de chasse ou par un combat singulier dans un enclos spécifique. Les chasseurs rabattent un sanglier dans un espace entouré d’une palissade de bois. Quelques hommes valeureux, le seigneur ou quelques invités de marque, affrontent le sanglier, à pied, une lance à la main. Cette chasse, très appréciée par les seigneurs, leur permet de montrer leur adresse et leur courage. Chasser le sanglier correspond à une activité virile et quasi guerrière.

Plus que toute autre époque, la seconde moitié du XVIe siècle et surtout le début du XVIIe siècle semblent constituer la période la plus brillante pour les amateurs d’exploits cynégétiques en Alsace. La chasse est alors regardée comme la distraction aristocratique par excellence. Toutes les grandes familles nobles affirment ainsi leur supériorité sociale en exerçant la chasse à cor et à cri avec éclat. Certains seigneurs comme les cardinaux de Rohan (au XVIIIe siècle) ou les Hanau-Lichtenberg, entretiennent des faisanderies ou des garennes à proximité de leur résidence estivale (faisanderie de Saverne : ABR G 946 et G 2023 ; faisanderie de Bouxwiller : ABR E 1421-1430).

Ils y trouvent un gibier abondant dans un espace totalement aménagé pour leur loisir qui nuit parfois aux intérêts des paysans. En 1740, les villageois d’Hirtzbach dans le Sundgau portent plainte contre le baron de Reinach. Ils protestent contre les dégâts commis dans leurs champs de blé au cours de ses parties de chasse (AHR E dépôt 87 DD 41). Mais la prolifération du gibier peut aussi constituer un problème. La chasse peut alors devenir une obligation pour le seigneur quand la faune dévaste les cultures. Le Conseil souverain d’Alsace n’hésite pas à tenir le seigneur comme responsable de ces dégâts (Hoffmann, III, p. 131- 132).

Comme dans le reste du royaume, les cahiers de doléances alsaciens réclament en 1789 l’abolition des chasses seigneuriales, comme les cahiers de doléances de Rustenhart ou de Heiteren (Hoffmann, t. III, p. 133). La nuit du 4 août abolit aussi le privilège de la chasse. En soumettant le droit de chasse à celui de la propriété, la Révolution a rendu l’exercice de la chasse particulièrement difficile dans les régions où domine la petite propriété foncière comme l’Alsace. En fait, l’Alsace au XIXe siècle se distingue non seulement par la superficie réduite de ses exploitations agricoles, mais aussi par leur morcellement. La parcellisation des terres en Alsace atteint un niveau inconnu dans les autres régions françaises. Certes, le petit propriétaire paysan alsacien acquiert le droit de chasser sur ses terres, mais il rencontre bien des difficultés pour exercer une chasse digne de ce nom. L’extraordinaire morcellement des terres, la surpopulation rurale et le braconnage généralisé contribuent, dans les faits, à la raréfaction du gibier.

Les grands prédateurs disparaissent des campagnes alsaciennes notamment avec les mesures prises, dans le premier tiers du XIXe siècle, contre le loup qui avait proliféré à la faveur des guerres révolutionnaires.

Bibliographie

GERARD (Charles), Faune des mammifères d’Alsace, Colmar, 1871.

HOFFMANN (Charles), L’Alsace au XVIIIe siècle, 1906, t. III, p. 119-136

HEIL (Ernest), HELL (Bernard), PETRY (François), PFISTER (Robert), PININGRE (J-F), « chasse », p. 1589- 1600, EA, 1983.

SCHMITT (Pierre), « Chroniques des chasses oubliées », Saisons d’Alsace, n° 118, 1992, p. 5-12.

JEHIN (Philippe), Livre d’or de la chasse en Alsace, Strasbourg, 2008 (en collaboration avec Gilbert TITEUX).

Notices connexes

Avoine des chiens

Atz

Cahier de doléances

Faisanderie

Hundatz

Philippe Jéhin