Charte de serment

De DHIALSACE
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Schwörbrief

L’origine des chartes de serment est la formation de conjurations réunissant des bourgeois de nombreuses villes, et soudées par le serment mutuel. Elles aboutirent dans de nombreux cas à la constitution de communes disposant d’organes de gouvernement, les conseils de ville. Les clauses principales du serment sont alors souvent rassemblées dans des textes, concernant en particulier les modalités de désignation du Conseil, sa composition, ainsi que les droits et devoirs essentiels des bourgeois, si bien qu’on les qualifie – un peu abusivement – de constitutions urbaines. Souvent, l’adhésion à ces textes et l’obéissance aux autorités donnaient lieu à des cérémonies régulières – le plus souvent annuelles – de prestation de serment par les bourgeois, le Schwörtag (jour du serment), lors de la réélection du conseil. On réservera le terme de « charte de serment » ou Schwörbrief pour ces textes, jurés par l’ensemble de la communauté des bourgeois, par opposition aux chartes jurées par tel ou tel officier ou élu (comme les chartes jurées par le grand-bailli ou le Schultheiss à Haguenau, par exemple, parfois qualifiées de Schwörbriefe par les historiens (J. Becker, Bulletin de la société pour la conservation des monuments historique d’Alsace IIe série, vol. 19, 1899, p. 8). Les chartes de serment sont attestées dans de nombreuses villes de l’Empire, en particulier dans sa partie méridionale : Cologne (1396), Ulm (1345 puis 1397), Aix-la-Chapelle (1450), Zurich (1336), Lucerne (première version 1252). Chartes de serments et jours du serment sont attestés dans de nombreuses villes. Le lien étroit entre le texte et le rituel se reflète bien dans la dénomination de ces chartes dans les sources médiévales. Si le terme de Schwörbrief ne semble pas être utilisé au Moyen Âge, la désignation de ces chartes dans les sources fait le plus souvent référence non pas aux dispositions qu’elles contenaient, mais bien au serment prêté : geschworener Brief est attesté à Lucerne ou Zurich, par exemple. À Strasbourg, les chartes de serments sont même nommées au Moyen Âge d’après le lieu où la prestation de serment était effectuée, le parvis de la cathédrale : brief vor dem münster.

Si les chartes de serment ne sont donc pas un type de source spécifiquement alsacien, Strasbourg semble avoir été la ville où une charte de serment apparaît le plus tôt. Des chartes constitutionnelles ou Stadtrechte existent dès le XIIe siècle, mais c’est d’après le chroniqueur Fritsche Closener en 1334, après un conflit opposant patriciens non-nobles et lignages nobles, que fut rédigée une charte jurée par tous les bourgeois et le conseil chaque année. Par la suite, des versions nouvelles furent réalisées. Les chartes de serments strasbourgeois conservées forment ainsi une magnifique série de 16 pièces (datant de 1334, 1349, 1371, 1399, 1413, 1416, 1420, 1425, 1433, 1434, 1443, 1456, 1462, 1465, 1470, 1482), dont 14 originaux, qui reflètent bien les changements institutionnels majeurs à Strasbourg au Moyen Âge. En effet, ceux-ci étaient souvent accompagnés de la rédaction d’un nouveau Schwörbrief : irruption des Zünfte dans le Conseil en 1349, place moindre des nobles en 1420 après le déclenchement de la guerre de Dachstein, réduction du nombre de sièges en 1462, etc. La charte de 1482 fut finalement conservée en l’état – même si elle ne correspondait plus à la réalité institutionnelle de Strasbourg – jusqu’à la Révolution, et même traduite en français au XVIIIe siècle.

En plus d’être des sources majeures de l’histoire politique de Strasbourg, les Schwörbriefe sont également des chartes d’une qualité matérielle rare pour les documents émis par des villes, certaines présentant des décorations d’une grande qualité artistique. Chaque charte comporte de nombreux sceaux des représentants des lignages nobles, des patriciens bourgeois et des représentants desZünfte. Au total, plus de 400 sceaux différents sont ainsi appendus sur les chartes de serment strasbourgeois.

La première charte de serment de Strasbourg a joué un rôle de modèle pour au moins une autre ville, celle de Zurich, qui en rédige une en 1336 en reprenant directement des clauses strasbourgeoises et même jusqu’aux formules. En revanche, dans les autres villes alsaciennes, alors même que les Schwörtage existent ailleurs qu’à Strasbourg, il n’existe pas de Schwörbriefe. En effet, les grandes cérémonies d’unité de la communauté des bourgeois pouvaient se faire autour d’autres types de chartes, les chartes de paix (Friedebrief) ou d’union (Einungen) notamment, ou de lecture de formules de serments inscrites dans les registres municipaux (comme à Colmar).

1334 : Original : AVCUS, charte 966 (anc. cote AA 61/1). Éd. : Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. V. Politische Urkunden von 1332 bis 1380, éd. Hans Witte, Strasbourg, 1896, n° 32, p. 40, et Carl Hegel (éd), Die Chroniken der deutschen Städte. vol. 9: Straßburg, Leipzig, 1871, t. II, p. 932-935. 2e original : Spire, Stadtarchiv, n° 606.

1349 : AVCUS, charte 1294 (anc. cote AA 61/2). Éd. : Urkundenbuch…, t. V, n° 199, p. 186, et Die Chroniken…, t. II, p. 936-938

1371 : Copie : AVCUS, charte 1932 (anc. cote AA 61/6). Éd. dans Urkundenbuch…, t. V, n° 937, p. 723, et Die Chroniken ..., t. II, p. 938-939 (seulement les passages divergeants du Schwörbrief de 1349).

1399 : AVCUS, charte 2747 (anc. cote AA 61/7). Éd. : Urkundenbuch…, t. V, n° 1462, p. 757.

1413 : AVCUS, charte 3263 (anc. cote AA 61/8).

1416 : Copie du XVIIe siècle : AVCUS, AA 62/1.

1420 : Original : AVCUS, charte 3595 (anc. cote AA 62/2). Éd. : Die Chroniken…, t. II, p. 943-946.

1425 : AVCUS, charte 3898 (anc. cote AA 62/3).

1433 : AVCUS, charte 4294 (anc. cote AA 62/4).

1434 : Original : AVCUS, charte 4345 (anc. cote AA 62/5).

1443 : Original : AVCUS, charte 4875 (anc. cote AA 63/1).

1456 : Original : AVCUS, charte 5413 (anc. cote AA 63/2). Éd. : K. T. Eheberg, Verfassungs-, Verwaltungs- und Wirtschaftsgeschichte der Stadt Strassburg bis 1681, t. I, Urkunden und Akten, Strasbourg, 1899, n° 56, p. 173-174 (seulement les passages divergeants des Schwörbriefe de 1420 et 1433).

1462 : AVCUS, charte 5806 (anc. cote AA 63/3).

1465 : AVCUS, charte 5921 (anc. cote AA 63/4).

1470 : AVCUS, charte 6131 (anc. cote AA 64/1).

1482 : Original : AVCUS, charte 6752 (anc. cote AA 64/5). Éd. : Die Chroniken…, t. II, p. 946-950, et Jean Lebeau et Jean-Marie Valentin, L’Alsace au siècle de la Réforme, 1482-1621 : textes et documents, Nancy, 1985, p. 18-21. Traduction française par Louis Laguille, Histoire de la province d’Alsace, Strasbourg, 1727, preuves, p. 74-77.

Sources - Bibliographie

MILITZER (Klaus), « Schwurbrief », Lexikon des Mittelalters, Stuttgart, vol. 7, col. 1648-1649.

ALIOTH (Martin), Gruppen an der Macht. Zünfte und Patriziat in Strassburg im 14. und 15. Jahrhundert. Untersuchungen zu Verfassung, Wirtschaftsgefüge und Sozialstruktur, Basel, 1988.

MARIOTTE (Jean-Yves) (dir.), Les sources manuscrites de l’histoire de Strasbourg, tome 1: Des origines à 1790, Strasbourg, 2000, p. 69 (liste des chartes de serment de Strasbourg et références des éditions).

Archives de la Ville et de la Communauté Urbaine de Strasbourg, Des bourgeois aux citoyens : les lettres de serment de la ville de Strasbourg, Strasbourg, 2008.

HEUSINGER (Sabine von), Die Zunft im Mittelalter. Zur Verflechtung von Politik, Wirtschaft und Gesellschaft in Straßburg, Stuttgart, 2009.

TOCK (Benoît-Michel), RICHARD (Olivier), « Des chartes ornées urbaines : les «Schwörbriefe» de Strasbourg (XIVe-XVe siècles) », Bibliothèque de l’École des Chartes... 2011 (sous presse).

BUCHHOLZER (Laurence), RICHARD (Olivier) (dir.), Les chartes de serment : textes et rituels / Schwörbriefe : Texte und Rituale. Actes de la journée d’étude du 17 octobre 2008 et édition des chartes de serment strasbourgeoises, Turnhout (en préparation).

Notices connexes

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