Charron

De DHIALSACE
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Wagner, Wagener, currifex, currarius

La fabrication des voitures (4 roues) et des chariots (2 roues) destinés au transport des personnes et des marchandises nécessitait le travail de divers métiers, dont les charrons. Les artisans du charronnage fabriquaient les parties en bois : roues, plancher, montants et brancards, ou timon pour l’attelage des boeufs. Ils utilisaient une dizaine d’essences différentes. Ils réalisaient aussi les instruments aratoires (Palla).

À la fin du Moyen Âge, comme d’autres métiers (chaudronniers, potiers, bergers…), les charrons d’Alsace et du Brisgau étaient réunis dans une association professionnelle qui regroupait maîtres et compagnons des villes et des villages. Elle existait depuis la seconde moitié du XVe siècle au moins. En 1578, en effet, le Schultheiss des charrons décide que les différends seront à régler devant le tribunal de l’association, comme cela se produit depuis plus de cent ans. Il y est aussi question des privilèges et traditions (AMC, HH 83/1). Une autre source atteste que leur assemblée se tenait tous les deux ans (AM Munster, AA 21, Missives 1574-1579, p. 233). Leur règlement initial, écrivent-ils aussi en 1584, à Sélestat, a été agréé par l’Empereur il y a plus de cent ans. Un conflit s’était élevé entre les charrons du Brisgau et de Bâle et ceux d’Alsace, les premiers refusant de se rendre aux assemblées qu’ils jugent trop dispendieuses. Lors de la réunion de cette année-là, le conflit s’apaise ; elle réunit les charrons de quarante localités en Alsace et de quinze du Brisgau et leur règlement est renouvelé (AHR, III E 8). Il prévoit une assemblée annuelle, la composition du tribunal (8 maîtres et 4 compagnons) qui sanctionne les délits. Il est rappelé que l’observation du règlement est obligatoire et tout contrevenant s’expose à se voir interdire le métier. Lors de leur assemblée qui se tient toujours le dimanche après la Saint-Gall (16 octobre), il est procédé à l’élection du Schultheiss et la ville de la prochaine rencontre, à laquelle la présence de tous est requise, est désignée. Les conditions d’entrée comprennent l’achat d’un nom en relation avec le métier (Spann das Rad, Silberrad, Schenk das Beil…). L’association disposait d’une bannière sur laquelle figuraient une roue et une hachette, ainsi que d’un sceau (AMC, HH 83/2).

En 1598, un nouveau règlement est édicté. Un point retient l’attention : l’interdiction de fabriquer pour le bourreau une roue de supplice ou d’y apporter des modifications (par exemple en coupant le moyeu), ni de procurer un brechen (peut-être un bâton pour briser les membres). Si le bourreau a besoin d’une tarière pour fixer la roue à la potence, les charrons ne la fourniront que sur ordre des autorités et en la vendant (pas de prêt). De même, ni maître ni compagnon ne doivent aider à cette mise en place et, si ordre leur en est donné, ils doivent se plaindre que cette activité est contraire à l’honneur de leur métier et insister pour qu’on les en dispense. Celui qui contrevient à cet article sera banni du métier à vie. L’idée sous-jacente de ces articles est d’éviter d’avoir part à l’indignité (unehrlichkeit) du bourreau. Le chef-d’oeuvre ouvrant la porte à la maîtrise, consistant en la fabrication d’une voiture (Wagen), d’une charrue (Pflug) et d’instruments aratoires (Pfluggeschirr) sera examiné par quatre maîtres. Ce règlement est confirmé par l’empereur Rodolphe II (AHR, III E 8 ; Wissell).

Le règlement des charrons est confirmé à de multiples reprises, soit par l’empereur, soit par le roi de France :

− en 1636, par l’empereur Ferdinand II (AMC, HH 83/15).

− en 1648, par le gouvernement royal à Brisach, les articles ne contrevenant pas aux intérêts du roi de France (AMC, HH 83/20).

− en 1659 par un arrêt du Conseil souverain d’Alsace.

− en 1670, les règlements précédents (1584, 1598 et 1636) sont validés par l’empereur Léopold Ier ; les limites géographiques de la confrérie restent inchangées (StadtA. Freiburg, Zunft zum Monen 51/5).

− en 1680, par le Conseil souverain d’Alsace à Brisach (AMC, HH 83/20).

− en 1717, l’empereur Charles VI confirme encore une fois le règlement des charrons d’Alsace, du Sundgau et du Brisgau (StadtA. Freiburg, 51/5).

Cependant, la frontière qu’est le Rhin finit par marquer une scission entre les charrons des deux rives (Sittler). Les charrons « de Colmar, Sélestat et autres villes et villages entre Bâle et Strasbourg » conservent leur association, dont les statuts sont confirmés par le roi en 1740 (AMC, HH 83/23). Les assemblées se tiennent à Colmar, Sélestat ou Ensisheim et sont présidées par le Magistrat respectif de ces villes. L’association est subdivisée en huit secteurs : Colmar, Molsheim, Sélestat, Thann, Landser, Ensisheim, Altkirch et Ferrette, dont chacun est dirigé par un président (Gebotsmeister) assisté d’un vérificateur (Schauermeister) et dispose de sa juridiction. Les procès-verbaux des assemblées sont conservés de 1740 à 1791 et donnent force détails sur la vie de l’association, dont les membres se livrent aussi à des pratiques religieuses communes, comme l’assistance aux messes de requiem en mémoire des défunts (Mossmann). En 1743, le Conseil souverain d’Alsace rend obligatoires le chef-d’oeuvre (tel que défini en 1598) et l’appartenance à la confrérie (prix de l’adhésion : 4 florins) et, en 1755, ordonne qu’un maître au moins par circonscription assiste à l’assemblée annuelle et remette la cotisation des membres s’élevant à 20 sous (AMC, HH 83/24-26 ; De Boug). Vers 1750, le nombre des charrons est de 330. Cependant, les assemblées ne sont plus tenues régulièrement, le tribunal prononce fréquemment des peines d’amende pour absences des membres et manquements au règlement. Il semble que la confrérie tombe progressivement en désuétude. La Révolution mettra fin définitivement à la structure des charrons (Mossmann).

 

Sources - Bibliographie

DE BOUG, « Arrêt en faveur des charrons de la province d’Alsace entre Strasbourg et Bâle, 6 avril 1743 ; 1755», Ordonnances d’Alsace, II, p. 248-249.

MOSSMANN (Xavier), « La confrérie des charrons », Bulletin du Musée historique de Mulhouse, 4, 1879, p. 99-123.

HIGELIN (Maurice), « Wagner-Ordnung aus dem 16. Jahrhundert », Elsässische Monatsschrift, 1913-1914, p. 19-23.

WISSELL (Rudolf), Des alten Handwerks Recht und Gewohnheit, II, Berlin, 1929, p. 462-464.

SITTLER (Lucien), « Les associations artisanales en Alsace au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime », RA, 97, 1958, p. 60-63.

PALLA (Rudy), Das Lexikon der untergegangenen Berufe. Von Abdecker bis Zokelmacher, Francfort-sur-le-Main, 1994, p. 349-353.

 

Notices connexes

Artisanat (métiers indignes)

Bourreau

Corporation

Monique Debus Kehr