Censier : Différence entre versions

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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''Zinsbuch'' ou ''-rodel'', ''Liber censuum''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Ce mot traduit en principe l’allemand ''Zinsrodel'' ou ''Zinsbuch'' (selon que le censier prend la forme d’un rotule ou d’un livre), mais parfois aussi ''Urbar''. En principe, un censier n’énumère que des cens ou rentes (le mot ''Zins'' désigne les deux), et émane par conséquent d’une seigneurie foncière, voire d’un particulier, alors qu’un ''Urbar'', produit d’une seigneurie banale, recense aussi toute sorte de droits seigneuriaux (dont certains, comme la justice ou le gîte, ne sont pas quantifiables). Par conséquent, les censiers sont légion, alors que les ''Urbare'' sont assez rares. Mais comme toujours, les définitions logiques des historiens ne recouvrent qu’en partie l’usage capricieux des sources ; en témoigne p. ex. le mot ''Salbuch'', qui désigne selon les cas un censier, un ''Urbar'', voire un cartulaire, ou des formes intermédiaires; en témoignent aussi le ''Liber de censibus'' et le ''Liber specificationum'' de l’Oeuvre Notre-Dame (AMS 1OND 3 et 6) : le second est un censier, mais le premier un cartulaire. D’ailleurs, en fait, un censier n’est jamais une énumération de cens, mais bien de terres (ou autres biens), et des cens qui les grèvent. Le document qui n’indique que les cens est une colligende.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">En Alsace, les plus anciens censiers, dans la tradition des polyptiques carolingiens, sont ceux de Wissembourg et de Marmoutier. Ce sont des sources complexes, juxtaposant ou contaminant des textes antérieurs, dont les plus anciens remontent au IX<sup>e</sup> s. ou au X<sup>e</sup> s., et dont certains méritent le nom d’''Urbare'', car ils recensent aussi la réserve seigneuriale, les corvées et autres prestations.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Après le milieu du XIII<sup>e</sup> s., les censiers changent de caractère, car ils ne peuvent plus se contenter de noter que telle tenure doit tel cens. En effet, la croissance démographique et le développement de l’économie monétaire ont conduit au morcellement du manse et de ses sous-multiples ; les paysans sont de plus en plus souvent amenés à acheter, vendre ou sous-louer des parcelles, de sorte que leur tenure n’est plus une grandeur fixe, mais la somme des parcelles d’origine diverse qu’ils tiennent à bail à un moment donné – ce qui a obligé les seigneurs à faire reposer le cens non plus sur la tenure, mais sur la parcelle. Le censier doit désormais, dans l’idéal,&nbsp;identifier chaque parcelle par sa superficie, son lieudit, ses confronts, son tenancier et le cens qu’elle doit – ce qui fait de lui une source beaucoup plus détaillée qu’autrefois, mais beaucoup plus difficile à exploiter de façon synthétique, car on a rarement le censier de toute une seigneurie, mais en général seulement celui des biens de tel seigneur dans tel village. Le censier perd ainsi de sa valeur comme source de l’histoire économique (d’autant que la seigneurie foncière, dont il est l’émanation, a ellemême beaucoup perdu de son importance), mais il devient riche d’enseignements sur la toponymie, le peuplement, l’histoire agraire, etc. D’autre part, la mobilisation de la terre fait que les indications des censiers ne restent pas longtemps exactes. C’est pourquoi certains laissent beaucoup de place entre deux entrées, afin de pouvoir procéder à des corrections et des mises à jour (qui souvent n’ont pas été faites), tandis que d’autres, qui n’ont pas pris cette précaution, sont surchargés de ratures et de rajouts qui les rendent illisibles. Pour bien faire, il faudrait refaire un censier tous les 30 ou 50 ans, ce qui veut dire qu’alors même qu’elle rapporte bien moins qu’autrefois, la seigneurie foncière exige une administration beaucoup plus détaillée et donc plus coûteuse. Dans la pratique, une telle discipline est rarissime.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Le XIII<sup>e</sup> s. voit aussi la multiplication des villes, dans lesquelles les cens et rentes portent essentiellement sur des maisons (et parfois des jardins). Apparaît alors le type du censier urbain. On en trouve beaucoup à Strasbourg ; à Colmar, citons celui de Saint Martin en 1371 (AMC GG 11).</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Le censier est rédigé par un seigneur ou son Schaffner en se fondant sur des titres de propriété, des baux, des censiers antérieurs et des indications orales. C’est donc un document à caractère privé, ce qui le distingue en principe du ''Berain'' ou ''Erneuerung'', rédigé avec le concours de la justice locale. Il ne devrait donc pas faire foi en justice (puisque les débicensiers n’ont pas eu la possibilité d’en vérifier le contenu), mais on trouve des exemples du contraire.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Dans la typologie des ''Amtsbücher'' (documents en forme de livres servant à la gestion d’une seigneurie), le censier (''Zinsbuch'') se distingue non seulement du ''Berain'' et de l’''Urbar'', mais aussi de la colligende, en ce qu’il indique les biens sur lesquels pèsent les cens, et inversement du cartulaire (''Kopialbuch''), en ce qu’il ne donne ni copie ni régeste des chartes fondant le droit au cens ; tout au plus en reprend-il la spécification des biens. Son classement est généralement topographique, bien que certains censiers tardifs soient classés par débicensiers ou par ''Trägereien'' (groupe de tenanciers qui&nbsp;se partagent la même tenure). Dans la pratique, on trouve de nombreuses formes intermédiaires entre les différents types d’''Amtsbücher'', p. ex. des censiers qui sont en même temps des inventaires de chartes relatives à des cens et rentes. D’autre part, beaucoup de censiers n’ont pas le format d’un livre, mais ne sont que de minces cahiers, des rotules, voire des feuilles isolées.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">On trouve encore de nombreux censiers au XVI<sup>e</sup> siècle. Après la guerre de Trente Ans, les ''Bannbücher'' (mal traduits par terriers) les rendent inutiles, chaque propriétaire ayant la possibilité de se faire délivrer un extrait du ''Bannbuch'' relatif à ses biens (accensés ou non).</p>  
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">''Zinsbuch'' ou ''-rodel'', ''Liber censuum''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Ce mot traduit en principe l’allemand ''Zinsrodel'' ou ''Zinsbuch'' (selon que le censier prend la forme d’un rotule ou d’un livre), mais parfois aussi ''Urbar''. En principe, un censier n’énumère que des cens ou rentes (le mot ''Zins'' désigne les deux), et émane par conséquent d’une seigneurie foncière, voire d’un particulier, alors qu’un ''Urbar'', produit d’une seigneurie banale, recense aussi toute sorte de droits seigneuriaux (dont certains, comme la justice ou le gîte, ne sont pas quantifiables). Par conséquent, les censiers sont légion, alors que les ''Urbare'' sont assez rares. Mais comme toujours, les définitions logiques des historiens ne recouvrent qu’en partie l’usage capricieux des sources&nbsp;; en témoigne p. ex. le mot ''Salbuch'', qui désigne selon les cas un censier, un ''Urbar'', voire un cartulaire, ou des formes intermédiaires; en témoignent aussi le ''Liber de censibus'' et le ''Liber specificationum'' de l’Oeuvre Notre-Dame (AMS 1OND 3 et 6)&nbsp;: le second est un censier, mais le premier un cartulaire. D’ailleurs, en fait, un censier n’est jamais une énumération de cens, mais bien de terres (ou autres biens), et des cens qui les grèvent. Le document qui n’indique que les cens est une colligende.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">En Alsace, les plus anciens censiers, dans la tradition des polyptiques carolingiens, sont ceux de Wissembourg et de Marmoutier. Ce sont des sources complexes, juxtaposant ou contaminant des textes antérieurs, dont les plus anciens remontent au IX<sup>e</sup> s. ou au X<sup>e</sup> s., et dont certains méritent le nom d’''Urbare'', car ils recensent aussi la réserve seigneuriale, les corvées et autres prestations.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Après le milieu du XIII<sup>e</sup> s., les censiers changent de caractère, car ils ne peuvent plus se contenter de noter que telle tenure doit tel cens. En effet, la croissance démographique et le développement de l’économie monétaire ont conduit au morcellement du manse et de ses sous-multiples&nbsp;; les paysans sont de plus en plus souvent amenés à acheter, vendre ou sous-louer des parcelles, de sorte que leur tenure n’est plus une grandeur fixe, mais la somme des parcelles d’origine diverse qu’ils tiennent à bail à un moment donné – ce qui a obligé les seigneurs à faire reposer le cens non plus sur la tenure, mais sur la parcelle. Le censier doit désormais, dans l’idéal,&nbsp;identifier chaque parcelle par sa superficie, son lieudit, ses confronts, son tenancier et le cens qu’elle doit – ce qui fait de lui une source beaucoup plus détaillée qu’autrefois, mais beaucoup plus difficile à exploiter de façon synthétique, car on a rarement le censier de toute une seigneurie, mais en général seulement celui des biens de tel seigneur dans tel village. Le censier perd ainsi de sa valeur comme source de l’histoire économique (d’autant que la seigneurie foncière, dont il est l’émanation, a ellemême beaucoup perdu de son importance), mais il devient riche d’enseignements sur la toponymie, le peuplement, l’histoire agraire, etc. D’autre part, la mobilisation de la terre fait que les indications des censiers ne restent pas longtemps exactes. C’est pourquoi certains laissent beaucoup de place entre deux entrées, afin de pouvoir procéder à des corrections et des mises à jour (qui souvent n’ont pas été faites), tandis que d’autres, qui n’ont pas pris cette précaution, sont surchargés de ratures et de rajouts qui les rendent illisibles. Pour bien faire, il faudrait refaire un censier tous les 30 ou 50 ans, ce qui veut dire qu’alors même qu’elle rapporte bien moins qu’autrefois, la seigneurie foncière exige une administration beaucoup plus détaillée et donc plus coûteuse. Dans la pratique, une telle discipline est rarissime.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Le XIII<sup>e</sup> s. voit aussi la multiplication des villes, dans lesquelles les cens et rentes portent essentiellement sur des maisons (et parfois des jardins). Apparaît alors le type du censier urbain. On en trouve beaucoup à Strasbourg&nbsp;; à Colmar, citons celui de Saint Martin en 1371 (AMC GG 11).</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Le censier est rédigé par un seigneur ou son Schaffner en se fondant sur des titres de propriété, des baux, des censiers antérieurs et des indications orales. C’est donc un document à caractère privé, ce qui le distingue en principe du ''Berain'' ou ''Erneuerung'', rédigé avec le concours de la justice locale. Il ne devrait donc pas faire foi en justice (puisque les débicensiers n’ont pas eu la possibilité d’en vérifier le contenu), mais on trouve des exemples du contraire.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">Dans la typologie des ''Amtsbücher'' (documents en forme de livres servant à la gestion d’une seigneurie), le censier (''Zinsbuch'') se distingue non seulement du ''Berain'' et de l’''Urbar'', mais aussi de la colligende, en ce qu’il indique les biens sur lesquels pèsent les cens, et inversement du cartulaire (''Kopialbuch''), en ce qu’il ne donne ni copie ni régeste des chartes fondant le droit au cens&nbsp;; tout au plus en reprend-il la spécification des biens. Son classement est généralement topographique, bien que certains censiers tardifs soient classés par débicensiers ou par ''Trägereien'' (groupe de tenanciers qui&nbsp;se partagent la même tenure). Dans la pratique, on trouve de nombreuses formes intermédiaires entre les différents types d’''Amtsbücher'', p. ex. des censiers qui sont en même temps des inventaires de chartes relatives à des cens et rentes. D’autre part, beaucoup de censiers n’ont pas le format d’un livre, mais ne sont que de minces cahiers, des rotules, voire des feuilles isolées.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">On trouve encore de nombreux censiers au XVI<sup>e</sup> siècle. Après la guerre de Trente Ans, les ''Bannbücher'' (mal traduits par terriers) les rendent inutiles, chaque propriétaire ayant la possibilité de se faire délivrer un extrait du ''Bannbuch'' relatif à ses biens (accensés ou non).</p>  
== <span style="font-size:x-large;">Sources - Bibliographie</span> ==
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== <span style="font-size:x-large">Sources - Bibliographie</span> ==
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">STOEBER (Auguste), « Redevances de douze maisons du vieux Mulhouse. Extrait du censier (''Zinsbuch'') de la Cour de Saint-Jean », ''Bull. du musée hist. de Mulhouse'', 4, 1879, 81-86.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">PERRIN (Charles-Edmond), ''Essai sur la fortune immobilière de l’abbaye alsacienne de Marmoutier'', 1935.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">RICHTER (Gregor), ''Lagerbücher- oder Urbarlehre'', 1979.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">DETTE (Christoph), éd., ''Liber Possessionum Wizenburgensis'', 1987.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">JORDAN (Benoît), « ''Diz sint die zinse'' : le relevé des revenus domaniaux de Henri de Ribeaupierre à l’entrée de la vallée de la Weiss à la fin du 13<sup>e</sup> s. », ''Annuaire des 4 soc. d’hist. de la vallée de la Weiss'', 10, 1994, 12-20.</p>  
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">STOEBER (Auguste), «&nbsp;Redevances de douze maisons du vieux Mulhouse. Extrait du censier (''Zinsbuch'') de la Cour de Saint-Jean&nbsp;», ''Bull. du musée hist. de Mulhouse'', 4, 1879, 81-86.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">PERRIN (Charles-Edmond), ''Essai sur la fortune immobilière de l’abbaye alsacienne de Marmoutier'', 1935.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">RICHTER (Gregor), ''Lagerbücher- oder Urbarlehre'', 1979.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">DETTE (Christoph), éd., ''Liber Possessionum Wizenburgensis'', 1987.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">JORDAN (Benoît), «&nbsp;''Diz sint die zinse''&nbsp;: le relevé des revenus domaniaux de Henri de Ribeaupierre à l’entrée de la vallée de la Weiss à la fin du 13<sup>e</sup> s.&nbsp;», ''Annuaire des 4 soc. d’hist. de la vallée de la Weiss'', 10, 1994, 12-20.</p>  
== <span style="font-size:x-large;">Notices connexes</span> ==
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== <span style="font-size:x-large">Notices connexes</span> ==
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''[[Berain]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Cadastre|Cadastre]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Colligende|Colligende]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Droit_de_l'Alsace|Droit de l'Alsace]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Fief|Fief]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Franchises|Franchises]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Grundbuch|''Grundbuch'']]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Rotule|Rotule]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Urbar|''Urbar'']]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: right;">'''Bernhard Metz&nbsp;'''</p>
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">''[[Berain|Berain]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Cadastre|Cadastre]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Colligende|Colligende]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Droit_de_l'Alsace|Droit de l'Alsace]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Fief|Fief]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Franchises|Franchises]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Grundbuch|''Grundbuch'']]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Rotule|Rotule]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Urbar|''Urbar'']]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: right">'''Bernhard Metz&nbsp;'''</p>  
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Version du 7 octobre 2019 à 14:47

Zinsbuch ou -rodel, Liber censuum

Ce mot traduit en principe l’allemand Zinsrodel ou Zinsbuch (selon que le censier prend la forme d’un rotule ou d’un livre), mais parfois aussi Urbar. En principe, un censier n’énumère que des cens ou rentes (le mot Zins désigne les deux), et émane par conséquent d’une seigneurie foncière, voire d’un particulier, alors qu’un Urbar, produit d’une seigneurie banale, recense aussi toute sorte de droits seigneuriaux (dont certains, comme la justice ou le gîte, ne sont pas quantifiables). Par conséquent, les censiers sont légion, alors que les Urbare sont assez rares. Mais comme toujours, les définitions logiques des historiens ne recouvrent qu’en partie l’usage capricieux des sources ; en témoigne p. ex. le mot Salbuch, qui désigne selon les cas un censier, un Urbar, voire un cartulaire, ou des formes intermédiaires; en témoignent aussi le Liber de censibus et le Liber specificationum de l’Oeuvre Notre-Dame (AMS 1OND 3 et 6) : le second est un censier, mais le premier un cartulaire. D’ailleurs, en fait, un censier n’est jamais une énumération de cens, mais bien de terres (ou autres biens), et des cens qui les grèvent. Le document qui n’indique que les cens est une colligende.

En Alsace, les plus anciens censiers, dans la tradition des polyptiques carolingiens, sont ceux de Wissembourg et de Marmoutier. Ce sont des sources complexes, juxtaposant ou contaminant des textes antérieurs, dont les plus anciens remontent au IXe s. ou au Xe s., et dont certains méritent le nom d’Urbare, car ils recensent aussi la réserve seigneuriale, les corvées et autres prestations.

Après le milieu du XIIIe s., les censiers changent de caractère, car ils ne peuvent plus se contenter de noter que telle tenure doit tel cens. En effet, la croissance démographique et le développement de l’économie monétaire ont conduit au morcellement du manse et de ses sous-multiples ; les paysans sont de plus en plus souvent amenés à acheter, vendre ou sous-louer des parcelles, de sorte que leur tenure n’est plus une grandeur fixe, mais la somme des parcelles d’origine diverse qu’ils tiennent à bail à un moment donné – ce qui a obligé les seigneurs à faire reposer le cens non plus sur la tenure, mais sur la parcelle. Le censier doit désormais, dans l’idéal, identifier chaque parcelle par sa superficie, son lieudit, ses confronts, son tenancier et le cens qu’elle doit – ce qui fait de lui une source beaucoup plus détaillée qu’autrefois, mais beaucoup plus difficile à exploiter de façon synthétique, car on a rarement le censier de toute une seigneurie, mais en général seulement celui des biens de tel seigneur dans tel village. Le censier perd ainsi de sa valeur comme source de l’histoire économique (d’autant que la seigneurie foncière, dont il est l’émanation, a ellemême beaucoup perdu de son importance), mais il devient riche d’enseignements sur la toponymie, le peuplement, l’histoire agraire, etc. D’autre part, la mobilisation de la terre fait que les indications des censiers ne restent pas longtemps exactes. C’est pourquoi certains laissent beaucoup de place entre deux entrées, afin de pouvoir procéder à des corrections et des mises à jour (qui souvent n’ont pas été faites), tandis que d’autres, qui n’ont pas pris cette précaution, sont surchargés de ratures et de rajouts qui les rendent illisibles. Pour bien faire, il faudrait refaire un censier tous les 30 ou 50 ans, ce qui veut dire qu’alors même qu’elle rapporte bien moins qu’autrefois, la seigneurie foncière exige une administration beaucoup plus détaillée et donc plus coûteuse. Dans la pratique, une telle discipline est rarissime.

Le XIIIe s. voit aussi la multiplication des villes, dans lesquelles les cens et rentes portent essentiellement sur des maisons (et parfois des jardins). Apparaît alors le type du censier urbain. On en trouve beaucoup à Strasbourg ; à Colmar, citons celui de Saint Martin en 1371 (AMC GG 11).

Le censier est rédigé par un seigneur ou son Schaffner en se fondant sur des titres de propriété, des baux, des censiers antérieurs et des indications orales. C’est donc un document à caractère privé, ce qui le distingue en principe du Berain ou Erneuerung, rédigé avec le concours de la justice locale. Il ne devrait donc pas faire foi en justice (puisque les débicensiers n’ont pas eu la possibilité d’en vérifier le contenu), mais on trouve des exemples du contraire.

Dans la typologie des Amtsbücher (documents en forme de livres servant à la gestion d’une seigneurie), le censier (Zinsbuch) se distingue non seulement du Berain et de l’Urbar, mais aussi de la colligende, en ce qu’il indique les biens sur lesquels pèsent les cens, et inversement du cartulaire (Kopialbuch), en ce qu’il ne donne ni copie ni régeste des chartes fondant le droit au cens ; tout au plus en reprend-il la spécification des biens. Son classement est généralement topographique, bien que certains censiers tardifs soient classés par débicensiers ou par Trägereien (groupe de tenanciers qui se partagent la même tenure). Dans la pratique, on trouve de nombreuses formes intermédiaires entre les différents types d’Amtsbücher, p. ex. des censiers qui sont en même temps des inventaires de chartes relatives à des cens et rentes. D’autre part, beaucoup de censiers n’ont pas le format d’un livre, mais ne sont que de minces cahiers, des rotules, voire des feuilles isolées.

On trouve encore de nombreux censiers au XVIe siècle. Après la guerre de Trente Ans, les Bannbücher (mal traduits par terriers) les rendent inutiles, chaque propriétaire ayant la possibilité de se faire délivrer un extrait du Bannbuch relatif à ses biens (accensés ou non).

Sources - Bibliographie

STOEBER (Auguste), « Redevances de douze maisons du vieux Mulhouse. Extrait du censier (Zinsbuch) de la Cour de Saint-Jean », Bull. du musée hist. de Mulhouse, 4, 1879, 81-86.

PERRIN (Charles-Edmond), Essai sur la fortune immobilière de l’abbaye alsacienne de Marmoutier, 1935.

RICHTER (Gregor), Lagerbücher- oder Urbarlehre, 1979.

DETTE (Christoph), éd., Liber Possessionum Wizenburgensis, 1987.

JORDAN (Benoît), « Diz sint die zinse : le relevé des revenus domaniaux de Henri de Ribeaupierre à l’entrée de la vallée de la Weiss à la fin du 13e s. », Annuaire des 4 soc. d’hist. de la vallée de la Weiss, 10, 1994, 12-20.

Notices connexes

Berain

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Droit de l'Alsace

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