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''Fastnacht''</p> Le carnaval désigne la période de réjouissances profanes qui précède le Carême. Il doit aussi être compris comme «&nbsp;une fête de printemps&nbsp;» (''Gaignebet''), une célébration du réveil de la nature qui constitue la survivance d’une religion ancienne (cultes romains et celtes). Au Moyen Âge, le cycle de carnaval démarre à Noël et s’achève avec le mercredi des cendres, qui marque l’entrée officielle dans le Carême depuis le XI<sup>e</sup> siècle. En Alsace, il dure une semaine supplémentaire.</p>
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Le carnaval désigne la période de réjouissances profanes qui précède le Carême. Il doit aussi être compris comme «&nbsp;une fête de printemps&nbsp;» (''Gaignebet''), une célébration du réveil de la nature qui constitue la survivance d’une religion ancienne (cultes romains et celtes). Au Moyen Âge, le cycle de carnaval démarre à Noël et s’achève avec le mercredi des cendres, qui marque l’entrée officielle dans le Carême depuis le XI<sup>e</sup> siècle. En Alsace, il dure une semaine supplémentaire.
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Organisée entre Noël et l’Epiphanie, la fête des fous célèbre la nouvelle année. La hiérarchie sociale&nbsp;est inversée, les rites sont tournés en dérision. Des «&nbsp;rois&nbsp;» sont élus par les serfs (Wintzenheim, début du XIV<sup>e</sup> siècle), les corporations ou les confréries. A Sélestat, les corporations élisent un «&nbsp;roi&nbsp;», un «&nbsp;empereur&nbsp;» et un «&nbsp;pape&nbsp;» (1437). A Strasbourg, la confrérie des compagnons tanneurs élit un «&nbsp;évêque&nbsp;», qui peut refuser cette charge à condition de verser une amende d’un schilling (1477, AMS, CH 6 435). Les «&nbsp;royaumes&nbsp;» sont accompagnés de cortèges masqués, composés d’enfants et de jeunes gens. A Sélestat, en 1416, la rencontre de deux cortèges concurrents dégénère en bagarre. On limite l’âge des participants à Haguenau (milieu du XV<sup>e</sup> siècle, 1484, 1540) et à Strasbourg (12 ans en 1456, 14 ans en 1463). Les restrictions concernent également le temps et l’espace de la fête. A Colmar, le 30 décembre 1421, le Conseil interdit aux compagnons inscrits dans les corporations de disposer de leurs poêles (un repas commun dans les auberges est préconisé) et limite la tenue des «&nbsp;royaumes&nbsp;» au jour de l’Epiphanie. En 1436, devant l’ampleur que prennent les banquets, le Conseil de Colmar étend à l’Epiphanie l’interdiction de se regrouper dans les poêles, de même que d’élire des «&nbsp;seigneurs&nbsp;», «&nbsp;rois&nbsp;» ou «&nbsp;abbés&nbsp;», ou encore de procéder au «&nbsp;rapt&nbsp;» d’enfants, de jeunes compagnons ou de vieillards. Les «&nbsp;royaumes&nbsp;» aristocratiques échappent à ce type de décrets, tel celui organisé à Guémar en 1573 par le baron Egenolf de Ribeaupierre. Les ecclésiastiques combattent eux-aussi la fête des fous. En 1508, Geiler de Kaysersberg condamne les déguisements et autres bouffonneries de Nouvel An. Les «&nbsp;royaumes&nbsp;» disparaissent avec la guerre de Trente Ans (dernière mention à Erstein en 1651). Reste la fête du roi de la fève, qui n’échappe pas en 1666 aux foudres du prédicateur protestant Konrad Dannhauer, dénonçant à Strasbourg les excès de cette pratique païenne.</p>
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Organisée entre Noël et l’Epiphanie, la fête des fous célèbre la nouvelle année. La hiérarchie sociale&nbsp;est inversée, les rites sont tournés en dérision. Des «&nbsp;rois&nbsp;» sont élus par les serfs (Wintzenheim, début du XIV<sup>e</sup> siècle), les corporations ou les confréries. A Sélestat, les corporations élisent un «&nbsp;roi&nbsp;», un «&nbsp;empereur&nbsp;» et un «&nbsp;pape&nbsp;» (1437). A Strasbourg, la confrérie des compagnons tanneurs élit un «&nbsp;évêque&nbsp;», qui peut refuser cette charge à condition de verser une amende d’un schilling (1477, AMS, CH 6 435). Les «&nbsp;royaumes&nbsp;» sont accompagnés de cortèges masqués, composés d’enfants et de jeunes gens. A Sélestat, en 1416, la rencontre de deux cortèges concurrents dégénère en bagarre. On limite l’âge des participants à Haguenau (milieu du XV<sup>e</sup> siècle, 1484, 1540) et à Strasbourg (12 ans en 1456, 14 ans en 1463). Les restrictions concernent également le temps et l’espace de la fête. A Colmar, le 30 décembre 1421, le Conseil interdit aux compagnons inscrits dans les corporations de disposer de leurs poêles (un repas commun dans les auberges est préconisé) et limite la tenue des «&nbsp;royaumes&nbsp;» au jour de l’Epiphanie. En 1436, devant l’ampleur que prennent les banquets, le Conseil de Colmar étend à l’Epiphanie l’interdiction de se regrouper dans les poêles, de même que d’élire des «&nbsp;seigneurs&nbsp;», «&nbsp;rois&nbsp;» ou «&nbsp;abbés&nbsp;», ou encore de procéder au «&nbsp;rapt&nbsp;» d’enfants, de jeunes compagnons ou de vieillards. Les «&nbsp;royaumes&nbsp;» aristocratiques échappent à ce type de décrets, tel celui organisé à Guémar en 1573 par le baron Egenolf de Ribeaupierre. Les ecclésiastiques combattent eux-aussi la fête des fous. En 1508, Geiler de Kaysersberg condamne les déguisements et autres bouffonneries de Nouvel An. Les «&nbsp;royaumes&nbsp;» disparaissent avec la guerre de Trente Ans (dernière mention à Erstein en 1651). Reste la fête du roi de la fève, qui n’échappe pas en 1666 aux foudres du prédicateur protestant Konrad Dannhauer, dénonçant à Strasbourg les excès de cette pratique païenne.
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= Calendrier et pratiques =
 
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Carnaval commence le jeudi gras (''Schnitzdonnerstag''), une semaine avant le mercredi des cendres. Au XIX<sup>e</sup> siècle, à Rixheim et à Osenbach, on prépare ce jour-là un plat spécial, à base de tranches de fruits séchés (''Schnitz''). Le dimanche ''Esto mihi'', qui précède le mercredi des cendres, est désigné comme le «&nbsp;carnaval des seigneurs&nbsp;» (''Herrenfastnacht''). A Strasbourg, les écoliers se rendent au domicile de leurs maîtres pour demander des beignets, comme en témoigne le texte d’une chanson en latin de 1395. Les beignets de carnaval apparaissent pour la première fois au XII<sup>e</sup> siècle, dans l’''Hortus Deliciarum'' (Lefftz). On en donne en signe d’amitié, comme en témoigne une prédication tenue à Strasbourg vers 1445. Le lundi gras&nbsp;et le mardi gras sont l’occasion d’excès alimentaires et de cortèges masqués qui débordent sur le mercredi des cendres. Geiler de Kaysersberg n’a pas de mots assez durs pour en fustiger les acteurs. Il fait écho aux critiques que Sébastien Brant formule dans le chapitre de ''La Nef des fous'' (1494) consacré aux «&nbsp;fous de carnaval&nbsp;». Le mercredi des cendres apparaît comme un jour de festivités particulièrement intense pour les femmes, avec des fêtes particulières (Sélestat, 1436-37) donnant lieu à des excès de boisson (Fischart, ''Geschichtklitterung''). Pourtant, les processions religieuses du mercredi des cendres, attestées à Strasbourg pour le XIV<sup>e</sup> siècle (Closener), marquent l’entrée officielle dans le Carême. Un banquet peut encore avoir lieu ce jour-là (Rouffach, 1641), où la viande est cependant proscrite. Le mercredi des cendres ne clôt pas pour autant les festivités. Le dimanche suivant, appelé dimanche Invocavit, est celui du «&nbsp;carnaval des paysans&nbsp;» (''Bauernfastnacht'') ou «&nbsp;vieux carnaval&nbsp;» (''alte Fastnacht''), car il est une survivance de l’époque où le Carême ne commençait que le lundi suivant le dimanche Invocavit. En 1556, le comte et doyen de la cathédrale de Strasbourg, Johann Christoffel von Zimmern, organise un cortège masqué qui chevauche de Strasbourg à Eschau, où un banquet clôt la journée. Dans les campagnes alsaciennes du XIX<sup>e</sup> siècle, c’est le jour de la collecte des beignets dans le village. Le soir du dimanche ''Invocavit'' est aussi l’occasion d’allumer un bûcher. C’est encore le cas au XIX<sup>e</sup> siècle dans certaines parties de l’Alsace (régions de Wasselonne et de Molsheim, vallée de la Bruche, Ensisheim, Sundgau). A Kiffis, au début du XIX<sup>e</sup> siècle, on jette dans les flammes un mannequin de paille, tandis que des danses circulaires sont exécutées autour du bûcher. La crémation peut, dans certains cas, avoir lieu plus tôt, le dimanche ''Esto mihi'' (Kiffis, Oberhaslach) voire deux semaines avant le dimanche ''Invocavit'' (Bergholtz-Zell). Le bûcher de carnaval est fréquemment accompagné de la projection de disques enflammés (''Scheibenschlagen'', ''Schieweschlaawe'') par les jeunes gens du village. Gottfried de Strasbourg mentionne cette pratique dans son ''Tristan et Yseult'' (vers 1200). Le carnaval des paysans cède la place au carnaval des femmes (''Weiberfastnacht''), le lundi et le mardi qui suivent le dimanche ''Invocavit''. L’inversion carnavalesque des rôles confère aux femmes l’autorité sur les hommes, qu’elles exercent par l’occupation des auberges et la confiscation de couvre-chefs masculins qui sont rendus à leurs propriétaires à la condition qu’ils paient à boire. En 1681, le curé de Wihr-au-Val décrit le carnaval des femmes, dont il demande la suppression&nbsp;: des femmes masquées de Wihr-au-Val, Walbach et Zimmerbach mangent et boivent sur la route et obligent les voyageurs à danser avec elles autour d’un bouc. D’autres danses sont associées à la période de carnaval, organisées dans les villes par les corporations&nbsp;: danse des épées (apparaît à Strasbourg dans la deuxième moitié du XV<sup>e</sup> siècle), danse des arceaux (apparaît à Strasbourg en 1509). Carnaval donne également naissance à des représentations particulières, les jeux de carnaval (''Fastnachtspiele''). Jörg Wickram, greffier de la ville de Colmar, en compose plusieurs (1532, 1537, 1547). En 1544, la corporation des pelletiers de Strasbourg met sur pied une comédie, jouée du lundi gras au dimanche Invocavit dans les riches demeures. Des défilés de chars sont organisés à Strasbourg (1563, 1566, 1570, 1592, 1605) et s’achèvent par la crémation sur l’eau d’une maison de bois garnie de lumières, au moyen de grands feux d’artifice. Le fait de «&nbsp;brûler la lumière&nbsp;» (''Lichtverbrennen'') marque la fin des veillées d’hiver. Après le défoulement de carnaval, les mœurs se font plus strictes&nbsp;: le règlement du poêle des cordonniers strasbourgeois (1360) interdit de jouer aux quilles ou à un autre jeu entre carnaval et quinze jours après Pâques sous peine d’une amende de deux schilling (AMS, CH 1595).</p>
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Carnaval commence le jeudi gras (''Schnitzdonnerstag''), une semaine avant le mercredi des cendres. Au XIX<sup>e</sup> siècle, à Rixheim et à Osenbach, on prépare ce jour-là un plat spécial, à base de tranches de fruits séchés (''Schnitz''). Le dimanche ''Esto mihi'', qui précède le mercredi des cendres, est désigné comme le «&nbsp;carnaval des seigneurs&nbsp;» (''Herrenfastnacht''). A Strasbourg, les écoliers se rendent au domicile de leurs maîtres pour demander des beignets, comme en témoigne le texte d’une chanson en latin de 1395. Les beignets de carnaval apparaissent pour la première fois au XII<sup>e</sup> siècle, dans l’''Hortus Deliciarum'' (Lefftz). On en donne en signe d’amitié, comme en témoigne une prédication tenue à Strasbourg vers 1445. Le lundi gras&nbsp;et le mardi gras sont l’occasion d’excès alimentaires et de cortèges masqués qui débordent sur le mercredi des cendres. Geiler de Kaysersberg n’a pas de mots assez durs pour en fustiger les acteurs. Il fait écho aux critiques que Sébastien Brant formule dans le chapitre de ''La Nef des fous'' (1494) consacré aux «&nbsp;fous de carnaval&nbsp;». Le mercredi des cendres apparaît comme un jour de festivités particulièrement intense pour les femmes, avec des fêtes particulières (Sélestat, 1436-37) donnant lieu à des excès de boisson (Fischart, ''Geschichtklitterung''). Pourtant, les processions religieuses du mercredi des cendres, attestées à Strasbourg pour le XIV<sup>e</sup> siècle (Closener), marquent l’entrée officielle dans le Carême. Un banquet peut encore avoir lieu ce jour-là (Rouffach, 1641), où la viande est cependant proscrite. Le mercredi des cendres ne clôt pas pour autant les festivités. Le dimanche suivant, appelé dimanche Invocavit, est celui du «&nbsp;carnaval des paysans&nbsp;» (''Bauernfastnacht'') ou «&nbsp;vieux carnaval&nbsp;» (''alte Fastnacht''), car il est une survivance de l’époque où le Carême ne commençait que le lundi suivant le dimanche Invocavit. En 1556, le comte et doyen de la cathédrale de Strasbourg, Johann Christoffel von Zimmern, organise un cortège masqué qui chevauche de Strasbourg à Eschau, où un banquet clôt la journée. Dans les campagnes alsaciennes du XIX<sup>e</sup> siècle, c’est le jour de la collecte des beignets dans le village. Le soir du dimanche ''Invocavit'' est aussi l’occasion d’allumer un bûcher. C’est encore le cas au XIX<sup>e</sup> siècle dans certaines parties de l’Alsace (régions de Wasselonne et de Molsheim, vallée de la Bruche, Ensisheim, Sundgau). A Kiffis, au début du XIX<sup>e</sup> siècle, on jette dans les flammes un mannequin de paille, tandis que des danses circulaires sont exécutées autour du bûcher. La crémation peut, dans certains cas, avoir lieu plus tôt, le dimanche ''Esto mihi'' (Kiffis, Oberhaslach) voire deux semaines avant le dimanche ''Invocavit'' (Bergholtz-Zell). Le bûcher de carnaval est fréquemment accompagné de la projection de disques enflammés (''Scheibenschlagen'', ''Schieweschlaawe'') par les jeunes gens du village. Gottfried de Strasbourg mentionne cette pratique dans son ''Tristan et Yseult'' (vers 1200). Le carnaval des paysans cède la place au carnaval des femmes (''Weiberfastnacht''), le lundi et le mardi qui suivent le dimanche ''Invocavit''. L’inversion carnavalesque des rôles confère aux femmes l’autorité sur les hommes, qu’elles exercent par l’occupation des auberges et la confiscation de couvre-chefs masculins qui sont rendus à leurs propriétaires à la condition qu’ils paient à boire. En 1681, le curé de Wihr-au-Val décrit le carnaval des femmes, dont il demande la suppression&nbsp;: des femmes masquées de Wihr-au-Val, Walbach et Zimmerbach mangent et boivent sur la route et obligent les voyageurs à danser avec elles autour d’un bouc. D’autres danses sont associées à la période de carnaval, organisées dans les villes par les corporations&nbsp;: danse des épées (apparaît à Strasbourg dans la deuxième moitié du XV<sup>e</sup> siècle), danse des arceaux (apparaît à Strasbourg en 1509). Carnaval donne également naissance à des représentations particulières, les jeux de carnaval (''Fastnachtspiele''). Jörg Wickram, greffier de la ville de Colmar, en compose plusieurs (1532, 1537, 1547). En 1544, la corporation des pelletiers de Strasbourg met sur pied une comédie, jouée du lundi gras au dimanche Invocavit dans les riches demeures. Des défilés de chars sont organisés à Strasbourg (1563, 1566, 1570, 1592, 1605) et s’achèvent par la crémation sur l’eau d’une maison de bois garnie de lumières, au moyen de grands feux d’artifice. Le fait de «&nbsp;brûler la lumière&nbsp;» (''Lichtverbrennen'') marque la fin des veillées d’hiver. Après le défoulement de carnaval, les mœurs se font plus strictes&nbsp;: le règlement du poêle des cordonniers strasbourgeois (1360) interdit de jouer aux quilles ou à un autre jeu entre carnaval et quinze jours après Pâques sous peine d’une amende de deux schilling (AMS, CH 1595).
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= Sources - Bibliographie =
 
= Sources - Bibliographie =
WALDNER Eugen,''Veröffentlichungen aus dem Stadtarchiv zu Colmar'', Colmar, 1907, p. 71-72.</p> VAN GENNEP Arnold, ''Manuel de folklore français contemporain'', Paris, 1937-1958.</p> LEFFTZ Joseph, ''Elsässisches Volksleben am Jahresanfang'', Strasbourg, 1973.</p> GAIGNEBET Claude, ''Le Carnaval&nbsp;: essai de mythologie populaire'', Paris, 1974.</p> LESER Gérard, ''Les traditions de Carnaval en Alsace'', Mémoire de maîtrise, Strasbourg, 1980.</p> HELL Bertrand, «&nbsp;Carnaval&nbsp;» in ''Encyclopédie de l’Alsace'', 1982, t. 2, p. 1050-1058.</p> LESER Gérard, «&nbsp;Schieweleschlaawe&nbsp;» in ''Encyclopédie de l’Alsace'', 1985, t. 11, p. 6726-6727.</p> LESER Gérard, «&nbsp;Les traditions de Carnaval en Alsace à la fin du XIXe siècle&nbsp;» in Dominique DINET et François IGERSHEIM (dir.), ''Terres d’Alsace, chemins de l’Europe'', Strasbourg, 2003, p. 307-329.</p>
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WALDNER Eugen,''Veröffentlichungen aus dem Stadtarchiv zu Colmar'', Colmar, 1907, p. 71-72.
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VAN GENNEP Arnold, ''Manuel de folklore français contemporain'', Paris, 1937-1958.
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LEFFTZ Joseph, ''Elsässisches Volksleben am Jahresanfang'', Strasbourg, 1973.
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GAIGNEBET Claude, ''Le Carnaval&nbsp;: essai de mythologie populaire'', Paris, 1974.
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LESER Gérard, ''Les traditions de Carnaval en Alsace'', Mémoire de maîtrise, Strasbourg, 1980.
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HELL Bertrand, «&nbsp;Carnaval&nbsp;» in ''Encyclopédie de l’Alsace'', 1982, t. 2, p. 1050-1058.
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LESER Gérard, «&nbsp;Schieweleschlaawe&nbsp;» in ''Encyclopédie de l’Alsace'', 1985, t. 11, p. 6726-6727.
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LESER Gérard, «&nbsp;Les traditions de Carnaval en Alsace à la fin du XIXe siècle&nbsp;» in Dominique DINET et François IGERSHEIM (dir.), ''Terres d’Alsace, chemins de l’Europe'', Strasbourg, 2003, p. 307-329.
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Version actuelle datée du 28 mars 2021 à 20:51

Fastnacht

Le carnaval désigne la période de réjouissances profanes qui précède le Carême. Il doit aussi être compris comme « une fête de printemps » (Gaignebet), une célébration du réveil de la nature qui constitue la survivance d’une religion ancienne (cultes romains et celtes). Au Moyen Âge, le cycle de carnaval démarre à Noël et s’achève avec le mercredi des cendres, qui marque l’entrée officielle dans le Carême depuis le XIe siècle. En Alsace, il dure une semaine supplémentaire.

 

La fête des fous

Organisée entre Noël et l’Epiphanie, la fête des fous célèbre la nouvelle année. La hiérarchie sociale est inversée, les rites sont tournés en dérision. Des « rois » sont élus par les serfs (Wintzenheim, début du XIVe siècle), les corporations ou les confréries. A Sélestat, les corporations élisent un « roi », un « empereur » et un « pape » (1437). A Strasbourg, la confrérie des compagnons tanneurs élit un « évêque », qui peut refuser cette charge à condition de verser une amende d’un schilling (1477, AMS, CH 6 435). Les « royaumes » sont accompagnés de cortèges masqués, composés d’enfants et de jeunes gens. A Sélestat, en 1416, la rencontre de deux cortèges concurrents dégénère en bagarre. On limite l’âge des participants à Haguenau (milieu du XVe siècle, 1484, 1540) et à Strasbourg (12 ans en 1456, 14 ans en 1463). Les restrictions concernent également le temps et l’espace de la fête. A Colmar, le 30 décembre 1421, le Conseil interdit aux compagnons inscrits dans les corporations de disposer de leurs poêles (un repas commun dans les auberges est préconisé) et limite la tenue des « royaumes » au jour de l’Epiphanie. En 1436, devant l’ampleur que prennent les banquets, le Conseil de Colmar étend à l’Epiphanie l’interdiction de se regrouper dans les poêles, de même que d’élire des « seigneurs », « rois » ou « abbés », ou encore de procéder au « rapt » d’enfants, de jeunes compagnons ou de vieillards. Les « royaumes » aristocratiques échappent à ce type de décrets, tel celui organisé à Guémar en 1573 par le baron Egenolf de Ribeaupierre. Les ecclésiastiques combattent eux-aussi la fête des fous. En 1508, Geiler de Kaysersberg condamne les déguisements et autres bouffonneries de Nouvel An. Les « royaumes » disparaissent avec la guerre de Trente Ans (dernière mention à Erstein en 1651). Reste la fête du roi de la fève, qui n’échappe pas en 1666 aux foudres du prédicateur protestant Konrad Dannhauer, dénonçant à Strasbourg les excès de cette pratique païenne.

 

Calendrier et pratiques

Carnaval commence le jeudi gras (Schnitzdonnerstag), une semaine avant le mercredi des cendres. Au XIXe siècle, à Rixheim et à Osenbach, on prépare ce jour-là un plat spécial, à base de tranches de fruits séchés (Schnitz). Le dimanche Esto mihi, qui précède le mercredi des cendres, est désigné comme le « carnaval des seigneurs » (Herrenfastnacht). A Strasbourg, les écoliers se rendent au domicile de leurs maîtres pour demander des beignets, comme en témoigne le texte d’une chanson en latin de 1395. Les beignets de carnaval apparaissent pour la première fois au XIIe siècle, dans l’Hortus Deliciarum (Lefftz). On en donne en signe d’amitié, comme en témoigne une prédication tenue à Strasbourg vers 1445. Le lundi gras et le mardi gras sont l’occasion d’excès alimentaires et de cortèges masqués qui débordent sur le mercredi des cendres. Geiler de Kaysersberg n’a pas de mots assez durs pour en fustiger les acteurs. Il fait écho aux critiques que Sébastien Brant formule dans le chapitre de La Nef des fous (1494) consacré aux « fous de carnaval ». Le mercredi des cendres apparaît comme un jour de festivités particulièrement intense pour les femmes, avec des fêtes particulières (Sélestat, 1436-37) donnant lieu à des excès de boisson (Fischart, Geschichtklitterung). Pourtant, les processions religieuses du mercredi des cendres, attestées à Strasbourg pour le XIVe siècle (Closener), marquent l’entrée officielle dans le Carême. Un banquet peut encore avoir lieu ce jour-là (Rouffach, 1641), où la viande est cependant proscrite. Le mercredi des cendres ne clôt pas pour autant les festivités. Le dimanche suivant, appelé dimanche Invocavit, est celui du « carnaval des paysans » (Bauernfastnacht) ou « vieux carnaval » (alte Fastnacht), car il est une survivance de l’époque où le Carême ne commençait que le lundi suivant le dimanche Invocavit. En 1556, le comte et doyen de la cathédrale de Strasbourg, Johann Christoffel von Zimmern, organise un cortège masqué qui chevauche de Strasbourg à Eschau, où un banquet clôt la journée. Dans les campagnes alsaciennes du XIXe siècle, c’est le jour de la collecte des beignets dans le village. Le soir du dimanche Invocavit est aussi l’occasion d’allumer un bûcher. C’est encore le cas au XIXe siècle dans certaines parties de l’Alsace (régions de Wasselonne et de Molsheim, vallée de la Bruche, Ensisheim, Sundgau). A Kiffis, au début du XIXe siècle, on jette dans les flammes un mannequin de paille, tandis que des danses circulaires sont exécutées autour du bûcher. La crémation peut, dans certains cas, avoir lieu plus tôt, le dimanche Esto mihi (Kiffis, Oberhaslach) voire deux semaines avant le dimanche Invocavit (Bergholtz-Zell). Le bûcher de carnaval est fréquemment accompagné de la projection de disques enflammés (Scheibenschlagen, Schieweschlaawe) par les jeunes gens du village. Gottfried de Strasbourg mentionne cette pratique dans son Tristan et Yseult (vers 1200). Le carnaval des paysans cède la place au carnaval des femmes (Weiberfastnacht), le lundi et le mardi qui suivent le dimanche Invocavit. L’inversion carnavalesque des rôles confère aux femmes l’autorité sur les hommes, qu’elles exercent par l’occupation des auberges et la confiscation de couvre-chefs masculins qui sont rendus à leurs propriétaires à la condition qu’ils paient à boire. En 1681, le curé de Wihr-au-Val décrit le carnaval des femmes, dont il demande la suppression : des femmes masquées de Wihr-au-Val, Walbach et Zimmerbach mangent et boivent sur la route et obligent les voyageurs à danser avec elles autour d’un bouc. D’autres danses sont associées à la période de carnaval, organisées dans les villes par les corporations : danse des épées (apparaît à Strasbourg dans la deuxième moitié du XVe siècle), danse des arceaux (apparaît à Strasbourg en 1509). Carnaval donne également naissance à des représentations particulières, les jeux de carnaval (Fastnachtspiele). Jörg Wickram, greffier de la ville de Colmar, en compose plusieurs (1532, 1537, 1547). En 1544, la corporation des pelletiers de Strasbourg met sur pied une comédie, jouée du lundi gras au dimanche Invocavit dans les riches demeures. Des défilés de chars sont organisés à Strasbourg (1563, 1566, 1570, 1592, 1605) et s’achèvent par la crémation sur l’eau d’une maison de bois garnie de lumières, au moyen de grands feux d’artifice. Le fait de « brûler la lumière » (Lichtverbrennen) marque la fin des veillées d’hiver. Après le défoulement de carnaval, les mœurs se font plus strictes : le règlement du poêle des cordonniers strasbourgeois (1360) interdit de jouer aux quilles ou à un autre jeu entre carnaval et quinze jours après Pâques sous peine d’une amende de deux schilling (AMS, CH 1595).

 

Sources - Bibliographie

WALDNER Eugen,Veröffentlichungen aus dem Stadtarchiv zu Colmar, Colmar, 1907, p. 71-72.

VAN GENNEP Arnold, Manuel de folklore français contemporain, Paris, 1937-1958.

LEFFTZ Joseph, Elsässisches Volksleben am Jahresanfang, Strasbourg, 1973.

GAIGNEBET Claude, Le Carnaval : essai de mythologie populaire, Paris, 1974.

LESER Gérard, Les traditions de Carnaval en Alsace, Mémoire de maîtrise, Strasbourg, 1980.

HELL Bertrand, « Carnaval » in Encyclopédie de l’Alsace, 1982, t. 2, p. 1050-1058.

LESER Gérard, « Schieweleschlaawe » in Encyclopédie de l’Alsace, 1985, t. 11, p. 6726-6727.

LESER Gérard, « Les traditions de Carnaval en Alsace à la fin du XIXe siècle » in Dominique DINET et François IGERSHEIM (dir.), Terres d’Alsace, chemins de l’Europe, Strasbourg, 2003, p. 307-329.

 

Notices connexes

Calendrier

Chanteurs (Maîtres)

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Eric Ettwiller