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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''carnifex'', ''lictor'', exécuteur ou maître des hautes oeuvres, ''Henker'', ''Nachrichter'', ''Scharfrichter''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Le bourreau, appelé ''Nachrichter'', puisqu’il exerçait sa fonction « après » le juge, était l’exécuteur des arrêts de la haute justice, chargé d’infliger la peine capitale ou toute autre peine afflictive (exposition au carcan, fustigation, mutilation…). Mais la justice recourait également à ses services pour la question : il était chargé d’extorquer des aveux en appliquant aux suspects (voleurs, meurtriers, sorcières…) la torture sous toutes ses formes, surtout l’estrapade, avec ou sans poids. Cela n’allait pas sans risques : en 1628, des soldats, dont certains avaient été torturés par le bourreau de Molsheim, avaient promis de lui faire un sort, de lui prendre ses chevaux et de brûler sa maison.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Presque tous les bailliages avaient leur bourreau. Les réversales signées vers 1569 par Hans Hollwart, bourreau de Dachstein, spécifient ses tâches et sa rétribution : il perçoit un florin pour une exécution, un demi‑florin pour une exposition au carcan, pour une fustigation ou pour couper les oreilles ; il est également chargé du nettoyage de la prison. Il lui faut une autorisation pour exercer sa tâche ailleurs que dans son bailliage (ABR 1 G 66/65 E).</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">L’emploi passait pour être le plus infâme et le bourreau subissait l’ostracisme de la communauté ; il en était réduit à l’endogamie. De ce fait, il existait des « dynasties » de bourreaux, comme les Fürst qu’on trouve à Obernai et à Dachstein, les Wees, actifs à Reutenbourg (1605), Molsheim (1614‑1717), Bouxwiller (1654), Strasbourg (1676), Obernai (1690‑1750), Marckolsheim. Ces derniers n’hésitaient pas à changer de confession au gré de leur emploi : protestants à Bouxwiller, ils étaient catholiques ailleurs. Jean-Michel Birck, qui leur a succédé à Molsheim (1717-1739), était apparenté aux Wees et avait épousé une fille de Burckhardt, bourreau à Westhoffen. Les fils, qui n’avaient pas le droit d’apprendre un métier, ne pouvaient que servir de valets à leur père ou à un autre bourreau en attendant de pouvoir se placer. Les filles ne trouvaient pas à se marier en-dehors du monde clos des bourreaux, mais il convient de relever un cas d’espèce : vers 1771, Jean-Jacques Fischer, Docteur en médecine et futur ''Stättmeister'' à Molsheim, a épousé Marie-Catherine Burckhardt, fille de bourreau.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Le bourreau devait porter des vêtements distinctifs et était généralement condamné à vivre à l’écart, comme celui de Molsheim qui devait résider « in einem abgelegenen Ort », raison pour laquelle il avait été relégué à Avolsheim avant de pouvoir revenir s’implanter dans le quartier malodorant des tanneurs. Cela tenait surtout à la fonction de vidangeur (il vidait les latrines de la Chartreuse) et d’écorcheur ou équarisseur (maître des basses oeuvres, Abdecker, Kleemeister, Schinder, Wasenmeister) qu’il exerçait en outre ; il sera condamné à « se procurer un lieu écarté, hors de l’enceinte, pour y transporter les charognes et y faire sécher les cuirs et peaux » (ABR C 207/24). La meilleure part de ses revenus provenait de ces dernières fonctions.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">La charge était vénale. À Molsheim, les héritiers de Hans Veltin Wees la vendirent en 1717 pour 980 livres à Jean‑Michel Birck, qui dut payer en outre une patente de 264 livres, laquelle fut portée, un mois plus tard, à 600 livres.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">À l’occasion, on recourait secrètement au bourreau pour des soins, étant donné les connaissances anatomiques acquises par lui lors des séances de torture, des exécutions et autres sinistres occupations de son métier ; tel bourreau est allé jusqu’à vendre de la graisse de pendu comme onguent.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">En 1793, la Convention nationale décida qu’il y aurait un « exécuteur des arrêts criminels » – le mot bourreau ayant été proscrit en 1787 – dans chaque département.</p>
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== <span style="font-size:x-large;">Bibliographie</span> ==
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''Carnifex'', ''lictor'', exécuteur ou maître des hautes oeuvres, ''Henker'', ''Nachrichter'', ''Scharfrichter.''
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">FERRIERE (Claude Joseph de), ''Dictionnaire de droit et de pratique, contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnances, de coutumes et de pratique avec les juridictions de France'', Paris, Saint-Etienne, 1762., t. I, p. 302, p. 871‑872.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''Grand Larousse Encyclopédique'', Paris, 1960, t. III.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">SCHUHMANN (Helmut), ''Der Scharfrichter. Seine Gestalt - seine Funktion'', Kempten, 1964.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">GLENZDORF (Johann), TREICHEL (Fritz), ''Henker, Schinder und arme Sünder'', Bad Münder am Deister, 1970.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">HARSANY (Zoltan-Etienne), « Les prisons de Strasbourg durant la Révolution (II) », in : ''Ann. Amis du Vieux Strasbourg'' IV (1974), p. 135‑137.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">DELARUE (Jacques), ''Le métier de bourreau du Moyen Âge à aujourd’hui'', Paris, 1979.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">LUTZ (Robert), « Les exécuteurs des hautes oeuvres à Molsheim », in : ''Ann. SHAME'' 1976, p. 61‑63.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''Lexikon des Mittelalters'', München-Zurich, 1980, VII2, p. 1440.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BISCH (René), « Les bourreaux d’Obernai », in : ''Bulletin du Cercle Généalogique d’Alsace'' n° 52 (1980/4), p. 194‑195.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">LUTZ (Robert), « Les bourreaux d’Obernai », in : ''Bulletin du Cercle Généalogique d’Alsace'' n° 53 (1981/1), p. 250‑251.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">SCHILD (Wolfgang), « Der Scharfrichter », in : ''Justiz in alter Zeit'' (dir. Christoph Hinkeldey), Rothenburg o. d. Tauber, 1989.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">SCHLAEFLI (Louis), ''La sorcellerie à Molsheim (1589‑1697)'', Molsheim, 1993, p. 126‑138.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">TOUREILLE (Valérie), Notice bourreau in : GAUVARD (Claude), LIBERA, (Alain de), ZINK (Michel), ''Dictionnaire du Moyen Âge'', Paris, 2002, p. 190.</p>
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== <span style="font-size:x-large;">Notices connexes</span> ==
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Le bourreau, appelé ''Nachrichter'', puisqu’il exerçait sa fonction «&nbsp;après&nbsp;» le juge, était l’exécuteur des arrêts de la haute justice, chargé d’infliger la peine capitale ou toute autre peine afflictive (exposition au carcan, fustigation, mutilation…). Mais la justice recourait également à ses services pour la question&nbsp;: il était chargé d’extorquer des aveux en appliquant aux suspects (voleurs, meurtriers, sorcières…) la torture sous toutes ses formes, surtout l’estrapade, avec ou sans poids. Cela n’allait pas sans risques&nbsp;: en 1628, des soldats, dont certains avaient été torturés par le bourreau de Molsheim, avaient promis de lui faire un sort, de lui prendre ses chevaux et de brûler sa maison.
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Brodequins_espagnols]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Carcan|Carcan]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Chaise_d’insomnie|Chaise d’insomnie]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Justice_et_Institutions_judiciaires|Justice et Institutions judiciaires]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Sorcellerie|Sorcellerie]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: right;">'''Louis Schlaefli'''</p>
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Presque tous les bailliages avaient leur bourreau. Les réversales signées vers 1569 par Hans Hollwart, bourreau de Dachstein, spécifient ses tâches et sa rétribution&nbsp;: il perçoit un florin pour une exécution, un demi‑florin pour une exposition au carcan, pour une fustigation ou pour couper les oreilles&nbsp;; il est également chargé du nettoyage de la prison. Il lui faut une autorisation pour exercer sa tâche ailleurs que dans son bailliage (ABR 1 G 66/65 E).
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L’emploi passait pour être le plus infâme et le bourreau subissait l’ostracisme de la communauté&nbsp;; il en était réduit à l’endogamie. De ce fait, il existait des «&nbsp;dynasties&nbsp;» de bourreaux, comme les Fürst qu’on trouve à Obernai et à Dachstein, les Wees, actifs à Reutenbourg (1605), Molsheim (1614‑1717), Bouxwiller (1654), Strasbourg (1676), Obernai (1690‑1750), Marckolsheim. Ces derniers n’hésitaient pas à changer de confession au gré de leur emploi&nbsp;: protestants à Bouxwiller, ils étaient catholiques ailleurs. Jean-Michel Birck, qui leur a succédé à Molsheim (1717-1739), était apparenté aux Wees et avait épousé une fille de Burckhardt, bourreau à Westhoffen. Les fils, qui n’avaient pas le droit d’apprendre un métier, ne pouvaient que servir de valets à leur père ou à un autre bourreau en attendant de pouvoir se placer. Les filles ne trouvaient pas à se marier en-dehors du monde clos des bourreaux, mais il convient de relever un cas d’espèce&nbsp;: vers 1771, Jean-Jacques Fischer, Docteur en médecine et futur ''Stättmeister'' à Molsheim, a épousé Marie-Catherine Burckhardt, fille de bourreau.
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Le bourreau devait porter des vêtements distinctifs et était généralement condamné à vivre à l’écart, comme celui de Molsheim qui devait résider «&nbsp;''in einem abgelegenen Ort''&nbsp;», raison pour laquelle il avait été relégué à Avolsheim avant de pouvoir revenir s’implanter dans le quartier malodorant des tanneurs. Cela tenait surtout à la fonction de vidangeur (il vidait les latrines de la Chartreuse) et d’écorcheur ou équarisseur (maître des basses oeuvres, ''Abdecker'', ''Kleemeister'', ''Schinder'', ''Wasenmeister'') qu’il exerçait en outre&nbsp;; il sera condamné à «&nbsp;se procurer un lieu écarté, hors de l’enceinte, pour y transporter les charognes et y faire sécher les cuirs et peaux&nbsp;» (ABR C 207/24). La meilleure part de ses revenus provenait de ces dernières fonctions.
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La charge était vénale. À Molsheim, les héritiers de Hans Veltin Wees la vendirent en 1717 pour 980 livres à Jean‑Michel Birck, qui dut payer en outre une patente de 264 livres, laquelle fut portée, un mois plus tard, à 600 livres.
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À l’occasion, on recourait secrètement au bourreau pour des soins, étant donné les connaissances anatomiques acquises par lui lors des séances de torture, des exécutions et autres sinistres occupations de son métier&nbsp;; tel bourreau est allé jusqu’à vendre de la graisse de pendu comme onguent.
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En 1793, la Convention nationale décida qu’il y aurait un «&nbsp;exécuteur des arrêts criminels&nbsp;» – le mot bourreau ayant été proscrit en 1787 – dans chaque département.
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== Bibliographie ==
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FERRIERE (Claude Joseph de), ''Dictionnaire de droit et de pratique, contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnances, de coutumes et de pratique avec les juridictions de France'', Paris, Saint-Etienne, 1762., t. I, p. 302, p. 871‑872.
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''Grand Larousse Encyclopédique'', Paris, 1960, t. III.
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SCHUHMANN (Helmut), ''Der Scharfrichter. Seine Gestalt - seine Funktion'', Kempten, 1964.
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GLENZDORF (Johann), TREICHEL (Fritz), ''Henker, Schinder und arme Sünder'', Bad Münder am Deister, 1970.
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HARSANY (Zoltan-Etienne), «&nbsp;Les prisons de Strasbourg durant la Révolution (II)&nbsp;», in&nbsp;: ''Ann. Amis du Vieux Strasbourg'' IV (1974), p. 135‑137.
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DELARUE (Jacques), ''Le métier de bourreau du Moyen Âge à aujourd’hui'', Paris, 1979.
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LUTZ (Robert), «&nbsp;Les exécuteurs des hautes oeuvres à Molsheim&nbsp;», in&nbsp;: ''Ann. SHAME'' 1976, p. 61‑63.
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''Lexikon des Mittelalters'', München-Zurich, 1980, VII2, p. 1440.
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BISCH (René), «&nbsp;Les bourreaux d’Obernai&nbsp;», in&nbsp;: ''Bulletin du Cercle Généalogique d’Alsace'' n° 52 (1980/4), p. 194‑195.
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LUTZ (Robert), «&nbsp;Les bourreaux d’Obernai&nbsp;», in&nbsp;: ''Bulletin du Cercle Généalogique d’Alsace'' n° 53 (1981/1), p. 250‑251.
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SCHILD (Wolfgang), «&nbsp;Der Scharfrichter&nbsp;», in&nbsp;: ''Justiz in alter Zeit'' (dir. Christoph Hinkeldey), Rothenburg o. d. Tauber, 1989.
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SCHLAEFLI (Louis), ''La sorcellerie à Molsheim (1589‑1697)'', Molsheim, 1993, p. 126‑138.
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TOUREILLE (Valérie), Notice bourreau in&nbsp;: GAUVARD (Claude), LIBERA, (Alain de), ZINK (Michel), ''Dictionnaire du Moyen Âge'', Paris, 2002, p. 190.
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== Notices connexes ==
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[[Brodequins_espagnols|Brodequins espagnols]]
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[[Carcan|Carcan]]
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[[Chaise_d'insomnie|Chaise d’insomnie]]
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[[Justice_et_Institutions_judiciaires_au_Moyen_Âge|Justice et Institutions judiciaires]]
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[[Sorcellerie|Sorcellerie]]
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: right">'''Louis Schlaefli'''</p> 
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[[Category:B]][[Category:Droit (sources et pratique du droit) et Justice]][[Category:Etat et pouvoirs]][[Category:Société, culture, pratiques sociales, rites et coutumes]]

Version actuelle datée du 28 mars 2021 à 15:51

Carnifex, lictor, exécuteur ou maître des hautes oeuvres, Henker, Nachrichter, Scharfrichter.

Le bourreau, appelé Nachrichter, puisqu’il exerçait sa fonction « après » le juge, était l’exécuteur des arrêts de la haute justice, chargé d’infliger la peine capitale ou toute autre peine afflictive (exposition au carcan, fustigation, mutilation…). Mais la justice recourait également à ses services pour la question : il était chargé d’extorquer des aveux en appliquant aux suspects (voleurs, meurtriers, sorcières…) la torture sous toutes ses formes, surtout l’estrapade, avec ou sans poids. Cela n’allait pas sans risques : en 1628, des soldats, dont certains avaient été torturés par le bourreau de Molsheim, avaient promis de lui faire un sort, de lui prendre ses chevaux et de brûler sa maison.

Presque tous les bailliages avaient leur bourreau. Les réversales signées vers 1569 par Hans Hollwart, bourreau de Dachstein, spécifient ses tâches et sa rétribution : il perçoit un florin pour une exécution, un demi‑florin pour une exposition au carcan, pour une fustigation ou pour couper les oreilles ; il est également chargé du nettoyage de la prison. Il lui faut une autorisation pour exercer sa tâche ailleurs que dans son bailliage (ABR 1 G 66/65 E).

L’emploi passait pour être le plus infâme et le bourreau subissait l’ostracisme de la communauté ; il en était réduit à l’endogamie. De ce fait, il existait des « dynasties » de bourreaux, comme les Fürst qu’on trouve à Obernai et à Dachstein, les Wees, actifs à Reutenbourg (1605), Molsheim (1614‑1717), Bouxwiller (1654), Strasbourg (1676), Obernai (1690‑1750), Marckolsheim. Ces derniers n’hésitaient pas à changer de confession au gré de leur emploi : protestants à Bouxwiller, ils étaient catholiques ailleurs. Jean-Michel Birck, qui leur a succédé à Molsheim (1717-1739), était apparenté aux Wees et avait épousé une fille de Burckhardt, bourreau à Westhoffen. Les fils, qui n’avaient pas le droit d’apprendre un métier, ne pouvaient que servir de valets à leur père ou à un autre bourreau en attendant de pouvoir se placer. Les filles ne trouvaient pas à se marier en-dehors du monde clos des bourreaux, mais il convient de relever un cas d’espèce : vers 1771, Jean-Jacques Fischer, Docteur en médecine et futur Stättmeister à Molsheim, a épousé Marie-Catherine Burckhardt, fille de bourreau.

Le bourreau devait porter des vêtements distinctifs et était généralement condamné à vivre à l’écart, comme celui de Molsheim qui devait résider « in einem abgelegenen Ort », raison pour laquelle il avait été relégué à Avolsheim avant de pouvoir revenir s’implanter dans le quartier malodorant des tanneurs. Cela tenait surtout à la fonction de vidangeur (il vidait les latrines de la Chartreuse) et d’écorcheur ou équarisseur (maître des basses oeuvres, Abdecker, Kleemeister, Schinder, Wasenmeister) qu’il exerçait en outre ; il sera condamné à « se procurer un lieu écarté, hors de l’enceinte, pour y transporter les charognes et y faire sécher les cuirs et peaux » (ABR C 207/24). La meilleure part de ses revenus provenait de ces dernières fonctions.

La charge était vénale. À Molsheim, les héritiers de Hans Veltin Wees la vendirent en 1717 pour 980 livres à Jean‑Michel Birck, qui dut payer en outre une patente de 264 livres, laquelle fut portée, un mois plus tard, à 600 livres.

À l’occasion, on recourait secrètement au bourreau pour des soins, étant donné les connaissances anatomiques acquises par lui lors des séances de torture, des exécutions et autres sinistres occupations de son métier ; tel bourreau est allé jusqu’à vendre de la graisse de pendu comme onguent.

En 1793, la Convention nationale décida qu’il y aurait un « exécuteur des arrêts criminels » – le mot bourreau ayant été proscrit en 1787 – dans chaque département.

Bibliographie

FERRIERE (Claude Joseph de), Dictionnaire de droit et de pratique, contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnances, de coutumes et de pratique avec les juridictions de France, Paris, Saint-Etienne, 1762., t. I, p. 302, p. 871‑872.

Grand Larousse Encyclopédique, Paris, 1960, t. III.

SCHUHMANN (Helmut), Der Scharfrichter. Seine Gestalt - seine Funktion, Kempten, 1964.

GLENZDORF (Johann), TREICHEL (Fritz), Henker, Schinder und arme Sünder, Bad Münder am Deister, 1970.

HARSANY (Zoltan-Etienne), « Les prisons de Strasbourg durant la Révolution (II) », in : Ann. Amis du Vieux Strasbourg IV (1974), p. 135‑137.

DELARUE (Jacques), Le métier de bourreau du Moyen Âge à aujourd’hui, Paris, 1979.

LUTZ (Robert), « Les exécuteurs des hautes oeuvres à Molsheim », in : Ann. SHAME 1976, p. 61‑63.

Lexikon des Mittelalters, München-Zurich, 1980, VII2, p. 1440.

BISCH (René), « Les bourreaux d’Obernai », in : Bulletin du Cercle Généalogique d’Alsace n° 52 (1980/4), p. 194‑195.

LUTZ (Robert), « Les bourreaux d’Obernai », in : Bulletin du Cercle Généalogique d’Alsace n° 53 (1981/1), p. 250‑251.

SCHILD (Wolfgang), « Der Scharfrichter », in : Justiz in alter Zeit (dir. Christoph Hinkeldey), Rothenburg o. d. Tauber, 1989.

SCHLAEFLI (Louis), La sorcellerie à Molsheim (1589‑1697), Molsheim, 1993, p. 126‑138.

TOUREILLE (Valérie), Notice bourreau in : GAUVARD (Claude), LIBERA, (Alain de), ZINK (Michel), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, 2002, p. 190.


Notices connexes

Brodequins espagnols

Carcan

Chaise d’insomnie

Justice et Institutions judiciaires

Sorcellerie

Louis Schlaefli