Bienfaisance (bureau de)

De DHIALSACE
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Apparu au XVIIIe siècle, le terme de bienfaisance est destiné à s’opposer à celui de charité. La conception de la pauvreté contenue dans ces deux termes et leurs objectifs sont différents. Vertu théologale, la charité ne prétend ni faire disparaître la souffrance, ni supprimer la pauvreté. Elle a par ailleurs une finalité individuelle. En revanche, la bienfaisance est une vertu laïque et entend apporter une réponse définitive à la pauvreté qui est perçue alors comme la conséquence d’un état économique. Mais cet antagonisme lexical ne s’est pas traduit par une rupture aussi nette dans les institutions et le bureau de bienfaisance, issu de l’idéal révolutionnaire pour être le pivot de l’assistance, reprend en partie la structure et le concept du bureau de charité en vigueur sous l’Ancien Régime.

Créé en application de la loi du 24 vendémiaire an II (15 octobre 1793) par la loi du 7 frimaire an V (27 novembre 1796), qui établit parallèlement un droit des pauvres, et par la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), le bureau de bienfaisance est un établissement public chargé de distribuer les secours à domicile aux malades, vieillards et infirmes qui ne peuvent être reçus dans les hospices, soit qu’il n’y ait pas d’établissements hospitaliers au lieu de leur domicile, soit que les ressources de ces institutions ne leur permettent pas d’accueillir tous les indigents. Il est également chargé de distribuer des secours en argent et en nature aux pauvres. En revanche, il ne peut verser de secours aux indigents hospitalisés, ni consacrer une partie de ses revenus à une affectation hospitalière, ni se transformer en hôpital : il doit clairement se différencier de l’hospice, relevant pour sa part de la loi du 16 messidor an VII (4 juillet 1799).

Selon la loi du 7 frimaire an V, ce sont les communes qui décident elles-mêmes de leur création. Seules quelques grosses agglomérations le font d’emblée, sans attendre d’incitations de l’administration départementale. Dans ces villes, ils devaient succéder aux institutions charitables antérieures. Le bureau de bienfaisance de Strasbourg prend la place d’une aumônerie de Saint-Marc, qui avait cessé son activité faute de ressources et d’un « bureau de bien public » qui coordonnait les secours distribués aux pauvres (AMS, 71 MW 12). Dans ses comptes de l’an VI et VII, on relève que le nombre de pauvres secourus croit avec la mauvaise saison : de 238 en prairial an VI à 474 en brumaire an VII (ABR 1 L 1585).

Dans le Haut-Rhin, le préfet Noël prescrit aux maires dès le 17 brumaire an X (8 novembre 1801) à la fois la restitution aux établissements de charité des biens nationaux qui leur avaient appartenu et avaient été vendus ou de leur équivalent et la création d’établissements de secours à domicile qu’il continue d’appeler « Bureaux de charité », appelation qu’ils avaient sous l’Ancien Régime (Le Messager du Haut-Rhin, 5 nivôse an X [26 décembre 1801]). Mais il faut attendre les instructions ministérielles pour que les préfets donnent une nouvelle impulsion à cette institution. La circulaire ministérielle du 28 vendémiaire an XI (20 octobre 1802) prescrit la création de bureaux de bienfaisance cantonaux. Le préfet Desportes arrête donc le 5 brumaire an XI (27 octobre 1802) la création de bureaux de bienfaisance cantonaux, « considérant que la mendicité est le fléau et la honte des États civilisés et que le plus sûr moyen de l’extirper est de répartir des secours à ceux qui sont dans l’impossibilité de gagner leur subsistance par leur travail ». Le comité cantonal est présidé par le juge de paix et compte quatre autres citoyens. Il désigne un receveur. Les ressources du comité sont les secours donnés par le gouvernement, les dons des particuliers, mais avant tout un droit sur les billets d’entrée des bals et fêtes publiques (arrêté des consuls du 18 thermidor an XI). Les secours doivent être distribués en nature. À cet effet, curés des paroisses et vicaires des succursales, ainsi que les pasteurs, doivent remettre au bureau de bienfaisance « l’état nominatif de leurs paroissiens que des malheurs ou le grand âge mettent dans la nécessité d’obtenir des secours ». Comme pour les fêtes patronales, ce sont des associations de jeunes du village qui organisent les fêtes et danses moyennant une somme versée dans la caisse communale ; le préfet exige des maires que cette somme soit versée au bureau de bienfaisance, ainsi que tous droits perçus sur les fêtes et danses organisées par les aubergistes (Le Messager du Haut‑Rhin, 15 brumaire an XI [6 novembre 1802]). Le 26 prairial an XI (15 juin 1803), le préfet Desportes prend un nouvel arrêté prescrivant des quêtes publiques au bénéfice des bureaux de bienfaisance, par troncs posés dans les lieux de culte et quêtes organisées par des dames de charité, et sa circulaire du 20 germinal an XII (10 avril 1804) complète le dispositif en instituant des « bureaux auxiliaires de bienfaisance » dans chaque commune. Ils sont composés du maire, du curé et de trois citoyens aisés. Ils dressent la liste des citoyens indigents, transmis au bureau cantonal, et organisent la distribution des secours aux indigents (Le Messager du Haut‑Rhin, 22 germinal an XII [12 avril 1804]). Le recueil des Actes de la préfecture (Messager du Haut‑Rhin) du 23 Messidor an XII (11 août 1804) remplit ses colonnes des listes de membres de ces bureaux auxiliaires de l’arrondissement de Colmar, relevant directement du secrétaire général de la préfecture. Ce sont les sous-préfets qui se chargent de l’opération dans les autres arrondissements, Altkirch et Belfort, ainsi que Porrentruy et Delémont. L’Annuaire du Haut‑Rhin de 1812 relève encore 39 comités de bienfaisance, un dans chaque canton du département. On n’a conservé la correspondance qu’avec les seuls comités de Colmar, Altkirch, Neuf-Brisach, Guebwiller, Ribeauvillé, Soultz, Saint-Ursanne, Sainte-Marie-Aux-Mines, fondés en 1803, 1804 et 1808 (AHR Série X). Ont-ils été les seuls à avoir fonctionné effectivement ? Il est vrai que le personnel de ces bureaux se confondait souvent avec celui des Commissions administratives des hospices, qui prenait en charge une partie des missions du bureau, ce qui était souvent inévitable, du fait de l’obligation faite de distribuer les secours en nature (pain, soupes, etc.), préparés par les cuisines des hospices.

L’institution revêt les mêmes formes dans le Bas‑Rhin. L’arrêté du préfet Shée du 6 brumaire an XII (29 octobre 1803) fait du bureau de bienfaisance une institution cantonale, présidée par le juge de paix et comportant quatre autres membres notables. Au niveau communal, il prescrit la création d’un « comité d’aumône », composé du maire et du curé ou pasteur, et de deux citoyens aisés, chargés d’assurer l’assistance aux pauvres. Reboul-Deneyrol, chargé de l’enquête sur le paupérisme lancée par le préfet Migneret en 1856, rappelle que Shée avait procédé à une réorganisation complète de la bienfaisance, en répartissant les produits de la quête entre secours à domicile, ateliers de travail, médecine gratuite, et attribue à Portalis l’échec des bureaux. C’est son rapport de 1806 développant la thèse de la liberté de la charité, qui aboutit au décret du 12 septembre 1806. Tout en continuant à autoriser les bureaux à faire des quêtes dans les églises, le décret leur retire le monopole de ces quêtes : les paroisses et leurs caisses d’aumônes et congrégations reprennent vite la place centrale qu’elles occupaient avant la Révolution et réduisent l’activité des bureaux de bienfaisance aux maigres ressources dont ils disposaient désormais.

Ainsi en 1809, l’arrondissement de Colmar comptait 4 727 pauvres et le montant des ressources annuelles du bureau de bienfaisance s’élevait à 6 399 francs, soit 1,35 franc par indigent. Les bureaux ne pouvaient donc subvenir à tous les besoins et étaient donc contraints de renoncer à secourir tous les indigents. Seuls 10 % étaient secourus. Malgré cela, le montant du secours annuel moyen effectivement distribué n’était que de 10,80 francs, ce qui ne permettait pas de soulager efficacement la misère (AHR 3X 159).

La Restauration impose aux bureaux de bienfaisance l’ancien nom de « Bureaux de charité » (1816). Ils ne reprendront leur dénomination antérieure que sous la Monarchie de Juillet.

Sources - Bibliographie

Série L aux ABR et AHR.

Série X aux ABR et AHR.

Série 1K : Bulletin des lois.

Le Messager du Haut-Rhin.

Annuaire du Bas-Rhin (1810), Bureaux de bienfaisance et Comité des Aumônes, p. 203-204.

Annuaire du Haut-Rhin (1812).

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REBOUL-DENEYROL (L. J.), Paupérisme et bienfaisance dans le Bas-Rhin, Paris - Strasbourg, 1858.

DUBOIS (D.), Des secours à domicile, Paris, 1869.

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PECTOR (Georges), Le droit des pauvres, Paris, 1886.

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NICOLAS (Louis), Du domicile de secours, Paris, 1911.

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Notices connexes

Assistance

Aumône

Canton

Charité (organisation de la)

Mendiant

Mendicité

Isabelle Blondé, François Igersheim