Bergbau

De DHIALSACE
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Bergbau, mines, carrières

La thèse d’une exploitation précoce des ressources minières des Vosges est à présent corroborée par les recherches des archéologues, notamment de Pierre Fluck. Dans la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines, l’activité extractive a connu un premier apogée au Xe siècle (la « fourchette chronologique » établie grâce au carbone 14 et à la dendrochronologie se situe entre 937 et 1050), peut-être en relation avec le monastère d’Echery, mais on peut désormais affirmer qu’elle remonte à l’Antiquité. L’évolution ultérieure se décompose en deux ou trois grandes phases, vers 1300, puis du dernier tiers du XVe siècle à la Guerre de Trente Ans, avec une reprise au XVIIIe siècle et une extension géographique variable selon qu’il s’agit de minerai de fer (présent dans les Vosges du nord et au sud, voire dans le Jura sundgovien) ou des métaux non ferreux que domine l’argent, associé à du plomb, du cuivre, etc.

Cette proto-industrie minière est régie par un droit particulier et dispose d’institutions spécifiques.

Bergrecht, droit minier

Ensemble de dispositions juridiques relatives à l’extraction du minerai. Dans l’Empire, cette prérogative régalienne est reconnue aux sept princes électeurs et aux seigneurs disposant de l’immédiateté, conformément à la Bulle d’Or de 1356.

Le souverain détient la propriété exclusive du sous-sol, dont l’exploitation peut être donnée à des concessionnaires. Le droit minier inclut les conditions techniques du travail de la mine, en profondeur aussi bien qu’en surface (y compris les activités de fonderie) et s’applique à l’ensemble des travailleurs concernés. Il donne lieu à des coutumiers, puis à des règlements codifiés par les autorités compétentes. Le personnel peut disposer de véritables privilèges (que les historiens du droit qualifient de Bergbaufreiheit, franchises minières) : ces exemptions d’impôts, de corvées, attestées dès 1261 en Lorraine (à Framont-Grandfontaine, AD des Vosges : 2H5, Cartulaire de l’abbaye de Senones) ne s’appliquent pas à la population avoisinante à laquelle les mineurs (Bergleute) ne sont pas assimilés. La coexistence de ces statuts suscite des arbitrages : extension de la franchise à tous (vallée du Chipal, fin XVe siècle) ou répartition égalitaire des charges (Masevaux, début XVIe siècle).

Berggegenbuch, Berglehenbuch

Registre des concessions et des comparsonniers (froner, gesellen, gewerker) détenteurs des parts d’une mine. Au XVIe siècle, il est tenu par le bergrichter.

Berggericht

Tribunal des mines présidé par le bergrichter.

Bergordnung, ordonnance minière

L’établissement d’une réglementation liée à l’extraction de minerai et à son environnement proche apparaît dès la fin du XIIe siècle (Autriche, 1185) et se répand au XIIIe siècle (Brixen : 1215, Iglau / Bohème : 1250), bien que des usages aient pu être codifiés auparavant, du fait du développement précoce de certains districts miniers, notamment argentifères. Dans le sud de la Forêt-Noire, les premiers coutumiers sont mis par écrit par le comte Eginon de Fribourg (Dieselmuter Weistum) et par son voisin Johann von Üsenberg vers 1370, et renouvelés ultérieurement (Todtnau, 1438 et 1439, Münstertal, 1512). À la fin du XVe siècle et au XVIe siècle, l’essor des mines du massif vosgien s’accompagne d’une législation inspirée du modèle tyrolien, notamment de l’expérience acquise à Schwaz où une douzaine de règlements sont rédigés entre 1490 et 1512. L’acte le plus important, resté en vigueur jusqu’au XVIIIe siècle sur la rive droite du Rhin, est la Bergordnung publiée le 22 mai 1517 par Maximilien Ier pour l’ensemble des quatre pays de Vorlande, Alsace, Sundgau, Brisgau et Forêt-Noire. Elle se compose de 83 articles qui organisent la concession de mines, précisent les modalités techniques et juridiques de leur exploitation ainsi que les procédures d’arbitrage en cas de litige – avec possibilité d’appel à Ensisheim –, le régime des forêts ou des infrastructures de transformation, le contrôle de la production (36-40), les conditions de travail et la rétribution des mineurs (41-52) et l’ensemble des relations entre les différents partenaires (bergverwandte) qui ressortissent de l’autorité du juge minier (bergrichter). Ces dispositions leur confèrent un statut commun et mettent en place une administration spécifique : un greffier des mines (berg(ge)richtsschreiber) qui épaule le bergrichter à la direction centrale, et, localement, des verweser (vicaires, adjoints), contrôlant le chef d’équipe de chaque concession (hutman).

Du côté alsacien, le document de 1517 s’applique prioritairement aux terres autrichiennes, en particulier dans la vallée de Masevaux (mines de Sewen-Kirchberg en pleine activité à cette date), mais aussi dans celles de Munster. Le 22 juillet 1526, à la suite d’un accord avec le duc de Lorraine qui détenait la rive gauche de la Liépvrette, il est étendu au Val de Lièpvre où les Habsbourg ont imposé leur tutelle aux Ribeaupierre en 1486 et dans le Val de Villé (1529). Par la suite, les mines d’Auxelles (1560) et du Rosemont en sont également dotées : Giromagny devient le chef-lieu des mines des Vorlande en 1562.

Bergherr, entrepreneur de mines

Ce terme est utilisé au XVIe siècle pour désigner des hommes d’affaires impliqués dans les mines. Vers 1515, Conrad Bolsnitzer est qualifié de Bergherr uf der First (ou Fürst, nom allemand de La Croix-aux-Mines, en Lorraine), tout comme son successeur Reinhard Wyd. La rue des Mineurs (Bergherrenstrasse) proche du Faubourg de Pierre, à Strasbourg, est appelée ainsi par référence au banquier Israël Minckel qui y avait fait construire une somptueuse demeure (1553-1569).

Bergmeister, Maître des mines

Dans un district minier, le Bergmeister exerce des fonctions d’encadrement de la main-d’oeuvre et de sa production. C’est un ingénieur-expert qui peut être sollicité dans d’autres régions et contribuer ainsi à des transferts de technologie. Épaulé par des adjoints (verweser), il peut exercer ses responsabilités dans un secteur plus large et les cumuler avec celles d’entrepreneur des mines, à l’instar de Conrad Bolsnitzer, au service des Ribeaupierre, du duc de Lorraine avant d’être promu directeur de l’ensemble des mines des Pays antérieurs (v. 1516).

Bergrichter, juge minier, trad. fr. anc. contrôleur, justicier des mines

Administrateur des mines, cet officier nommé par le prince (archiduc d’Autriche, duc de Lorraine, abbé de Murbach) apparaît dans le dernier tiers du XVe siècle avec des circonscriptions et des attributions variables jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement minier de 1517. Hans Voit, stadtvogt d’Ensisheim est peut-être le premier bergrichter en 1477. Dix ans plus tard, l’institution est attestée en Forêt-Noire et en Alsace en la personne de Peter Rot, à Plancher et Lure (Thomas Harnscherer) et à La Croix-aux-Mines où officie le gentilhomme strasbourgeois Louis de Kageneck. En 1502, le Brisgau a son propre justicier, de même que Masevaux. L’unification de 1517 fait de Todtnau la résidence du bergrichter des pays antérieurs, ce qui l’oblige à se déplacer régulièrement entre les deux massifs et à sous-traiter son office à des verweser. Cité de 1520 à 1526 à la tête des mines de l’Autriche, Ruprecht Schorb (peut-être lié à la famille du bergrichter de Schwaz Jörg Schorp, cité en 1479), est condamné à mort pour son implication dans l’insurrection paysanne de 1524 / 1525 : il est possible que son office ait été démantelé, avec la création d’un autre poste à Sainte-Marie-aux-Mines. En 1560-1562, Gregor Heid, bergrichter à Todtnau, s’installe dans les Vosges, où il se fixe à Giromagny.

Les compétences du justicier des mines s’exercent dans un large domaine professionnel puisqu’elles consistent à la fois à administrer, à gérer les revenus de la régale des mines, à appliquer la réglementation, à sanctionner les infractions, ou même à tenir des actes notariaux (inventaires de succession, tutelles…). Elles peuvent interférer avec d’autres juridictions : à Sainte-Marie-aux-Mines, le landrichter nommé par les Ribeaupierre juge les affaires criminelles et peut empiéter sur ses attributions. Les différentes fonctions peuvent donner lieu à des cumuls (en Lorraine notamment, où Claude d’Ainvaux est lieutenant de Saint-Dié et justicier vers 1510, tout comme les membres de la famille Reynette qui lui succèdent).

Lesbergrichter des terres autrichiennes relèvent de la Chambre d’Innsbruck. Il arrive à celle-ci de les réunir en « séminaires » : en 1557, par exemple deux délégués alsaciens participent à une telle rencontre avec des collègues des deux versants du Tyrol, de Bohême ou d’autres districts.

Bergverwandte ou Bergverwohnte

Ensemble des personnes vivant dans le secteur minier et relevant de la juridiction minière.

Bergvogt

Titre et fonction qui se rapportent au district minier de Todtnau, dans le sud de la Forêt-Noire ; les Reich de Reichenstein, en ont été détenteurs au XVe et au XVIe siècle.

Bergwerk (berckhwerck), berggebäude, grube, grubenwerck, mine, exploitation minière

Désigne une exploitation minière dans un secteur géographique donné : mine(s) à ciel ouvert de type tranchée (Verhau), ou mine(s) souterraine(s) par puits (Schacht) et galeries (Stollen). Les différents « portails » (Tor est le mot utilisé pour qualifier l’entrée d’une mine) sont fréquemment dédiés à des saints (les apôtres, sainte Barbe, saints Wolfgang, Nicolas, Léonard…).

Bibliographie

DIETRICH (Jean), « La chronique des mines de Sainte-Marie de Jean Haubensack », in : Bulletin de la Société d’Histoire naturelle de Colmar, 1875-1876, p. 325‑345.

WINCKELMANN (Heinrich), Bergbuch des Lebertals, Wethmar-Pöstlünen, 1962.

FRECHARD (André) & MAURER (Raymond), « Le règlement minier de 1529 pour la seigneurie de Villé », in : SHVV, 15, 1990, p. 102‑113.

LIEBELIN (François), Mines et mineurs du Rosemont, Giromagny, 1987 (traduction fr. XVIIe siècle, p. 202‑209.)

(GROFF), La mine, mode d’emploi, édition et commentaire du recueil d’Heinrich Groff, par Hubert BARI, Paul BENOÎT, Pierre FLUCK et Henri SCHOEN, Paris, albums, 1992.

TUBBESING (Gerrit), Vögte, Froner, Silberberge. Herrschaft und Recht des mittelalterlichen Bergbaus in Südschwarzwald, Berlin, 1996 (p. 302‑313 pour la Bergordnung).

 

Sur Schwaz (Tyrol), qui sert de modèle :

Das Schwazer Bergbuch, éd. Par Christoph BARTELS, Andreas BINGENER et Rainer SLOTTA, Bochum, 2006, 3 vol.

TSCHAN (Wolfgang), HOFMANN (Gerd), Das Schwazer Bergrecht der frühen Neuzeit. Eine Quellenedition, Reutte, 2008.

TSCHAN (Wolfgang), Das Schwazer Bergamt in der frühen Neuzeit. Quellen zur Verwaltungspraxis einer Tiroler Bergbaubehörde, Reutte, 2009.

 

Bibliographie générale (sélection)

LEPAGE (Henri), Recherche sur l’industrie en Lorraine et principalement dans le district de la Meuse, Mémoire de la société des Sciences, lettres et arts, Nancy, 1852.

VENATOR (M),Wörterbuch der Berg- und Hüttenkunde sowie deren Hülfwissenschaften, Leipzig, 1894.

ARNDT (Adolf), Zur Geschichte und Theorie des Bergregals und der Bergbaufreiheit, 1916.

ANGEL (Michel), Mines et fonderies au XVIe siècle, d’après De re metallica d’Agricola, Paris, 1989.

 

Les mines d’Alsace (sélection)

STOLTZ (Otto), « Zur Geschichte des Bergbaues im Elsaß im 15. und 16. Jahrhundert », in : Elsaß-lothringisches Jahrbuch, t. 18, 1939, p. 116‑171.

WESTERMANN (Angelika), Entwicklungsprobleme der vorderösterreichischen Montanwirtschaft im 16. Jahrhundert, Heidelberg, 1993

LEYPOLD (Denis), La métallurgie du fer dans le massif vosgien, la vallée de la Bruche de l’Antiquité au XIXe siècle, Strasbourg, (55), 1996.

FLUCK (Pierre), Sainte-Marie aux Mines. Les mines du rêve, Soultz, 2000 (avec un glossaire).

BOUVIER (David), « La guerre des mines d’argent », in : Bull. Val de Lièpvre, 2001, p. 44-62 ; 2003, p. 95-114 ; 2009, p. 21-44.

WESTERMANN (Angelika), Die Vorderösterreichischen Montanregionen in der frühen Neuzeit, Kiel, 2009.

Notices connexes

Asphalte

Ban de la Roche

Banque

Charbonnier

Industrie

Kammer

Georges Bischoff, Denis Leypold