Baron

De DHIALSACE
Révision datée du 9 septembre 2020 à 16:01 par Mhubert (discussion | contributions) (correction du style)
Aller à : navigation, rechercher

En latin médiéval liber (homo), ingenuus, nobilis (vir), en latin humaniste liber baro, en mhd. fry, (frige) herre, en all. moderne Freiherr

Membre de la haute noblesse de rang non comtal.

Au haut Moyen Âge, la société est divisée en libres et non-libres. Parmi les premiers, certains sont dits nobiles, mais ce mot ne désigne pas une classe fermée. Aux XIe et XIIe siècles, la féodalisation réduit l’immense majorité de la population à une condition quasi-servile, de sorte que les nobles peuvent se considérer comme les seuls libres ; c’est depuis cette époque qu’ils sont désignés comme tels (liber, ingenuus, fry). En même temps apparaît la ministérialité, formée de non-libres qui accèdent à la chevalerie et à des postes de responsabilité. En Alsace, c’est vers le troisième quart du XIIIe siècle que les ci-devant ministériaux entrent dans la noblesse. Mais ils ne deviennent pas pour autant les égaux des anciens nobles : ceux-ci constituent désormais la haute noblesse (mhd. die herren, all. mod. Hochadel), tandis que les anciens ministériaux forment la petite noblesse (mhd. die ritter und knehte ; all. mod. Niederadel), infiniment plus nombreuse. Il s’agit d’une différence d’ordre (Stand), fondée sur la naissance ; la fortune n’y change rien, et de fait, certains petits nobles (Fleckenstein, Hattstatt, Landsberg…) sont plus riches et plus puissants que certains barons (Ettendorf, Dicke, Liebenstein). C’est en tant que descendants des anciens nobles des XIe-XIIe siècle que les barons des époques postérieures sont appelés Freiherren. Ce titre fonde une supériorité symbolique, en rappelant que les petits nobles, même si désormais indiscutablement libres, descendent d’hommes qui ne l’étaient pas. Le titre de baron est une traduction acceptable de nobilis / Freiherr, même si ses origines sont tout à fait différentes et s’il ne fait pas référence à la liberté, référence qui en France ne serait pas pertinente, puisque ce pays n’a pas connu ces chevaliers non-libres qu’étaient dans l’Empire les ministériaux.

C’est parmi les anciens nobles que se recrutent les comtes. Au départ, comte est une fonction, mais depuis le début du XIIe siècle, les fils de comtes prennent ce titre même quand ils n’héritent pas de la fonction. Désormais, il y a des familles de comtes et des familles de simples barons (avec quelques cas incertains, comme les Reichenberg), mais les unes et les autres appartiennent au même ordre.

Au XIIe siècle, les familles baroniales sont peu nombreuses, et une partie d’entre elles disparaît rapidement ; c’est en particulier le cas de lignages obscurs comme les [Wald-] Olwisheim ou les Niffer, simples nobles de village, dont les mentions sont trop rares pour qu’on puisse savoir s’ils se sont éteints biologiquement ou s’ils sont tombés dans la ministérialité, voire dans la paysannerie. Mais des familles châtelaines comme les Biederthal, Hohnack-Gutenburg, Ringelstein, Borre ne disparaissent pas moins vite. Vers 1300, il ne subsiste guère qu’une douzaine de lignages, et vers 1500 il n’en serait resté que trois, si quelques « immigrés » et quelques petits nobles élevés au rang de barons par le souverain (Fleckenstein, Moersberg) n’étaient venus compléter leurs rangs. Entre-temps, beaucoup d’anciens barons avaient reçu du souverain le titre de comtes (en Alsace le dernier des Lichtenberg, ailleurs les Hanau, les Zimmern, etc.) ; les rares à n’avoir pas bénéficié de cette faveur craignaient fort de perdre leur rang et d’être assimilés à la petite noblesse. C’est ce qui explique que le dernier des Rappoltstein (Ribeaupierre) ait pris le titre de comte de sa propre autorité (étant protestant, il ne l’aurait pas obtenu de l’empereur).

Après le milieu du XVIIe siècle, la noblesse alsacienne se trouve désavantagée, en fait de titulature, par rapport à la noblesse française, avec laquelle elle est désormais en contact : comme le roi de France a distribué les titres de noblesse bien plus largement que l’empereur, bien des comtes et des marquis français ont des origines moins anciennes et moins reluisantes que la majorité des nobles alsaciens, qui n’ont même pas le titre de baron, dont se parent en France des anoblis récents. D’où les efforts qu’ils ont fait pour l’obtenir collectivement du roi. Un décret de 1773 (éd. Familienbuch Müllenheim III/1, 86 n° 2 160) finit par leur donner satisfaction en reconnaissant ce titre à 58 familles alsaciennes, d’origine ministérielle (Andlau, Bergheim…), patricienne (Bock, Boecklin…), robine (Gayling, Gremp, Streit…) ou bourgeoise (Wurmser, Joham), toutes censées l’avoir déjà porté avant 1680, ce qui repose sur l’identification tendancieuse de Herr à Freiherr.

La Révolution a aboli les titres de noblesse, mais Napoléon les a rétablis et en a conférés à certains de ses fidèles. Depuis cette époque, le terme de « baron d’Empire » a en Alsace deux sens : a) noble du Saint-Empire portant le titre de Freiherr, et b) membre d’une famille ayant reçu le titre de baron sous le Premier ou le Second Empire français.

Bibliographie

DUNGERN (Otto von), Der Herrenstand im Mittelalter. Eine sozialpolitische und rechtsgeschichtliche Untersuchung, 1908.

MERZ (Walther), Nobilis, in Zeitschrift für schweizerische Geschichte 10, 1930, p. 277‑297 (sur des usages atypiques de ce titre).

CLAVADETSCHER (Otto), Nobilis, edel, fry (in Graubünden), in : BEUMANN (Helmut), éd., Historische Forschungen für Walter Schlesinger, 1974, p. 242‑51.

SABLONIER (Roger), Adel im Wandel. Eine Untersuchung zur sozialen Situation des ostschweizerischen Adels um 1300, 1979.

PARISSE (Michel), Noblesse et chevalerie en Lorraine médiévale. Les familles nobles du XIe au XIIe siècle, 1982.

PELZER (Erich), Der elsässische Adel im Spätfeudalismus, 1990, p. 127‑31.

JORDAN (Benoît), Entre la gloire et la vertu. Les sires de Ribeaupierre, 1991, p. 125‑31.

Notices connexes

Chevalerie

Ministérialité

Noblesse

Noblesse immédiate de Basse-Alsace

Bernhard Metz