Banque

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Bank

I. Alsace

Avant le XIXe siècle, il n’existe pas de véritables banques en Alsace. La première Caisse d’Epargne en Alsace n’a été fondée qu’en 1832, à Mulhouse.

À Strasbourg, ville prospère à partir du XVe siècle, des particuliers s’adonnent alors à des activités bancaires (prêts, change), d’autant qu’il y a dès 1479, dans la ville, « beaucoup d’argent qui dort et ceux qui le possèdent ne savent pas où le placer », phrase d’un informateur de l’Electeur palatin cité par F. Rapp. Divers princes, en particulier l’électeur palatin, s’adressent à des financiers de Strasbourg, de l’ordre de plusieurs dizaines, en particulier des bourgeois, des patriciens, des nobles et des institutions ecclésiastiques. Les capitaux, provenant en partie de la spéculation sur les grains et dans une mesure moindre du commerce des vins, sont placés auprès des princes, mais constituent également les investissements nécessaires pour l’équipement des imprimeries et des mines d’argent de la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines. Mais leur importance demeure celle d’une « médiocrité dorée » (F. Rapp).

Au cours du XVIe siècle se constituent, à côté des créanciers individuels, dont Nicolas Turckheim (1522‑1596) de grandes sociétés commerciales ; la plus ancienne dont on ait conservé l’acte constitutif date de 1490. Les contrats souscrits d’abord en famille (les Ingold, les Prechter, les Obrecht) s’étendent peu à peu, en particulier à des « facteurs » installés au loin – ainsi les Obrecht se sont installés à Lyon au XVIe siècle – et à des propriétaires de biens fonciers.

De son côté, le Magistrat a créé vers 1482 une banque, qui a les caractères d’un Mont de Piété, rattachée à la Monnaie et confiée à trois Müntzer (monnayeurs changeurs). Elle a subsisté avec des vicissitudes diverses, notamment vers 1580 et en 1623, jusqu’en 1752.

Un change municipal (Wexel) a été fondé en 1589 : il détient le monopole du change, afin d’éviter des spéculations sur des monnaies étrangères, en particulier les lorraines de mauvais aloi. Mais il suscite des oppositions : divisions entre jurisconsultes, oppositions de pasteurs, ce qui contraint le magistrat à fermer le Wexel en 1612. Le Trésor de la ville (Pfennigturm à l’angle de la place des Franciscains, aujourd’hui place Kléber) fonctionne comme banque de dépôts jusqu’en 1789.

La situation se dégrade fortement dans les dernières décennies du XVIe siècle, à la suite des guerres civiles et extérieures de la France et de l’incapacité du royaume de France à rembourser les emprunts considérables qu’il avait faits. La faillite des grande firmes Minckel et Ingold (1569-1571), provoquée par le non‑remboursement des prêts consentis au royaume de France, entraînent un effondrement du système financier strasbourgeois durant le dernier quart du XVIe siècle, ce qui empêche le développement d’une fonction bancaire forte, à la différence de ce qui se passe à Bâle. De plus durant tout le XVIIe siècle, la situation financière de Strasbourg reste difficile, à cause de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) et les activités bancaires, même des grandes familles, demeurent limitées.

Encore au XVIIIe siècle, la fonction bancaire demeure assez étriquée à Strasbourg. Le nombre de négociants ou de rentiers qui prennent le titre de « banquiers » demeure très réduit jusqu’en 1789. Les seuls recensés à Strasbourg sont Turckheim, Franck, Miville et Kornmann. Les autres prêteurs d’envergure sont des courtiers et de grands négociants. Parmi eux, le financier juif Cerf Berr, fournisseur aux armées. Deux banquiers parviennent à fonder une dynastie. Jean IV de Turckheim crée un important établissement bancaire qui se maintient pendant trois générations avant de disparaître dans les années 1840. Philippe Jacques Franck (1715-1780) a fondé la plus importante banque de la ville, gérée ensuite par sa belle-fille Marie-Cléophée, née Turckheim, le gendre de celle-ci Athanase-Paul Renouard de Bussière et le fils d’Athanase, Alfred Renouard de Bussière. Par contre, la famille Dietrich, avec Jean après 1750, déplace son centre d’intérêt de la banque à l’activité industrielle dans la région de Niederbronn, avant de connaître sous la Révolution de graves difficultés.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, certains juifs, étudiés par Jean Daltroff, ont joué un rôle de prêteurs d’argent tant en ville (la dynastie des Cerfbeer) que dans les campagnes, à l’instar de Moyse Blien (1700-1762). Globalement ces prêteurs se caractérisent par le nombre élevé des emprunteurs (plusieurs dizaines) et la dispersion géographique. Cependant, à partir de 1780, on constate un appauvrissement de nombreux créanciers juifs, ce qui se remarque par la diminution des montants avancés et de la durée du crédit consenti. Les études sur le crédit réalisées par Roland Marx pour les années 1791-1792 mettent en relief la nette prédominance des crédits accordés par les citadins chrétiens de Strasbourg : les obligations des prêteurs juifs ne représentent que 16 % du total dans le Bas‑Rhin.

II. Bâle (Basel)

À Bâle, la première banque, intitulée « Change public » (Stadtwechsel), date de 1504. En 1533, elle a reçu le monopole absolu du change. C’est une banque publique qui fonctionne sous forme d’association entre la ville et le changeur officiel, lié par contrat à la Ville. Ses fonctions sont le change en espèces, le monopole de l’émission de pièces courantes neuves, le commerce des métaux précieux. C’est à la fois une banque de dépôt et de crédit, de virement et d’émissions d’emprunts. Elle devient au cours du XVIe siècle la principale institution de crédit pour la ville et pour une bonne partie de la Suisse.

Mais au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les structures de la banque et l’étroite surveillance de son activité par le gouvernement bâlois exercent une influence négative sur le grand négoce. Les grands commerçants créèrent alors leur propre système de banques privées, au point que la banque publique tomba en décadence et dut être liquidée. Les affaires bancaires intéressant les particuliers de Bâle et ses voisins furent confiées aux bons soins des changeurs publics.

Au cours du XVIe siècle, le potentiel financier des Bâlois augmenta peu à peu et se substitua à celui des riches villes allemandes, ce qui lui permit non seulement d’acquérir son indépendance, mais en plus de devenir une place financière qui attirait les capitaux à la recherche d’un placement. Bâle acquiert aux XVIe et XVIIe siècles une richesse publique non négligeable. Cela entraîne vers la fin du XVIe siècle une rapide accumulation de capitaux en mains privées suisses, qui constituent deux groupes principaux, les entrepreneurs du service des mercenaires en provenance des cantons suisses catholiques (les mercenaires touchaient des pensions), qui ne concernent que très peu Bâle, et les négociants dont quelques-uns entrent dans le circuit des spéculations financières. Depuis le début des années 1700, les mêmes familles président aux destinées des mêmes maisons de banque, avec une restructuration lors de la tourmente révolutionnaire qui a vu l’invasion de la Suisse par les troupes françaises en 1798.

Les maisons de banque bâloise figurent parmi les financiers de l’industrialisation de la Haute Alsace, à compter de l’époque napoléonienne.

Bibliographie

MARX (Roland), La Révolution et les classes sociales en Basse Alsace. Structures agraires et vente des biens nationaux, Paris, 1974.

LIVET (Georges), RAPP (Francis), (dir.), Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, 4 t., Strasbourg, 1980-1982, II et III.

KINTZ (Jean-Pierre), La Société strasbourgeoise 1560-1650, Paris, 1984.

DALTROFF (Jean), Le Prêt d’argent des juifs de Basse Alsace (1700-1791), Strasbourg, 1993.

RAPP (Francis), « Le Prince, l’argent et la ville : les capitaux strasbourgeois à la fin du Moyen Âge », in : Comptes-rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 137e année, n° 1, 1993, p. 59‑70.

VOGLER (Bernard) et HAU (Michel), Histoire économique de l’Alsace, Strasbourg, 1997.

KÖRNER (Martin), Solidarités financières suisses au seizième siècle, Lausanne, 1980.

KÖRNER (Martin), Nouvelle Histoire de la Suisse et des Suisses, Lausanne, 1983.


Notices connexes

Crédit

Monnaie

Prêt d’argent

Usure

Bernard Vogler