Artillerie

De DHIALSACE
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L'apparition des armes à feu

Les milices des villes d’Alsace se dotent d’armes à feu vers la fin du XIVe siècle. Les compagnies de tireurs manient l’arquebuse et les villes les plus importantes se dotent de canons. On a une indication de leur diffusion dans la composition de la levée à opérer que décrètent les Etats d’Alsace (Landstände) de 1572. Outre Strasbourg, Haguenau (et le grand bailliage) et Kaysersberg, les autres villes de la Décapole doivent également fournir des canons et des artilleurs. Colmar dispose également d’une artillerie, de même que Haguenau, Sélestat, Obernai. Les milices que lève la Régence d’Ensisheim ne comptent pas de compagnies d’artilleurs , les artilleurs et canons des Vorlände sont ceux des mercenaires de la maison de Habsbourg. Pourtant aucune de ces villes, qui se croyaient à l’abri derrière leurs remparts et leurs canons, ne résistent à l’artillerie moderne des armées qui ravagent l’Alsace au XVIIe siècle (Rodolphe Reuss).

L'artillerie strasbourgeoise

C’est au milieu du XVIe siècle qu’apparaît l’adage « Nürnberger Witz, Strassburger Geschütz, Venediger Macht, Augsburger Pracht, Ulmer Geld regieren die Welt ». On en sait donc beaucoup plus sur l’artillerie strasbourgeoise, qui apparaît dans la deuxième moitié du XIVe siècle. Les premières pièces strasbourgeoises ont été achetées à Nuremberg qui utilise l’artillerie dès 1350. Mais, en 1371 Strasbourg embauche un fondeur de bouches à feu (Büchsenmeister) et se lance dans la fabrication, ce qui ne la dispense pas de procéder à des achats massifs auprès d’autres villes (Fribourg, Bâle). La milice strasbourgeoise utilise son artillerie dans ses expéditions extérieures (Alfred Pfleger). Mais l’artillerie a un rôle surtout défensif, ainsi pour repousser les attaques des « routiers » (1365 ;1375, 1392), des Armagnacs (1439, 1444). Le rôle de l’artillerie de campagne strasbourgeoise dans la guerre de Dachstein (1419-1422) est plus discuté, mais se révèle efficace dans la levée du siège d’Oberkirch en 1428, ou dans la guerre de Wasselonne, où s’illustre leur gros canon, le Roraff. La menace que représente Charles le Téméraire pour Strasbourg (1475), oblige la ville à se fortifier de façon plus efficace et à se doter d’une artillerie plus conséquente, 50 canons fixés sur étaux et 55 couleuvrines ainsi que 427 arquebuses (Philippe Dollinger). Les Suisses s’emparent de nombreuses pièces de l’artillerie de la coalition mise sur pied par Maximilien Ier et défaite à Dornach par les Suisses (1499), dont celles de Strasbourg, alliée de Maximilien, en particulier son gros canon, l’Autruche (Strüss von Strassburg) avec celui des troupes de la Régence d’Ensisheim, la Kättelerli, qu’ils livreront plus tard aux Strasbourgeois (Martin).

Les fonderies de Strasbourg

Au début du XVIe siècle, une fonderie d’artillerie fait partie intégrante de l’arsenal de Strasbourg (Zeughaus) et un imposant parc d’artillerie est installé au Marais-Vert. L'empereur Maximilien les visite à chacun de ses séjours à Strasbourg. En 1507, il assiste à une démonstration d’artillerie dans la Plaine des Bouchers. Les fondeurs strasbourgeois, fort renommés, sont « prêtés » aux autres villes du sud de l’Allemagne ou de Suisse : à Nuremberg et à Bâle. Leur production de canons, mais surtout d’arquebuses est importante et appréciée au XVe et au XVIe siècles (François Joseph Fuchs). Les Strasbourgeois sont attachés à leurs canons, qu’ils baptisent de sobriquets comme le Roraff, qui tonnait chaque soir pour signaler la fermeture imminente des portes de la ville, ou la poétique Mésange (Meise), réputée pour tirer de Strasbourg à Hausbergen : une exagération typique de la population strasbourgeoise, à l’origine de leur surnom de Meiselocker (Alfred Pfleger). Pourtant, les fondeurs de canons sont aussi fondeurs de cloches, et l’on trouve des fonderies dans d’autres quartiers de Strasbourg, de même que des fabricants de poudres, des armuriers et des arquebusiers. Une d’entre elles brûle en 1570 : elle est située à la Krutenau, derrière Saint-Nicolas-aux- Ondes. La plus célèbre, située rue Sainte-Barbe, est celle des frères Edel, qui fondent la Zehnerglock en 1786 (Paul Martin). La plus importante des fonderies de Strasbourg se situe cependant devant la porte des Juifs, au futur chantier des Pontonniers, mais est ramenée après 1620 dans l’enceinte, près de la porte Blanche.

Les autres fonderies de canons en Alsace

Il existe des fonderies de canons dans d’autres villes d’Alsace, par exemple à Colmar. Jusqu’en 1476 Colmar s’était contentée d’acheter des petites pièces, couleuvrines principalement. En 1476, elle en fond une. Activité encore réduite : 2 canons fondus en 1520. Mais en 1525, pour se protéger des bandes paysannes, elle garnit ses remparts de 13 canons. Elle fait appel à partir de 1532 à un fondeur strasbourgeois, Joerg von Guntheim pour se doter de pièces supplémentaires : jusqu’en 1536, il accroit l’arsenal de Colmar de 13 pièces. En 1575, l’artillerie de Colmar compte 34 canons. Mais l’artillerie des remparts de Colmar, avec ses 86 pièces, ne servit pas plus à la ville, lorsqu’elle fut prise par Louis XIV en 1673, que celle de Strasbourg.

Le déclin de l'artillerie alsacienne au XVIIe siècle

A la fin du XVIe siècle, il semble que les jours de gloire de l’artillerie strasbourgeoise soient passés. Les rapports établis par le Magistrat à la fin du siècle témoignent d’une artillerie encore fort abondante, mais obsolète, et d’une artillerie de siège qui rouille sur les remparts. Les nouvelles pièces qui y prennent place ébranlent tellement les fortifications de Specklin qu’il faut les reprendre en 1635. Pendant la guerre de Trente Ans, la ville fait mine d’observer la neutralité. Elle met son artillerie à la disposition des Suédois : elle servira au siège et à la prise de Sélestat et de Benfeld. En 1665, Strasbourg dispose d’une artillerie non négligeable et le Magistrat s’efforce de remobiliser une population dépourvue d’ardeur guerrière. Créquy peut prendre les redoutes du pont du Rhin sur la rive droite et sur la rive gauche sans rencontrer une grande résistance (1678). En 1681, les 300 canons de l’ancienne république, tirent trois salves d’honneur pour saluer l’entrée de Louis XIV et de ses troupes dans la ville ; son infanterie occupe immédiatement les remparts et l’arsenal (Rodolphe Reuss). Alors que le service des fortifications remodèle à nouveau l’enceinte de Specklin, en lui adjoignant la citadelle, le Magistrat s’occupe de construire de nombreuses casernes, situées pour la plupart sur des terrains encore libres, de l’autre côté du canal des Faux-Remparts, ou de la Porte des Bouchers, où vont s’élever les casernes de l’Esplanade. L’artillerie française prend possession de l’arsenal, sis en bordure de la place du Marché-aux-Chevaux (place Broglie). Comme il est insuffisant, une partie des magasins est implantée sur l’Esplanade ouverte par la jonction avec la citadelle : il prend le nom d’arsenal de construction. L’on y loge également les employés et ouvriers de l’arsenal et de la fonderie (12 officiers et 192 hommes en 1784).

Strasbourg, siège des fonderies royales

Le rétablissement des fonderies ordonné par Louis XIV en 1666 et qui se réalise peu à peu, ne semble s’être concrétisé à Strasbourg que tardivement. Les fondeurs de canons privés ont pu continuer leur activité jusqu’en 1716. En 1703, cependant, les officiers d’artillerie obtiennent le regroupement de la fonderie et de l’arsenal : la fonderie royale s’installe le long de l’actuelle rue de la Fonderie, à proximité de l’arsenal. Elle prend place dans l’ensemble des fonderies royales. Chacune a à sa tête un commissaire général des fontes de l’artillerie, officiers, mais aussi industriels. La Fonderie d’artillerie de Strasbourg est dès lors, avec celle de Douai, la plus importante de France et celle où se pratiquent la plupart des recherches qui aboutissent à la mise sur pied de la puissante artillerie du système Gribeauval : il va assurer la supériorité des armées de la Révolution et de l’Empire. En particulier, l’on y développe le procédé du forage des canons pleins, inventé en 1744 par le commissaire général Maritz, directeur de la Fonderie de Strasbourg de 1740 et diffusé dans l’ensemble des fonderies du Royaume. Jean-Baptiste de Dartein, venu de Toulon, après un passage par Douai succède à Maritz en 1760. Dartein va gérer cette entreprise jusqu’en 1781 : elle produira environ 4000 canons. A partir de 1708, Strasbourg est une place de garnison pour l’artillerie. Lors de la la réorganisation de l’artillerie française en 1720, on y affecte un régiment à titre permanent. Le Royal Artillerie a un casernement à l’Esplanade, pour 720 hommes, soit un bataillon ; il est reconstruit à neuf en 1753. Le régiment y a son terrain d’exercices : le Polygone de la Plaine des Bouchers. A partir de 1749, on assiste à une rotation plus importante des bataillons de ce même régiment. Puis à partir de 1755, s’y succèdent les régiments de Toul, d’Auvergne, de Besançon, du Poitou ; de 1772 à 1775, le régiment de Besançon, puis, à partir de 1775 et jusqu’en 1781, le régiment de Grenoble. Vient ensuite le régiment de Metz jusqu’en 1785. Il s’agit jusqu’alors de bataillons du régiment (720 hommes). A partir de 1786, le régiment d’artillerie de Strasbourg, à deux bataillons (1400 hommes) prend garnison à Strasbourg et occupe la caserne de la Porte des Bouchers (Engel).

 

Bibliographie


Notices connexes

François Igersheim