Archive

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Archives et sources primaires de l’histoire de l’Alsace

  1. Carta, documentum publicum, all. Brief, Urkunde. Documents écrits qui sont destinés à servir de traces d’actes de nature juridique.
  2. Lieux où sont conservés ces documents. Lat. Tabularium, Tabellarium, Tabulinum, Armarium, Cartarium, Cartularium, Scrinium, Scrinarium. Allmd. Archivium, Archivarium, Armarium, Registratur, Archiv
  3. Sources du récit de l’historien.

Conservées par une administration publique, les archives, sur support parchemin ou papier, reproduisent un document écrit : le texte d’une règle de droit, générale, qui s’applique à une collectivité et à ses composantes, l’ensemble des correspondances qu’entraîne cette application et les cas que l’institution est appelée à résoudre, les accords, traités ou contrats que des partenaires ont été appelés à passer. Les archives de l’acte retranscrit et conservé sont destinées à servir de référence à une règle de droit, de moyen de preuve d’un droit acquis ou d’une exemption. Elles retranscrivent les comptes des institutions. Dans une période où la jurisprudence est prédominante, elles conservent les jugements qu’ont été appelés à rendre les tribunaux aux différents échelons.

Dès les premiers temps, l’archive a servi de source pour l’historien, qui voulait fixer la mémoire de son temps, marqué par des souverains, des saints exemplaires, illustrer un lieu où attirer le peuple chrétien, une cité qui avait donné l’exemple de l’audace et de l’énergie pour conquérir et défendre ses libertés, ainsi que pour définir et régler son organisation interne et celle de ses communautés et associations.

Aujourd’hui, la définition d’archive s’est étendue à toutes sortes de documents, sur tous supports, qui sont conservés pour la plupart d’entre eux dans des établissements relevant de collectivités publiques (Archives départementales, Archives municipales).

Les archives produites avant 1789 par les institutions du passé, les communautés dissoutes ou les personnalités émigrées y ont été réunies par la Révolution. La loi du 7 messidor an II (25 juin 1794) procède à la nationalisation des archives. La loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) réunit les archives saisies au chef‑lieu du département. Il n’est pas sans intérêt de passer en revue quels ont été avant cette date les producteurs des archives et, pour autant que nous puissions les connaitre, les conditions et méthodes de leur conservation.

Les origines

Les institutions publiques romaines ont conservé les documents publics dans des lieux désignés à cet usage, dans la capitale, comme dans les provinces et les municipalités. Papes et évêques l’ont fait également. Au haut Moyen Age, on distingue mal les documents d’archives proprement dits et les ouvrages manuscrits, homélies, décisions de conciles, qui relèvent des bibliothèques.

Les souverains des royaumes barbares n’ont pas eu ces préoccupations. Ce n’est qu’à l’époque carolingienne que l’on mentionne un archivium, qui conserve capitulaires, testaments, décisions conciliaires, traités, correspondance avec les autres princes.

Mais l’institution des archives impériales disparait totalement sous les Ottoniens et les Saliens, qui n’ont plus de capitale proprement dite : les documents que leur cour itinérante emporte ou produit ne sont plus collectionnés. Leurs actes – rapports, demandes, comptes, copies – ne sont donc connus que par les originaux ou « grosses » que conservent ou recopient leurs destinataires : princes, évêques, abbayes.

L’absence de documents écrits conservés dans des archives ne signifie pas que l’histoire soit délaissée ou qu’elle soit dépourvue de sources. De nombreuses « chroniques » ou « annales » sont composées à l’époque mérovingienne. Elles sont l’œuvre d’évêques ou de moines et datent du VIIe au IXe siècle. Les plus importantes sont celles de Grégoire de Tours (VIe s.) et la chronique dite de Frédégaire (VIIe s.), relatant l’histoire des règnes des souverains mérovingiens, dont une partie se déroule dans les confins de leurs royaumes de Neustrie ou d’Austrasie, soit en Alsace. C’est cette chronique qui cite pour la première fois les Alsaciens (Alesaciones) et l’Alsace (Alesacius), dont la spécificité historique ne date donc que du début du VIIe siècle. Les chroniques ont été publiées dans les Monumenta Historica Germaniae, dans la série Scriptores rerum germanicarum, dès le milieu du XIXe siècle. Les vies de Saints ou Vitae, destinées à célébrer des souverains ou souveraines, des évêques ou des abbés fondateurs de monastères, et à les mettre en valeur, font également partie de cette vague historiographique. Elles sont écrites entre le Xe et le XIIe siècle, et sont fondées sur des sources d’archives ou sur des traditions orales. Parmi elles, la vie des évêques Arbogast, Florent, de sainte Richarde. Mais la plus notable, et il en existe plusieurs versions, est la Vita Odiliae Abbatissae Hohenburgensis. Elle a pris place dans les séries récentes des Passiones vitaeque sanctorum aevi merovingici. Les éditeurs récents (Krusch et Levison, 1953) reconnaissent qu’entre les faits qui se déroulent au VIIIe siècle et la Vie qui les relate (texte du XIIe s.), il y a une distance chronologique assez exceptionnelle, même si la première mention de sainte Odile est du Xe siècle. Les MGH en ont publié une édition en ligne, où on pourra consulter ces textes. http://www.mgh.de/dmgh/ (17.2.2010).

BRESSLAU (Harry), Handbuch der Urkundenlehre für Deutschland und Italien, 1912-1915, 2e éd., Berlin, 1969.

FUETER (Eduard), Geschichte der neueren Historiographie, in Handbuch der Mittelalterlichen und Neueren Geschichte de Below et Meinecke, München, 1912. GUENEE (Bernard) (dir.), Le métier d’historien au Moyen Âge. Études sur l’historiographie médiévale, Paris, 1977.  

Les premiers producteurs et conservateurs d’archives : l’Eglise

A l’instar de la papauté, les évêchés et abbayes ont pris très tôt des mesures pour conserver les écrits dont ils disposaient : c’est le cas tout particulièrement des évêchés de Neustrie (Reims, Cambrai, Sens, Paris, Saint-Denis, Saint-Wandrille), mais aussi d’Austrasie (Trèves, Saint-Gall, Reichenau). Les abbayes prévoient dans leurs édifices un local particulier, ainsi à Saint-Wandrille, une domus cartarum.

Grandes abbayes alsaciennes

Les abbayes se sont préoccupées de la conservation de leurs archives, même s’il faut attendre plusieurs siècles avant de rencontrer dans leurs « trésors » des originaux (autographus, authenticus), du Xe-XIe siècle, ou encore des copies (apographon). Un certain nombre de leurs « chartes » ne sont connues que par les cartulaires, registres ou rouleaux, sur lesquels les moines recopient toute une série d’actes, le plus souvent des donations de terres ou des édits d’immunité délivrés par les empereurs à l’égard des autorités épiscopales. C’est à l’occasion de la confection de ces cartulaires (chartularium ou codex), que certaines abbayes rédigent de fausses chartes, en s’inspirant de chartes authentiques recopiées dans d’autres abbayes ; elles sont censées prouver leurs droits sur des terres contestées, leur indépendance à l’égard des évêques. Ces faux sont appelés faux originaux car ils sont fort anciens (XIIe ou XIIIe siècle), contrairement aux faux du XVIIIe, qui sont de « vrais faux ». On peut également retrouver une copie de ces « chartes » dans des chroniques. La plus grande partie des archives des monastères alsaciens ne nous sont connues que par des copies datant des Temps modernes. Citons parmi elles, la copie des XVIe-XVIIe s. du cartulaire d’Altorf (ABR), ceux du XVIe s. de l’abbaye de Marmoutier (ABR) et de l’abbaye de Munster (AHR). Les cartulaires de Murbach (AHR) sont plus anciens et datent de la fin XVe siècle. Les archives de l’abbaye de Wissembourg qui remontent au VIIe siècle (le Livre des Traditions, le Livre des Possessions, le Livre des Privilèges et le Livre des Fiefs) ne nous sont connues que par des cartulaires ou registres bien plus récents, et leur texte a fait l’objet d’éditions imprimées dont les premiers remontent au XVIIe siècle. Parmi ces cartulaires, le manuscrit intitulé Corpus aller Confirmationen der dem Stift Weißenburg von Kaysern undt Königen gegebenen Privilegien undt Regalien, so dan ingleichen von den Päpsten, wie auch allerhandt Verträg zwischen dem Stift, der Sadt undt anderen Personen, resté inédit pour l’ensemble, contient diverses chartes ou privilèges du VIIe siècle à l’an 1491 (Archives de Spire). Les archives de Seltz nous sont connues par « le cartulaire et censier de l’abbaye de Seltz » Registratur und Auszüge aller des Stifts Seltzs brieflicher Urkunden undt Schriften desselben, habende Privilegia regalia, Lehenschaften, Donationes, Fundationes, Dotationes, Verträge und andere Brieffe über Gütter dergleichen Beständnüs, ewige und ablössige Zinnss und Gülts besagende, durch mich Hannss Burckhardten Hailmann aussgezogenen und verfertigt im Julio anno 1574, date de 1574 et comporte des additions postérieures à 1574 (manuscrits de la BNUS).Les archives des monastères vendus comme biens nationaux ont été saisies par les autorités révolutionnaires et versées aux chefs-lieux de districts, puis aux Archives départementales. Un certain nombre d’archives d’abbayes a été la proie des flammes lors de l’incendie de la bibliothèque de Strasbourg, le 24 aout 1870 : tel est le cas des cartulaires d’Ebersmunster et de Neubourg ; seules leurs chartes publiées par Schoepflin et Grandidier, nous sont parvenues (Bornert).Citons enfin les archives des Chapitres et, parmi eux, le plus prestigieux, celui de Saint-Thomas qui réunissait les hommes les plus savants de la ville. Charles Schmidt en fait l’étude en 1852 mais il faut attendre 1937 pour qu’Adam en publie un inventaire, reproduisant ce qui semble constituer le modèle du classement d’archives canoniales.Saint-Thomas a eu pour chanoine et archiviste un des plus célèbres chroniqueurs du Moyen Age, Jacques Twinger de Koenigshoven (1346-1420), qui a écrit, de 1380 à 1420, quatre versions d’une chronique qui sera un grand succès de la librairie manuscrite de la fin du Moyen Age, copiée et recopiée à des dizaines d’exemplaires et répandue dans toute l’Allemagne du Sud. Il recopie pour son histoire universelle et son histoire de l’Eglise des chroniques plus anciennes et répandues, dont celle de Mathieu le Polonais ; ses chapitres sur l’histoire de l’évêché de Strasbourg ou sur l’histoire de l’Alsace s’appuient sur des chroniques et des archives plus anciennes, dont celle de Fritsche Closener († 1373), vicaire du Grand Chœur de la cathédrale et traducteur des chroniques strasbourgeoises rédigées ou réunies par le maître de l’Oeuvre Notre-Dame, Ellenhard, en particulier celle qui a trait au Bellum Waltherianum. Mais Twinger a également accès aux archives de la Ville de Strasbourg (Carl von Hegel, Chroniken der Deutschen Städte, 1870-1871, version en ligne sur http://www.historische-kommission-muenchen-editionen.de).D’autres abbayes ou couvents ont produit des annales ou chroniques alsaciennes célèbres qui se fondent sur leurs bibliothèques et leurs archives. Parce que leurs textes embrassent les périodes du Xe au XIIIe siècle, et nous ont été transmis par des copies souvent fort récentes (XVe-XVIIIe s.), elles ont souvent soulevé des problèmes critiques importants. Ainsi des chroniques d’Ebersheim, d’Altorf, d’Eschau, de Marmoutier, de Wissembourg. Les Annales dites de Marbach (qui embrassent les années 631 à 1238) ne sont connues qu’à partir d’un texte publié à la fin du XVIe siècle. Un second texte de ces Annales a été redécouvert au début du XIXe s. sur un cartulaire du XVe siècle. Elles ont fait couler des flots d’encre : nombre de savants ont contesté qu’elles aient été produites par un moine de cette abbaye et ont tous proposé d’autres titres. Les Frères prêcheurs de Colmar ont écrit deux chroniques qui embrassent les années 1211 à 1305. Elles ne parviennent à la postérité que dans un texte publié à la fin du XVIe siècle. [La traduction allemande de la Chronique et des Annales de Colmar est publiée par Pertz dans l’édition populaire des Monumenta Germaniae Historica en 1867 et a été mise en ligne sur Internet.]

Bref, chaque abbaye, chaque couvent possède ses archives. Schoepflin a consulté celles de 21 abbayes pour établir les copies de ses chartes, publiées dans l’Alsatia Diplomatica (Jürgen Voss).

VOSS (Jürgen), Universität, Geschichtswissenschaft und Diplomatie im Zeitalter der Aufklärung, J-D Schoeplin, Mannheim, 1979, Annexes p. 352-359.

IGERSHEIM (François),L’Alsace des Historiens, Strasbourg, 2006. BORNERT (René), Les monastères d’Alsace, éd. Signe, 2009-2010.

L’évêque de Strasbourg

Les archives d’un évêché sont souvent conservées dans un local de l’église cathédrale, le plus souvent un caveau, quelquefois dans une tour. Elles font l’objet d’un classement dont l’ordonnancement ne nous est connu qu’à partir du XIVe siècle. C’est l’archiviste départemental de Basse-Alsace, Hans Kaiser, qui rélève le premier inventaire des archives épiscopales de Strasbourg dont nous ayons la trace, celui de Jean II de Lichtenberg (1354-1356). L’évêque réunit une partie des actes relatifs à son épiscopat dans un « tiroir – Ladula ». Il est répertorié E, ce qui implique qu’il y a des « tiroirs » antérieurs, de A jusqu’à E au moins. Les pièces de la Ladula E sont cotées en numérotation continue, ce qui n’est pas le cas de toutes les pièces datant de cet épiscopat.

A cette époque, les archives épiscopales sont déjà composées de deux fonds, l’un à Strasbourg, dans un caveau du « Bischoveshofe » – situé entre la cathédrale et l’Ill – et l’autre au château du Haut-Barr, où séjourne l’évêque. Vraisemblablement la ladula E ne comprend-t-elle que les actes conservés au Haut-Barr, et « ne conserve, relève l’inventaire, que les actes qui ne figurent pas dans les autres « Laden ». La ladula E reprend un plan de classement souvent rencontré dans les inventaires anciens : elle réunit les pièces de la gestion administrative par bailliages épiscopaux (Bernstein, Molsheim, Saverne, territoires transrhénans), mais comprend aussi des pièces relatives à l’exercice des fonctions épiscopales proprement dites. A la fin du XIVe siècle, on peut donc supposer qu’il y des archives de l’évêché de Strasbourg, classées en Laden, allant sans doute jusqu’à la lettre F [Hans Kaiser, Zur Geschichte des bischöflich-strassburgischen Archivs im 14ten Jhdrt., ZGO, 1905, p. 675-679]. Une soixantaine d’années plus tard, vers 1417, se constitue une « régence » (Regierung) de l’évêque de Strasbourg à Saverne. Ses archives, situées dans un caveau du château supérieur ou Oberhof, réunissent les actes relatifs à ses fonctions : c’est un tribunal d’appel (Hofgericht) des bailliages de l’évêché de Strasbourg. Elle administre les domaines épiscopaux, procède à la collecte des impôts et en contrôle les comptes.

Mais une partie importante des archives de l’évêché était restée à Strasbourg, où elles étaient conservées dans un caveau du Bruderhof. Elles comprennent « les titres historiques » et tout d’abord « le trésor des chartes ». En 1584, elles sont transférées à Saverne par l’évêque Jean de Manderscheid et regroupées dans le caveau inférieur du Vieux Château (undere Gewölb im Oberhof). Une partie des archives est conservée dans les greniers du château des Rohan, où elles brûlent lors de l’incendie de 1779, avec des pièces relatives à l’établissement du Rituale Argentinense. Incendie providentiel qui permit à Grandidier de produire l’un de ses faux les plus célèbres, les Annales Argentinenses Breves, recopiées selon lui sur un texte disparu dans l’incendie. Une partie des archives de Saverne regagne Strasbourg en 1682 : les archives du Grand Chapitre et, un peu plus tard, les archives de l’Officialité. Les archives de Saverne comprennent également celles d’abbayes disparues : celles d’Eschau, dissoute en 1525, de Hohenbourg et Niedermunster, supprimées au XVIe siècle.

En 1762, les archives épiscopales de l’Undere Gewölb sont rangées dans quatre grandes armoires. Chacune de ces armoires est, à son tour, divisée en groupes de tiroirs ou « Laden ». La première armoire réunissait les archives relatives aux bailliages (Dachstein, Schirmeck, Benfeld, La Wantzenau, Marckolsheim...), la seconde était l’armoire aux fiefs et regroupait tous les feudataires de l’évêque, soit pratiquement toute la noblesse alsacienne, ainsi que les affaires ecclésiastiques, soit les rapports de l’évêque et des communautés religieuses. La troisième armoire regroupait les affaires de juridiction de l’évêché, la correspondance avec Strasbourg et les « affaires historiques » : élections, capitulations, investitures des évêques, landgraviat, diètes de l’Empire, Etats de l’Alsace. Enfin, la quatrième armoire était l’armoire des chartes, avec « le trésor des chartes ». Cet ensemble avait fait l’objet d’un grand inventaire dressé entre 1750 et 1780, qui comprend 26 tomes in-folio. Spach l’avait attribué à Grandidier, mais Dagobert Fischer y voit la main d’Alexandre Dubois, prédécesseur d’Arth. Dans la voûte supérieure, des dossiers non répertoriés dans le grand inventaire : comptes, recettes... Ces archives ont à nouveau fait l’objet d’un inventaire par les commissaires chargés de leur saisie et de leur transfert à Strasbourg en 1792. Archiviste de l’évêché, Grandidier avait entrepris une histoire de l’Eglise de Strasbourg et de ses évêques princes. Il a compté nombre de prédécesseurs. Le premier est l’auteur de ce catalogue des premiers évêques de Strasbourg, attribué à l’évêque Erckenbald et publié par Wimpheling, puis par Schilter. Citons encore l’avocat à l’Officialité Mathias de Neuenbourg qui écrit l’histoire de l’évêque Berthold de Buchegg. Après Fritsche Closener et Twinger, le plus illustre des historiens de l’Eglise d’Alsace est Wimpheling, qui écrit un bref Catalogus episcoporum Argentinensium et traite abondamment de l’histoire de l’Alsace dans son Epitome rerum germanicarum (1505). Il a consulté les archives épiscopales, mais a surtout travaillé d’après les chroniques existantes. Au XVIe siècle, Vuillemain et au XVIIe siècle le jésuite Koch (Coccius) ont consulté les archives et en ont publié certaines de ces chartes (Guillimanus, de Episcopis Argentinensibus liber commentarius, Nuremberg, 1549 ;Coccius, Dagobertus rex argentinensis episcopatus fundator, Molsheim, 1623). Laguille publie des pièces justificatives copiées à Saverne (Histoire de la Province d’Alsace depuis Jules César jusqu’au mariage de Louis XV, Strasbourg, 1727). C’est aux archives épiscopales de Saverne que Schoepflin et Grandidier recopient une bonne partie des pièces qu’ils publient dans leurs ouvrages.

A partir de 1802, la tutelle du culte catholique est assurée par l’administration publique. Les archives des deux préfectures comprennent les actes de cette administration, portant sur les nominations des ministres du culte et sur l’administration des fabriques. La circulaire ministérielle de 1842 réunit ces archives sous la lettre V. Les inventaires définitifs des archives du culte n’ont été établis que dans la deuxième moitié du XXe siècle dans les deux départements. La correspondance des préfets avec le ministre de l’Intérieur relative aux affaires de culte est conservée dans la série V et aux Archives nationales (série F 7). L’évêché de Strasbourg a versé les archives des évêques successifs du diocèse jusqu’en 1940.

BURG (André Marcel), Les archives de l’ancien évêché de Strasbourg, Archivalische Zeitschrift, t. 63, 1967, p. 118-143.

 

L’évêque de Bâle

L’évêque de Bâle a quitté la ville passée à la Réforme en 1529. Il établit sa capitale à Porrentruy, dans la principauté de Bâle (voir Evêché de Bâle), et c’est là que sont entreposées également ses archives. Leur cadre de classement a été établi de 1744 à 1765 par l’archiviste Léonhard-Léopold Maldoner et reflète la nature des activités de l’évêque. Il subdivise les archives en deux grands groupes, A réunit les Spiritualia, soit l’activité ecclésiastique de l’évêque et B les Temporalia, soit l’activité de son administration civile. Les groupes sont à leur tour subdivisées par rubriques, classées par ordre alphabétique des matières : 115 pour la série A, de Abbatia principales (A 1) à Zwingensis Cappellania Aulica (A 115) et 178 pour la série B.

Archives de l’ancien evêché de Bâle, Etat des Fonds. Pdf : http://www.infoclio.ch/fr/ (Consulté le 27.12.2009).

 

Les archives des Eglises protestantes

La Réforme n’a pas modifié la structure paroissiale héritée du Moyen Age. Elle a cependant transféré l’autorité religieuse aux pouvoirs territoriaux (villes et seigneurs). A Strasbourg, le Magistrat confie les affaires internes de l’Eglise à la nouvelle autorité ecclésiastique issue du corps des pasteurs, le Convent ecclésiastique (Kirchenkonvent), supervisé à partir de 1683 par les Oberkirchenpfleger, organisme constitué de laïcs. Le Convent conservait ses archives propres, que l’on trouvera actuellement dans le fonds Archives de Saint-Thomas (AST) conservé aux Archives de la Ville de Strasbourg. Les archives des paroisses protestantes strasbourgeoises étaient conservées dans les presbytères. Il en va de même des archives écclésiastiques des bailliages ruraux de Strasbourg.

Dans le comté de Hanau-Lichtenberg, l’administration des affaires religieuses avait été confiée à un organisme dépendant du Conseil de régence, composé de pasteurs et de laïcs, le Consistorialrath. Les archives de ce Conseil sont donc gérées par le Registrator du Conseil, mais sans doute conservées au presbytère de la paroisse protestante de Bouxwiller. Les revenus des paroisses sont gérés par les receveurs ecclésiastiques du bailliage (Amtskirchenschaffner), chargés de l’administration des biens et revenus, fondations pieuses, chapellenies, autels, primissairies et couvents sécularisés et coiffant le receveur paroissial (Heiligenpfleger) élu. Les archives de cette recette bailliagière sont généralement restées dans la paroisse actuelle de leur ancien siège, à côté des archives paroissiales proprement dites (cas de Bouxwiller, Brumath, Ingwiller, par exemple). Le décret du 17 août 1790 sur les biens des institutions protestantes a permis aux paroisses de conserver leurs archives. Les Articles organiques de 1802 et leur révision de 1852 n’y ont point touché. A partir de la promulgation des articles organiques, les autorités écclésiastiques protestantes, chacune à son niveau – consistoire supérieur, consistoires, paroisses – génèrent leurs archives, qu’elles conservent dans leurs sièges. Les archives du Consistorialrath du Comté de Hanau-Lichtenberg, font partie des archives du Consistoire de Bouxwiller, déposées en 1963 par la paroisse protestante de Bouxwiller aux Archives départementales du Bas-Rhin. Les consistoires et le Directoire de l’Eglise de la Confession d’Augsbourg ont emboîté le pas. Les dépôts de chartes de Furdenheim en 1910 et des archives du Chapitre Saint-Thomas (répertoire publié en 1937) étaient en effet restés isolés jusqu’à ce qu’un accord, conclu en 1963 entre les services départementaux des archives et les directions des Eglises luthérienne et réformée d’Alsace et de Moselle, encourageât les paroisses à y déposer leurs archives antérieures à 1802.

Jusqu’au rattachement de la ville à la France (1635/1673), l’église luthérienne de Colmar avait été une église d’Etat. Elle se réorganise à partir du moment où l’introduction de l’alternative (1680) fait du Magistrat une institution confessionnellement mixte. Elle est dirigée par un Consistoire, composé des membres protestants du Magistrat, des quatre pasteurs de la ville, et de quatre laïcs élus par la paroisse : recrutement des pasteurs, gestion des écoles protestantes, nomination des juges du Tribunal matrimonial. Le service de l’assistance est confié aux Kirchenpfleger, mais la gestion des biens et le traitement des pasteurs sont assurés par la Ville. Les archives de l’église sont bien distinctes de celles de la ville. La Révolution impose la séparation de la ville et du Consistoire. Les Articles organiques des cultes protestants font du Consistoire de Colmar l’un des quatre consistoires de l’Inspection du Haut-Rhin. Les archives d’Ancien régime sont jointes à celles du consistoire du XIXe siècle et versées vers 1960 aux Archives départementales du Haut-Rhin, où elles ont fait l’objet d’un inventaire.

A Munster, le culte luthérien est administré par un Conseil comprenant le Stettmeister, le pasteur principal, et les préposés à la caisse des aumônes. Il a autorité sur les diacres des villages de la vallée, résidant à Muhlbach et à Gunsbach. Ses archives qui font désormais partie de celles du Consistoire créé en 1803 et semblent être conservées sur place aux Archives municipales de Munster.

Les annexes alsaciennes des seigneuries du duc de Wurtemberg (Riquewihr et Horbourg) sont administrées comme l’église de Montbéliard, par un surintendant qui a son siège à Riquewihr et est étroitement associé aux pasteurs des paroisses, sous l’autorité du Consistoire de Stuttgart. Les archives sont conservées pour partie aux AHR ou encore pour la période plus récente aux archives municipales de Riquewihr. Quant à Mulhouse, qui reste exclusivement réformée jusqu’en 1798, son Eglise est administrée par un corps composé de membres désignés par le Magistrat et de pasteurs. Elle constitue un Consistoire réformé à partir de 1803. Les archives consistoriales anciennes sont jointes aux archives modernes et conservées aux Archives municipales de Mulhouse. Quant aux archives anciennes de l’Eglise réformée de Sainte-Marie-aux-Mines, elles sont, pour la plupart, versées aux Archives départementales du Haut-Rhin, où elles ont fait l’objet d’un inventaire. L’interprétation actuelle de l’accord de 1963 a conduit la Direction générale des Archives de France à considérer les archives des consistoires et des paroisses d’Alsace, ainsi que celles du Directoire, comme des archives publiques et donc à transformer les dépôts en versements ordinaires. Il en va de même pour les archives de l’Evêché et des paroisses catholiques, en dépit des réticences encore rencontrées dans les quatre cultes reconnus.

La tutuelle des cultes protestants reconnus est assurée depuis 1803 par l’administration préfectorale, et, à partir de la circulaire de 1842, leurs archives relatives aux cultes prennent place dans la série V, dont les inventaires ont été effectués dans les dernières années du XXe siècle. Dans le département du Haut-Rhin, les archives de paroisses protestantes peuvent prendre place dans la série J. Ainsi 139 J Andolsheim (depuis le XVIIe s.) ; 101 J Colmar (depuis le XVIe s.) ; 216 J Jebsheim (depuis 1528) ; 138 J Kunheim (depuis 1666) ; 137 J Muntzenheim-Durrenentzen (depuis 1750) ; 201 J paroisse luthérienne de Sainte-Marie-aux-Mines ; 202 J paroisse réformée de Sainte-Marie-aux-Mines ; 130 J Sundhoffen (depuis 1563). La correspondance des préfets et des autorités ecclésiastiques avec le ministre de l’Intérieur et des Cultes est conservée dans la série V et aux Archives nationales (série F7).

STROHL (Henri). Le protestantisme en Alsace. Strasbourg 1950.

MARIOTTE Jean-Yves. Les sources manuscrites de l’histoire de Strasbourg. 1, des origines à 1790. Strasbourg, 2000. Communications de MM. Christian WOLFF, Christian WILSDORF et Jean-Luc EICHENLAUB.  

Les archives des paroisses

Hormis pour les registres paroissiaux, il n’existait pas de règlementation relative à la constitution ou à la conservation d’archives paroissiales, ce qui explique, en partie, leur pauvreté dans bien des paroisses, voire leur inexistence ; certaines ont disparu depuis leur création pour des raisons diverses : guerre, incendie, incurie.

Il n’existe pas de relevé exhaustif et fiable de celles qui sont encore - plus ou moins bien - conservées dans les paroisses ; d’autres ont été confiées à des archives municipales ou déposées aux Archives départementales, et dotées d’inventaires qui en permettent une consultation aisée.

Outre les registres paroissiaux, on trouve, dans les paroisses catholiques et protestantes, bien souvent souvent des comptes, parfois des rapports de visites pastorales, des documents d’époque révolutionnaire, plus rarement des chroniques (Barr, (prot.), 1718-1952 ; Eckbolsheim (prot.), 1609-1677) ou des annales (Fessenheim-le-Bas, 1720-1925) et de rares plans (Artzenheim, presbytère, 1752, 1787 ; Behlenheim, église (1789) ; Fouday, église protestante (XVIIIe s.) ou encore des devis, notamment d’orgues.

Du côté catholique, on peut trouver en outre des documents spécifiques variés, quelquefois très anciens : lettres d’indulgences (Bergbieten, 1319) ; bulles (incorporation de l’église de Blaesheim au Chapitre Saint-Léonard, 1419), fondations de chapellenies (Wissembourg, 1340), de confréries, d’anniversaires, de messes, de Salve (Wissembourg, 1441) ; documents relatifs aux biens de l’église, de la primissairie, des chapellenies, des confréries ; actes de donation, legs, comptes (Kirch-Buechlin de Boersch, 1464-1527) ; constitutions de rentes (Wahlenheim, 1601-1669) ; renouvellements de biens (Steinbourg, 1662 ; Elsenheim, 1750) ; terrier (Eschbach, 1687) ; colligendes (Horbourg, 1472-1491 ; 1520-1528) ; rotules (Sainte-Croix-en-Plaine, XVe s.) ; baux, inventaires, ventes, dîmes (Wissembourg, 1765-1793) ; registres de membres de confréries (Sewen, XIVe s.) ; rapports de visites canoniques (Waldolwisheim, 1582) ; documents divers (Flexbourg : règlement forestier de la Struth, 1629), procédures (Ottrott, 1736-1760), testaments ; obituaires (Widensolen, 1418 ; Rodern, XVe s. ; Sewen, 1494 ; Turckheim, XIVe s.) ; enfin nominations à divers bénéfices : présentations (Réguisheim, 1619) ; investitures (Neuwiller-les-Saverne, 1567-1764). Les archives de l’église Sainte-Aurélie de Strasbourg sont exceptionnellement riches en documents antérieurs à la Réforme.

Mais le fonds principal des archives paroissiales sont les registres paroissiaux : on y trouve les actes de baptême, de mariage et de sépulture, et souvent d’autres renseignements : conversions, confirmations, chronique locale et paroissiale, comptes de fabrique, anniversaires, dons et legs, inventaires de mobilier, et même parfois des actes notariés toutes choses qui disparaissent ensuite dans l’état civil public.

On désigne sous registre paroissial les registres tenus par les ecclésiastiques desservants de paroisses et concernant la vie religieuse des fidèles: essentiellement baptêmes, mariagcs et sépultures. En ce qui concerne les registres paroissiaux, il y a lieu de distinguer en Alsace deux périodes :

  •  Avant 1685

Les ordonnances royales de 1539 (Villers-Cotterets), 1579 (Blois) et 1667 n’ayant aucun effet en Alsace, alors terre d’Empire, la tenue des registres était laissée dans notre province à l’initiative des juridictions seigneuriales et même à celle des desservants.

Du côté catholique, on connaît ainsi deux paroisses qui ont, motu proprio, ouvert des registres : Hombourg (1562), dans le diocèse de Bâle, et Saverne (1555), résidence de l’évêque de Strasbourg.

Le Concile de Trente exige en 1563 l’ouverture générale de tels registres. Cette règle ne fut pratiquement pas suivie d’effets sauf brièvement dans le diocèse de Strasbourg à Marmoutier (1571) et dans le diocèse de Bâle à Hirtzbach, Sondersdorf et Tagsdorf (1580). Au synode de Delémont, en 1581, il fut décidé d’appliquer la mesure édictée par le Concile, et, dès lors, un nombre croissant de paroisses tinrent des registres paroissiaux. Dans le diocèse de Strasbourg, on laissa, semble-t-il, aux curés l’initiative de se soumettre au vœu du Concile de Trente, en sorte que les registres paroissiaux antérieurs à 1600 y sont exceptionnels (Kertzfeld 1594, Dangolsheim 1594, Dambach 1596) et souvent ne débutent qu’au XVIIe siècle.

Les actes de décès ont été enregistrés très souvent à partir d’une date postérieure aux autres actes, car le concile de Trente a surtout insisté sur le baptême et le mariage qui ne devaient plus se célébrer sans la bénédiction du prêtre. Du côté protestant, la Réforme ayant, partout où elle fut introduite, sécularisé l’administration religieuse, la plupart des seigneurs et des magistrats urbains firent tenir par les pasteurs des registres paroissiaux dès le XVIe siècle. Les plus anciens conservés concernent Strasbourg (Saint-Pierre-le-Vieux, 1525) et Barr (1559) pour la Basse-Alsace, Mittelwihr (1559) pour la Haute-Alsace, ceci pour les luthériens. Illzach (1560) et Sainte-Marie-aux-Mines (1562) possèdent les premiers actes des réformés. Dans l’ensemble, les registres protestants sont plus anciens que les registres catholiques.

  •  Après 1685

Après le rattachement à la France, l’administration royale n’intervint que tardivement pour uniformiser la réglementation. En 1685, l’intendant d’Alsace publia une ordonnance règlant la tenue obligatoire des registres paroissiaux, mais en un seul exemplaire, contrairement au reste du royaume, et la signature obligatoire des parties intéressées.

Les protestants, échappant le plus souvent aux mesures consécutives à la révocation de l’Edit de Nantes, observent également cette ordonnance. On peut donc considérer 1685 comme la date de départ de la généralisation des registres paroissiaux en Alsace.

Au cours du XVIIIe siècle, des mesures furent prises concernant les registres catholiques par les autorités religieuses, conscientes de l’utilité de tenir des doubles. L’évêque de Strasbourg ordonna aux curés des paroisses en 1743 de rédiger les actes en double, et de les grouper par chapitres ruraux. Ces doubles étaient destinés aux archives de l’évêché. La collection s’arrête à la fin de 1787, date de l’abrogation de cette ordonnance.

L’évêque de Bâle promulgua une mesure analogue, généralisant dans son diocèse la pratique en usage au XVIIe siècle déjà dans certaines paroisses, de tenir les registres en double, ce qui fut fait de 1747 à 1787.

De son côté, le duc de Lorraine ordonna en 1764 aux curés de sa juridiction de tenir des doubles ; ceux d’Alsace que cette mesure concernait, à Liepvre, Sainte-Croix-aux-Mines et Sainte-Marie-aux-Mines, crurent bon de les tenir en triple, puisqu’au spirituel ils relevaient de l’évêque de Strasbourg et rédigeaient le double exemplaire depuis 1743, tandis qu’à Bouquenom (Sarre-Union), paroisse de l’évêché de Metz et terre du duché de Lorraine, le curé tint un double de 1765 à 1789.

Enfin, toujours pour uniformiser les usages, à la suite de la déclaration royale du 21 octobre 1787, les registres furent tenus en double dans toutes les paroisses d’Alsace, catholiques et protestantesLe registre original est dit en latin autographum, et son double apographum.

Les registres paroissiaux étaient légalisés et signés sous la monarchie par les baillis et leur valeur juridique et authentique a conduit l’Etat, sous la Révolution, à décréter leur versement obligatoire aux archives des communes, pour précéder l’état civil ouvert en 1793.

Les archives paroissiales ne contiennent donc plus, ou ne devraient plus contenir, de registres paroissiaux antérieurs à 1793, la Révolution ayant confié aux maires le service de l’état-civil à partir de janvier 1793. De fait, bien des paroisses, tant catholiques que protestantes, ne s’y résignèrent pas, surtout dans les bourgs et la campagne. Après la Terreur et surtout à partir du Concordat, les desservants de paroisse ont repris la tenue de registres de casuels (baptêmes, mariages, sépultures).

Les registres paroissiaux, sauf ceux des villes qui les détenaient depuis la Révolution, furent recherchés par les autorités allemandes après 1940 et rassemblés aux Archives départementales pour servir aux fonctionnaires chargés d’établir les Ahnenpass ou certificats d’aryanité sur cinq générations.

WOLFF (Christian), Guide des recherches généalogiques en Alsace, Strasbourg, 1975.

 

 

Les archives des communautés juives

Le contraste entre l’abondance des archives des autorités relatives aux communautés juives, surveillées et imposées, protégées contre impôt ou prélèvement exceptionnels, et persécutées et la rareté de leurs archives propres est un lieu commun de l’historiographie du judaïsme. Ce sont les archives des Empereurs, des seigneurs ecclésiastiques et laïcs et des villes, les récits des chroniqueurs, les découvertes plus récentes des archéologues, qui tiennent lieu d’archives des communautés juives. Mentgen (1995) en a encore fait la démonstration dans sa recherche fondée tout particulièrement sur les archives municipales des villes alsaciennes. Attestées vers le début du XIIe siècle en Alsace, les communautés juives sont établies dans les villes. Les chroniqueurs relatent les persécutions dont ils sont l’objet au moment de la grande peste, à Colmar, Sélestat, Obernai, Rosheim, Kaysersberg, Turckheim et Munster. A partir de 1399, la résidence à Strasbourg leur est interdite, et à partir de la deuxième moitié du XVe s. dans les villes libres d’Empire (Obernai, Colmar, Sélestat, Kaysersberg). De petites communautés sont tolérées dans les villages. A Haguenau, capitale de la préfecture des villes impériales (Reichslandvogtei), la communauté juive subit elle aussi le pogrom de 1349, mais les juifs, qui sont « servi camerae regis imperii » et donc spécialement protégés par l’Empereur sont autorisés à se réinstaller dès 1354. La préfecture étend théoriquement son autorité sur les villes libres impériales, mais celles-ci se sont fait dispenser par l’Empereur de l’obligation d’accueillir les juifs (privilèges de Judeis non tolerandis). Les ordonnances qui nous renseignent le mieux sur l’organisation des communautés juives datent cependant de la période où les Habsbourg ont engagé la préfecture aux comtes palatins. Ceux-ci édictent des « lettres de protection » tout au long du XVe siècle. Elles font état d’une organisation propre de la communauté, dirigée par un Judenmeister dès 1421. L’organisation évoquée, développée dans « la lettre de protection » de 1464, particulièrement complète, confirme que la communauté juive est organisée sous le direction d’un Judenmeister et de trois assesseurs élus par la communauté (parnassim). Ils exercent des pouvoirs juridictionnels sur la communauté, et disposent du droit de mise au ban. Implicitement ce pouvoir s’étend sur l’ensemble des juifs d’Alsace elsässischen glaubensgenossen. Les lettres de protection insistent sur la condition nécessaire à la reconnaissance par les autorités de la compétence de ces Judenmeister : être originaires de Haguenau ou des villes de la préfecture impériale. Jossel de Rosheim a été Judenmeister de la préfecture, mais son autorité a dépassé de loin les frontières des territoires immédiats de l’Empire. En Autriche antérieure, l’Empereur a donné également des lettres de protection. A la fin du Moyen Age, le nombre de juifs est fort réduit en Alsace, ne dépassant probablement pas le millier. La guerre de Trente ans va encore décimer la communauté, qui se reconstitue peu à peu au cours du XVIIe siècle. Elle se réorganise enfin, perfectionnant les institutions dont on avait déjà fait usage. Cette organisation distingue des préposés territoriaux, ou Landesvorsteher, des préposés territoriaux (Judenvorsteher), comme celui de la régence de Bouxwiller, du comté de Hanau-Lichtenberg, enfin les préposés généraux de la nation juive, qui sont nommés par l’Intendant et dont le ressort s’étend – théoriquement, car leur autorité est contestée – sur tout le territoire de la généralité. Ces « préposés » nommés par les seigneurs sont chargés de la collecte des impôts et de la représentation des communautés juives auprès des villages et villes de la seigneurie. Les rabbins jouent le rôle le plus important. Ces ministres du culte au nombre de cinq, – un par « région », Haute-Alsace (Ribeauvillé), Basse-Alsace (Haguenau), évêché de Strasbourg (Mutzig), terres de la noblesse immédiate de Basse-Alsace (Niedernai), et comté de Hanau-Lichtenberg (Bouxwiller) – sont élus par les hommes de la communauté et confirmés par le seigneur. Ils sont assistés de « substituts ». Ils assurent le service religieux, mais sont également juges des conflits entre juifs ainsi que notaires pour les actes de la vie de leurs communautés : mariages, testaments, divorces. Cependant, comme au Moyen Age, ce sont les actes consignés dans les chancelleries des seigneurs ou dans les études notariales du ressort qui permettent de reconstituer l’organisation et l’activité des communautés juives.

Les archives propres des communautés, préposés ou rabbins, qui ont certainement dû exister ne nous sont parvenues qu’en pièces isolées, dont les plus remarquables sont les Memorbücher, recueils qui rappellent le souvenir des martyrs et morts de la communauté. En 1792, il est mis fin à l’organisation particulière du culte israélite. Le décret du 17 mars 1808 fixe la nouvelle organisation du culte israélite. Les fonctions « civiles » des Vorsteher et rabbins (juges dans la communauté, notaires) sont remises aux juridictions de droit commun. Les consistoires israélites départementaux sont chargés de l’organisation, de la gestion, et de la tutelle des communautés juives du département. Les archives des consistoires se constituent à partir de 1812 (Procès-verbaux des séances, correspondance). Le consistoire du Bas-Rhin a mis en ligne l’inventaire de ses archives ; celui du consistoire départemental du Haut-Rhin peut être consulté aux Archives départementales du Haut-Rhin.

SCHEID (Elie), Juifs d’Alsace, Paris, 1887.

Revue des Etudes juives – GINSBURGER (Moïse), Les mémoriaux alsaciens, 1900. t. 40, p. 231-247 et 41. p. 118-243. WEIL (J). Contribution à l’histoire des communautés alsaciennes au XVIIIe s. t. 81. 1925. p. 69-180. WEILL (G.), Les juifs d’Alsace : cent ans d’historiographie, t. 139, 1980.

RAPHAËL (Freddy), WEYL (Raymond), Juifs en Alsace, Toulouse, 1977.

EA, 1985 – RAPHAËL (Freddy), WEYL (Raymond), Juifs d’Alsace, p. 4358-4584 ; Rabbinat d’Alsace, p. 6213-6221.

MENTGEN (Gerd), Studien zur Geschichte der Juden im mittelalterlichen Elsass, Hannover, 1995.

HAARSCHER (André-Marc), Les Juifs du comté de Hanau-Lichtenberg entre le XIVe siècle et la fin de l’Ancien régime, Strasbourg, 1997.

 

Les archives des souverains : princes et villes

A la fin du XVe siècle, se mettent en place de nouvelles archives impériales : l’une est celle de l’Empereur lui-même, confondue avec celle des Habsbourg, à Vienne, l’autre, celle des Tribunaux impériaux (Reichshofsgericht de Rottweil et Reichskammergericht de Spire puis Wetzlar) et la troisième, celle de l’archevêque de Mayence, chancelier de l’Empire, qui conserve tous les actes relatifs aux diètes d’Empire (Reichstagsakten). Les institutions impériales et celles des Habsbourg en Alsace se confondent volontiers et cela se réflète également dans leurs archives. Relèvent des Habsbourg, les archives de la régence (Regierung) d’Ensisheim. Apparemment, la préoccupation du classement y est plus tardive. Le classement des archives de la régence d’Ensisheim est dû au chancelier Theobald Hinderer. Elles sont placées dans un caveau (Gewölbe) de l’Hôtel de la Régence. Elles comprennent 81 Laden, numérotées à la suite. Mais on y retrouve les grandes catégories du cadre de classement des registratures de l’époque. Les numéros commencent par les Laden relatives aux gouvernements, aux alliances, puis les pièces relatives aux sessions du Landtag, du Landesgericht, puis des territoires relevant de la régence. [Régence d’Ensisheim. Inventaire I C 48 ; cadre de classement des archives de la régence d’Ensisheim dressé par Théobald Hinderer, en 1601.]

La Préfecture des villes impériales (Landvogtei) de Haguenau est une institution d’Empire, mais que les Habsbourg administrent pratiquement comme une de leurs régences, lorsqu’elle leur revient pleinement en 1558, à ceci près qu’elle comprend des sujets immédiats de l’Empire, les villes libres réunies dans l’alliance dite de la Décapole. La registrature de la Préfecture de Haguenau ne s’embarrasse pas plus de compliquer le classement de ses archives. D’après un répertoire datant du changement de souveraineté, et repertorié par Spach (Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790, Archives civiles, 1863), les archives de la Landvogtei sont classées par liasses ou groupes de liasses, numérotées de 1 à 143, dans lesquelles on peut cependant distinguer de 1 à 6 histoire de la Landvogtei jusqu’à son retour à la souveraineté des Habsbourg (1558) ; de 7 à 20 personnel de la Landvogtei, des grands baillis aux maîtres des eaux et forêt ; de 21 à 24 : édits impériaux, et correspondance avec les empereurs, compétences du grands baillis sur les dix villes impériales ; de 25 à 36 : affaires séculières et ecclésiastiques des villes impériales, soit Haguenau, Landau, Wissembourg, Colmar, Munster, Kaysersberg, Turckheim, Sélestat, Obernai, Rosheim, Mulhouse, Ammerschwihr ; de 37 à 58 : villages de la Landvogtei. Les Laden 59 à 79 regroupent les archives fiscales (taille, corvées, péages, Umgelt, droit de détraction), les dépenses et comptes et leur contrôles, mais aussi les dossiers relatifs aux bâtiments. Les Laden 80 à 84 regroupent les affaires de réglementation et de contentieux civil et criminel. Les Laden 85 à 96 regroupent tous les dossiers relatifs aux relations avec les princes immédiats voisins : comtes de Bitche, seigneurs d’Ochsenstein, de Hanau, de la Petite-Pierre, des Vosges, les Linange, les ducs de Lorraine, les Fleckenstein ; les Laden 100 à 109, les affaires relatives à l’exercice de la Landvogtei par les Electeurs palatins, la Lade 109, les affaires militaires, comprenant plusieurs liasses, y compris celles sur l’invasion des troupes françaises, les Lade 110 à 142, les affaires d’église : bénéfices, cures, abbayes, chapitres (Andlau, Alspach, Biblisheim, Ebersheim, Ettenheim, Hoerdt, Honcourt, Koenigsbruck, Longueville, Maulbrunn, Neuenbourg, Neustadt, Neuwiller, Seltz), et les relations avec les evêques de Strasbourg, Spire, Metz. le grand chapitre de Strasbourg.

SPACH (Louis), Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790, Archives civiles, Strasbourg, 1863.

JORDAN (Benoit), GLESSGEN-DUVIGNACQ (Marie-Ange), ROUX (Lucie), Répertoire numérique détaillé du fonds de la régence autrichienne d’Ensisheim : (sous-série 1 C) XIIIe s.-1638, Colmar : Archives départementales, 1995.

 

Les régences des princes

Les « principautés » de l’Alsace comportent elles aussi des régences dont les archives sont classées sur le même principe : les Hanau-Lichenberg (capitale Bouxwiller), les Ribeaupierre, puis les Deux-Ponts qui leur ont succédé en 1673. La disposition de la chancellerie et des archives des Ribeaupierre, à Ribeauvillé a fait l’objet de descriptions précises. La principauté des Ribeaupierre comptait plusieurs bailliages : Bergheim et Guémar, Heiteren, Jebsheim, Orbey, Ribeauvillé, Sainte-Marie-aux-Mines, Wihr-au-Val, Zellenberg. C’est, après les possessions habsbourgeoises, la seigneurie la plus importante de la Haute-Alsace. En 1543, le gouvernement (Regierung) est fixé à la chancellerie du château de ville de Ribeauvillé, qui dispose d’une tour des archives, avec un local voûté et sans fenêtres. Trois armoires occupent toute la surface des murs, comptant la première 113 casiers (Laden), la deuxième 109, la troisième 115. Elle est reliée à la chancellerie (Kanzlei) et à la Registratur und Rechnungskammer (Robert Faller, « Le château de Ribeauvillé », Bulletin de la Société d’Histoire et d’archéologie de Ribeauvillé 1937, B. Jordan, Les sires de Ribeaupierre, Strasbourg, 1991). Mais les Ribeaupierre, privilégiant volontiers leur château de Guémar, voire leur résidence de Strasbourg, une petite chancellerie et sa registrature les suit pour archiver les pièces de leur administration courante. En 1673, par extinction de la ligne masculine, la seigneurie de Ribeaupierre passe aux ducs de Birkenfeld, d’une branche cadette de la maison de Deux-Ponts, puis aux ducs de Deux-Ponts. Le duc Maximilien-Joseph est seigneur de la principauté en 1789. Cette année-là, son départ ayant été exigé par la municipalité de Ribeauvillé, qui demande le transfert à la ville de la plupart des droits exercés par le duc, le chancelier Radius procède à l’évacuation de la plupart des archives des Ribeaupierre à Strasbourg, puis à Mannheim, à Spire, enfin à Munich.

Indiquons enfin un fonds d’archives qui est classé à peu près sur les mêmes principes : celui du Directoire de la Noblesse de Basse-Alsace, à ceci près que « les possessions » de chacune des quelque 60 familles qui composent ce cercle équestre prennent la place des « bailliages » ou « villages » que l’on retrouve dans les registratures des régences des princes [Louis Spach, Inventaire sommaire des archives départementales. 1 Archives civiles : Sér. A à E.-suite, Strasbourg, 1867]. On relève dans les archives des princes et de la noblesse un principe de classement désormais généralisé. Mais l’on sait qu’il existe pour ces fonctions administratives un vivier de techniciens, formés dans les Facultés de Droit de Fribourg, Bâle, de Strasbourg ou d’Allemagne, et qui peuvent exercer leur carrière dans les chancelleries des princes ou des villes alsaciennes.

Les familles nobles ont elles aussi leurs archives, classées par des registrateurs. Nous disposons d’inventaires d’archives de plusieurs grandes familles à des époques diverses. Ainsi celles des Mullenheim (avec des inventaires de leurs archives en 1585, 1599, p. 68 (Metz Bernhard, Mariotte Jean-Yves, Fuchs François Joseph, Inventaire analytique des archives de la famille de Mullenheim, Strasbourg, 1988). Les archives des Zorn de Bulach étaient réunies dans un « Gewölbeou caveau » dans une tour du chateau d’Osthouse, situé au deuxième étage, ce qui les préservait de l’humidité. Les archives étaient classées par Ladenen cartons ou layettes posées sur des étagères. Le classement date de 1834, mais son ordre est celui que l’on suit désormais classiquement : I. Papiers de famille, contrats de mariage, testaments, successions ; II. Droits domaniaux ; III. Droits féodaux ; IV. Comptes (ABR série J).

En 1800, dans son Handbuch der Registratoren, l’archiviste allemand Zinkernagel codifie la pratique déjà commune. Il fait une distinction entre la registrature (archives administratives vivantes) et les archives (archives historiques), rappelle que les archives doivent être placées dans un endroit à l’abri du feu et de l’humidité, si possible dans une cave voutée (Gewölbe). Les archives sont divisées en armoires ou caisses (kisten) et laden – cassettes ou tiroirs, et la plus grande importance doit être donnée à l’analyse de l’acte qui déterminera sa place dans les archives. Il est vrai que désormais les registratures adoptent un plan de registrature qui devrait s’imposer aux archivistes en vertu du principe de provenance. Le cadre de classement des archives princières qu’il recommande s’articule comme suit : I. Affaires de la personne et de la famille du Prince ; II. Affaires de l’Etat ; III. Affaires de l’Empire ; IV. Affaires de l’Eglise et de la Religion ; V. Affaires extérieures.

Chaque titre se divise en affaires générales (generalia, réglementation générale) et en affaires spéciales (specialia ou application de la réglementation et cas particulier). La grande ordonnance prussienne de 1817 sur l’organisation des régences (Regierungen) et de leurs registratures suivra ces principes : ils seront appliqués aussi par les administrations alsaciennes de l’Empire allemand après 1870.

On notera ici encore la contribution des archivistes des princes à l’historiographie. Ainsi Bernhard Herzog, qui a été registrator des Deux-Ponts, puis des Hanau-Lichtenberg, rédige une Edelsasser Chronik publiée en 1592, et une Histoire de l’Alsace, en quatre volumes, mais qui restera manuscrite. Les archivistes des Ribeaupierre ne sont pas en reste : Jean-Jacob Luck, de Strasbourg (1575-1653) a rédigé des « Annales des Ribeaupierre »,qui ont péri dans les flammes le 24 août 1870. Casimir-Henri Radius rédige, pour sa part, un De origine, dignitate, juribus et prerogativis quibusdam illustrissimae Comitum Rappoltsteinensium Domus, publié à Strasbourg en 1745.

FEVRET DE FONTETTE, Bibliothèque historique de la France du P. Lelong, 1777.

ZINKERNAGEL (Karl Friedrich Bernhard), Handbuch für angehende Archivare und Registratoren, Nördlingen, 1800.

REUSS (Rodolphe), De scriptoribus Rerum Alsaticarum Historicis, Strasbourg, 1898.

FALLER, (Robert), « Le chateau de Ribeauvillé », Bulletin de la Société d’Histoire et d’archéologie de Ribeauvillé,1937, 33-63.

METZ (Bernhard), MARIOTTE (Jean-Yves), FUCHS (François Joseph), Inventaire analytique des archives de la famille de Mullenheim, Strasbourg, 1988.

JORDAN (Benoît), Les sires de Ribeaupierre, Strasbourg, 1999.

 

Les villes alsaciennes

Les villes ont commencé très tôt à conserver leurs archives. Si on se rattachait, en pays de droit romain, à la tradition romaine (IXe siècle), plus au nord et en Alsace, c’est le statut municipal qui provoque la création d’archives : les villes commencent par conserver les lettres d’affranchissement (Freiheitsbriefe). C’est le cas de Worms 1074, de Spire 1182, de Strasbourg 1205. [BRESLAU, (Harry) Handbuch der Urkundenlehre für Deutschland und Italien, 2 Bde, 1912-1915, 2e ed. Berlin, 1969].

Strasbourg

Strasbourg est une des plus grandes villes d’Allemagne du Sud-Est pendant toute la période jusqu’en 1681. Son fonds d’archives était considéré comme l’équivalent de celui de Cologne. L’histoire des archives de la ville de Strasbourg a été bien étudiée par J-Y. Mariotte.

Chartes, statuts municipaux, procès-verbaux des conseils, livres de bourgeoisie sont réunis dès la fin du XIIIe siècle, à l’Hotel de ville (Pfalz). Les secrétaires de la ville procèdent, dès le XIVe siècle, à la copie des correspondances reçues et envoyées qui prennent place dans des registres ou Briefbücher (ou encore cartulaires). Le premier en date est ouvert en 1370 et sera continué jusqu’à la fin du XVe siècle. Ces cartulaires restent en usage jusqu’au XVIIe siècle. L’on établit des procès-verbaux des séances des conseils, conservés depuis 1539.

En 1321, la tour dite Pfennigturm est aménagée pour recevoir l’administration financière de la ville : un caveau voûté (Gewölbe) y est aménagé pour recevoir les archives financières. En 1399, le Conseil décide l’aménagement d’un caveau ou salle voûtée dans l’Hôtel de Ville. Peu après 1460, l’on construit une Kanzlei ou chancellerie attenant à la Pfalz, qui comprend elle aussi, des caveaux voûtés et des archives. Chacun de ces services accumule ses archives en cassettes (Laden) répertoriées par lettres et chiffres, renfermées dans des armoires en bois, ou encore sur des rayonnages. Leur classement varie : certaines sont classées par matières, d’autres par années. En 1526, l’édification du nouvel Hôtel de Ville, place du Marché aux Herbes (pl. Gutemberg) entraîne le déménagement d’une partie des archives, provenant de la Pfalz à l’Hôtel de Ville, où Laurent Clussrath, désigné en 1594 registrator de la ville, doit les inventorier. A sa mort, trente ans plus tard, il n’y était pas encore parvenu. Son successeur, Johann-Ulrich Fried, se plaint de se trouver face à un « chaos ». Jacques Wencker (1688-1743) rédige un traité d’archivistique : « Apparatus et instructus archivorum ex usu nostri temporis, vulgo Von Registratur und Renovatur, 1713 ». Il insiste sur l’importance de l’archiviste, dénommé registrator qui est désormais un professionnel, mais son traité ne se préocuppe guère des aspects techniques de ce métier. [Jean-Yves Mariotte, Georges Foessel, Jean-Pierre Klein, Mille ans d’archives à Strasbourg, Strasbourg, 1988.]

Dans les faits, la répartition géographique des services de la Ville, commande les cadres de classement de ses archives, allant des plus secrètes aux plus accessibles. La teneur exacte des différents fonds est difficile à établir, car l’Inspection générale des Archives a imposé aux archivistes de la ville, l’adoption du cadre de classement de la circulaire impériale française de 1857 (F. Igersheim, Alsace des Historiens, 2006).

Le caveau intérieur des Treize (Inneres Dreizehner Gewölbe) comprend les plus secrètes : les actes constitutifs et la correspondance politique. Le fonds « an der Saül », près de la colonne, comprenait la correspondance avec les Empereurs. L’accès à ces archives était extrêmement limitée. Schilter y a eu accès pour faire les copies de ses « Statuts » et après lui, le prêteur royal Klinglin fait établir des copies d’actes pour le R.P. Laguille qui rédige son Histoire de la Province d’Alsace, mais tout recteur du collège royal qu’il ait été, il n’y a pas eu accès. L’on a supposé parfois que la version latine, la plus complète, de la chronique de Twinger avait également été conservée là, avec la version allemande qu’a publiée Schilter. La Série II, du caveau extérieur des Treize (Vorderes Dreizehner Gewölbe) comprend une suite des archives politiques, à partir du XVIe siècle. La série III ou Gewölbe unter der Pfalzcomprend une série de documents intéressant les corporations, des traités conclus par Strasbourg. La Série VI fonds de la Chancellerie (Verschlossenes Canzlei-Gewölbe) comprend, outre des chartes, les actes relatifs à l’administration des bailliages ruraux et seigneuries strasbourgeoises de Barr, Wasselonne, Dorlisheim, Illkirch et la Wantzenau. La Série VII comprend les archives de l’ancienne « Pfennigturmgewölbe ». Elle réunit les procès-verbaux du Conseil des « Dreier auf dem Pfennigturm » et du « Rentmeister », soit des « ministres des finances » et de la chambre des comptes strasbourgeoise. Mais elle réunit également les archives des « Bauherren » strasbourgeois, membres du Conseil des XV, associés aux « Trois du Pfennigturm » qui ont pour tâche, la surveillance et l’inspection des bâtiments publics, l’entretien de la voirie, l’inspection de la construction privée, les questions de cens et de communaux. Enfin, on y trouve également les procès-verbaux dressés à l’occasion des délibérations ou de l’activité des Allmendherren, inspecteurs des communaux et vérification du cens et des loyers dus par leurs utilisateurs. Sont également conservées les archives des préposés à la taille (Stallherren), des préposés aux couvents, soit les administrations des couvents sécularisés à la suite de la Réforme, de l’administration financière des bailliages ruraux, ainsi que les archives relatives à la monnaie en cours. Des fonds nouveaux voient le jour après la réunion en 1681 : le fonds des prêteurs royaux, ainsi que celui de la chancellerie, qui recouvrent principalement les rapports du magistrat avec les bailliages ruraux. [Jean-Yves Mariotte, Les sources manuscrites de l’histoire de Strasbourg. 1, des origines à 1790. Strasbourg, 2000].

Les archives des tribunaux de Strasbourg devaient se trouver à l’Hôtel de Ville : Ammeister (justice de paix), Sénat (causes de plus de 1000 florins, crimes, appel des tribunaux des bailliages ruraux), petit Sénat (causes allant de 150 à 1000 florins), Siebenzüchter (délits mineurs et petits conflits), Polizeigericht (police des moeurs), Ehegericht (adultères, annulations, divorces), Stadtgericht (causes en dessous de 50 florins), tribunaux épiscopaux (Burggrafengericht ou tribunal des métiers concurrent des tribunaux des 20 corporations) ; Schultheissengericht (causes de moins de 50 florins) supprimé au courant du XVIe siècle. Une partie d’entre elles est versée en mai 1791 au greffe du Tribunal du département, rue de la Nuée Bleue et périt dans l’incendie de 1870. L’autre partie, versée aux archives départementales – soit 9 tonnes d’archives – est pilonnée, volontairement ou par mégarde, par Louis Spach.

ECKEL (A.), VIDIER (A.), État général par fonds des Archives départementales, Département du Bas-Rhin, précédé d’une notice historique sur les Archives du Bas-Rhin, par A. VIDIER, inspecteur général, Strasbourg, 1925.

 

Colmar

Les autres villes d’Alsace sont moins importantes, et leurs archives ne sont pas aussi foisonnantes. A Colmar, les archives sont conservées dans un caveau (Gewölbe) du Koïfhus. Elles sont mises en sûreté à Sélestat en 1709, lors du passage du Rhin des Impériaux de Mercy, puis à leur retour prennent place au Wagkeller, où elles demeurent jusqu’à 1837. C’est un Stadtschreiber lettré, Conrad Wickram, qui est réputé avoir établi le premier répertoire d’archives en 1495. Il semble avoir été fort succint. Il faut attendre une décision du Conseil de ville de 1517, pour que le Stadtschreiber Ulrich Misierer établisse un répertoire digne de ce nom qui fait 96 pages. Aucun de ces répertoires n’a été conservé. Celui qu’établit le Stadtschreiber Heinrich Klein en 1662 est un registre de 626 pages pourvu d’un index des personnes et des matières. C’est au début du XVIIIe siècle que Mathias Hüffel s’attaque à un répertoire exhaustif des archives de la ville, qu’il met 14 ans à établir et achève en 1735, en ayant embrassé toutes les archives jusqu’à l’année 1731. Il comprend 1600 pages. De manière logique, Hüffel a distingué les archives municipales générales (Hauptarchiv) et celles des comptes municipaux (Rechnungsgewölbe), qui sont tout aussi politiques, mais engagent les finances de la ville (budgets et comptes). Les archives de Colmar sont classées en Scrinia (c’est à dire par bureaux qui ont produit ces actes) rangées par ordre alphabétique, allant de A (privilèges et libertés de la ville) B (actes des souverains et réponses de Colmar), C à H : actes relatifs aux fonds mobiliers et immobiliers de la ville (monnaie, hospices, Sainte-Croix, commerce, Hohlandsbourg,) J, relations de la ville avec les seigneurs voisins et les alliés (Lorraine, Margraves de Bade, décapole, Préfecture impériale), K, Histoire des juifs. Puis suivent tous les scrinia du caveau des « comptes » (Rechnungsgewölbe), qui recouvrent, classées par ordre alphabétique, la correspondance extérieure, la monnaie, les sessions des Etats de l’Empire, les sessions des Convents particuliers, les actes relatifs aux procès soutenus devant les tribunaux impériaux, les actes judiciaires relatifs aux procès survenus devant les cours ou conseils souverains d’Ensisheim, Brisach, Colmar, les guerres soutenues par Colmar, enfin les comptes des travaux, des institutions de la ville, et les pièces des procès.

Au milieu du XVIIIe siècle, le Scrinium C regroupant les archives de l’Hôpital de Colmar est détaché des archives de la ville. Les archives des corporations et autres associations colmariennes ne seront versées qu’en 1790-1791. Pour le reste, l’essentiel des archives se trouve encore classé comme Hüffel l’avait fait lorsqu’après Hugot, qui n’y toucha guère, Mossmann entreprit de les reclasser, en se refusant lui aussi d’appliquer le cadre de classement de la circulaire impériale de 1857 (Karl Engel, Repertorium des Stadtarchivs, Colmar, 1913).

 

Mulhouse

Mulhouse reste une ville fort moyenne jusqu’au début du XVIIIe siècle et l’importance de son fonds d’archives s’en ressent, d’autant plus qu’il a été diminué au cours des siècles. Lors de l’incendie de 1542, les archives de Mulhouse conservées dans un « caveau » (Gewölbe) échappent aux flammes, mais non pas les archives de la chancellerie, conservées à l’Hôtel de Ville, introduisant une lacune regrettable pour l’histoire de cette période de la ville. Lorsque la ville rebâtit son Hôtel de Ville, elle prend soin de mieux conserver ses archives. C’est également au secrétaire de la ville (Stadtschreiber) qu’est confiée la garde des archives. Leur classement est le fait du Stadtschreiber Reber au début du XVIIIe (AMM XV 24 Verzeichnis was in jeden Laden die im Gewölbe ist, sich fur Schriften befinden porte „Inventarium das durch ein späteren von Stadtschrieber J Hofer ersetz worden“). Il les réunit en 42 cassettes ou Laden. De 1 à 8, il place les affaires religieuses, les Freiheiten et les rapports avec les institutions impériales : diètes et Préfecture de Haguenau. De 9 à 11, les rapports avec la Confédération. De 12 à 19, les rapports avec la France, l’Autriche ainsi que les guerres. Puis viennent les Laden relatives aux propriétés de la ville, à ses villages (Illzach et Modenheim) de 21 à 24. S’ensuivent les Laden qui conservent les archives relatives aux impôts que prélève la ville (AMC XV 24). On note qu’il n’y a pas de Lade consacrées aux procès-vebaux des conseils, ni aux comptes, pas plus qu’aux procès jugés par les tribunaux de la ville : ils devaient relever d’une autre registrature. Cet inventaire sera ultérieurement repris et mis au net par Josué Hofer. Les Stadtschreiber ou « greffiers-syndics » de Mulhouse rédigent volontiers des « chroniques de leur ville » ; c’est le cas de Petri et de Furstenberger.

Source – Archives municipales de Mulhouse.

BOURGEOIS (David), « Aperçu sur l’histoire des Archives de Mulhouse », AHM, 19, 2008. p. 59-70.

 

Kaysersberg

Les petites villes ont également leurs archivistes. Scherlen relève à Kaysersberg un repertoire de 92 feuillets, portant sur les archives du XVIe siècle. Il s’agit d’une liste chronologique de pièces, sans classement analytique bien établi. Par contre, un second inventaire a été établi dans les années 1667/1668 (Auguste Scherlen, Inventar des alten Archivs der Stadt Kaysersberg, 1914).  

 

Munster

A Munster, on ne sait si les archives ont été d’abord conservées à l’abbaye, où se tenaient les séances de conseil. A la fin du XVe siècle pourtant, le « caveau ou Gewölbe » de la ville a trois clés, remises au Bürgermeister, représentant l’abbé, au Stettmeister, et au Bürgermeister sortant. Mais le lieu où elles étaient conservées était bien peu sûr, car en 1538, le Magistrat de Munster sollicite de la Préfecture de Haguenau une copie de ses « Freiheiten ou Libertés » car celle dont il disposait avait été la proie des flammes. En 1589, on apprend que les précautions sont désormais prises, car les archives en Laden ou cassettes sont conservées dans un caveau, qui conserve également la trésorerie de la ville. Font partie de ces archives, les « privilèges, libertés, et traités de la ville de Munster », mais aussi les cassettes relatives aux péages et douanes, aux églises, ainsi que les « coutumes ou la jurisprudence » de Munster, c’est-à-dire les jugements passés par les autorités municipales. Les archives relatives aux affaires ecclésiastiques sont fort négligées après le passage de Munster à la Réforme. La ville conteste désormais à l’abbé le droit d’avoir une clé pour le caveau des archives et la lui retire à la fin du XVIe siècle. On se plaint du manque de soin que le Stadtschreiber de Munster Johann Meyss, qui n’a pourtant qu’une armoire de dix cassettes à gérer, accorde aux archives, et en particulier de ne faire aucun inventaire des archives qui lui sont confiées. Elles sont alors conservées au magasin à sel (Salzhaus). En 1635, le Magistrat décide de faire mettre à l’abri à Colmar les archives les plus précieuses. Pourtant, lorsqu’en 1652 la ville est à nouveau prise par les troupes lorraines, les archives sont derechef pillées, ce qui justifie le refus de la ville de donner à l’abbé la clé du caveau qu’il réclame en 1662. Comme dans de nombreuses villes, il est spécifié par règlement du Magistrat, que chaque archiviste ou registrator est censé faire un inventaire. Mais pour Munster, on ne dispose que d’un inventaire assez succinct établi en 1700 par le Stadtschreiber. En 1776, le juriste strasbourgeois Pastorius fait acte de candidature et s’engage à opérer « le renouvellement général des archives de la Ville et de la Vallée de Munster » ; sa mort prématurée prive la ville de son répertoire. En 1782, le secrétaire Meyer semble s’être attaqué à la tâche de classer des archives désormais entreposées à l’Hôtel de Ville. Il fallut pourtant attendre 1856 et la venue de l’ancien archiviste départemental du Haut-Rhin, Sommer, alors à la retraite, pour voir les archives de Munster faire l’objet d’un inventaire, dont on eut beaucoup à se plaindre. (Auguste Scherlen, Summarisches Inventar des Alten Archivs von Stadt und Tal Munster, 1935).

 

Guebwiller

A Guebwiller également, un caveau (Gewölbe) est aménagé à l’Hôtel de Ville où se trouvent les archives. Là aussi le Stadtschreiber, le prévot de l’abbé de Murbach et un délégué de l’administration municipale avaient chacun une clé de ces archives. Les archives semblent classées, puisque le maire dresse un inventaire de « la petite armoire » en 1790 et un inventaire de 1808, dressé par le maire et deux conseillers municipaux sur injonction du préfet Desportes tient dans un registre de 36 feuillets. A ce moment-là, comme dans les autres petites villes, il y a déjà une séparation entre les Archives « Gewölbe » et le secrétariat « Kanzlei ». Une grande importance est donnée aux Gerichtsbücher : recueils des sentences rendues par la justice de la ville.

GINSBURGER (Moïse), Inventaire sommaire des Archives municipales de la ville de Guebwiller antérieures à 1790, Guebwiller, 1928.

 

Les archives notariales et les traces des transactions

Au Moyen Age, le recours à l’acte notarié est peu fréquent en Alsace, située dans une aire de droit coutumier. Cependant la croissance des villes intensifie le besoin du recours aux actes écrits, censés donner authenticité et force exécutoire aux transactions. Pour ce faire, ils doivent être souscrits par de nombreux témoins. Cette formalité paraît bientôt insuffisante et l’on a alors recours aux juridictions ecclésiastiques. Les officialités épiscopales et des archidiacres de Strasbourg comptent des notaires parmi leur personnel. Leurs fonctions se voient progressivement cantonnées dans les seules transactions impliquant un clerc, dans lesquelles ils sont d’ailleurs concurrencés par les notaires apostoliques nommés par le pape ou par les évêques (par exemple à Strasbourg, à Ensisheim). Ces derniers se voient interdire toute activité avec des clients non ecclésiastiques, par arrêt du Conseil d’Etat de 1685.

Des notaires laïcs, les notaires impériaux, font leur apparition dès 1221 à Strasbourg et déploient une certaine activité. Ils sont nommés par des « comtes palatins » titulaires d’une charge vénale et héréditaire, mais lucrative, revêtue souvent par de bons bourgeois, qui exercent leurs fonctions jusqu’en 1704, date à laquelle un arrêt du Conseil d’Etat supprime leurs fonctions : mais 35 « notaires impériaux » avaient exercé leurs fonctions à Strasbourg depuis 1681. Par contre, des « notaires impériaux » continuent d’exercer sur la rive droite du Rhin, en particulier à Kehl, et traitent d’affaires de Strasbourgeois avec la rive droite. Les magistrats des villes se préoccupent fort tôt de créer des charges notariales. A Strasbourg, l’on crée au courant du XIVe siècle, les fonctions de Contract-Herren, préposés aux contrats. A partir de 1587, deux notaires-jurés (notarii jurati, geschworene contractum notarii) sont réunis dans la Contract-Stube (AMS KS), mais leur activité se limite aux contrats (ventes, baux, obligations) à l’exclusion des inventaires et testaments, confiés aux notaires-greffiers ou Inventier-Schreiber. Ces derniers disposent de ce monopole jusqu’en 1715, date à laquelle, les notaires-jurés de la Contract-Stube parviennent à cumuler les deux charges.

Dans les autres villes d’Alsace, la Stadtkanzlei ou le Stadtschreiber exercent des fonctions de notaire, sans qu’il y ait de restrictions sur le type d’actes. Enfin, les greffiers des corporations peuvent également cumuler ces charges avec celles de notaire public. Les seigneuries disposent de greffiers bailliagers ou tabellions seigneuriaux (Amtschreiber), mais dont les fonctions se bornent au territoire de la seule seigneurie. Enfin, le Directoire de la Noblesse immédiate de Basse-Alsace obtient en 1715 le privilège de désigner les notaires habilités à dresser les inventaires après décès des nobles immatriculés. Dès 1661, la monarchie française crée quatre charges de notaires royaux, chargés d’instrumenter en langue française, dans tout le ressort du Conseil souverain. Elles sont fixées à Colmar à partir de 1715 (Haxo-Klein, Drouineau, Mangenot, Albert, puis successeurs). Deux charges s’implantent en outre à Strasbourg, l’étude Bidier-Dutil, détenue en dernier lieu par la dynastie des Humbourg, puis par Lacombe et l’étude Laquiante. Ces notaires peuvent également reprendre la charge de notaire apostolique, comme c’est le cas du notaire royal Humbourg. Enfin, un édit royal de 1692 avait créé des notaires royaux, dans chacune des autres villes, bailliages, et communautés de la province. Devant les protestations, le Conseil d’Etat rapporte cet édit et reconnait les droits acquis des « greffiers et tabellions » nommés par les seigneurs, villes et communautés, tout en confirmant les fonctions des notaires royaux des bailliages déjà nommés (en particulier Haguenau, Landser, Bouxwiller, Oberbronn). Une série d’arrêts du Conseil souverain répartit les compétences des deux catégories de notaires, Stadtschreiber ou notaires, alors qu’une tendance au cumul des charges s’observe. A Strasbourg, l’Almanach d’Alsace recense 34 notaires (Mariotte). Pourtant, l’enquête à laquelle procède le procureur général syndic du département du Haut-Rhin en exécution de la loi de 1791 sur les charges notariales, permet d’établir que 71 personnes seulement exerçaient les 110 divers offices de notaires et tabellions recensés dans le Haut-Rhin (Odile Wilsdorf). La loi du 29 septembre-6 octobre 1791 supprime la vénalité et l’hérédité de tous les offices de notaires existants. Ils devaient devenir officiers publics. Leur nombre et leur implantation (la carte notariale) devaient être établis par le pouvoir central sur proposition des autorités départementales. Le département du Haut-Rhin ne tarde pas à faire ses propositions. Mais il fallut attendre le Consulat et la loi du 16 mars 1803 pour voir la fonction rationalisée et un carte notariale fixée. La loi distingue les notaires de Cour d’appel (ceux de Colmar autorisés à exercer dans tout le ressort de la Cour), d’arrondissement (ceux des arrondissements du Bas-Rhin, d’Altkirch et de Belfort) et de cantons, et en organise l’implantation : au minimum 2 par canton, au maximum 4. Tout comme selon la loi de 1791, la vénalité de la charge était abolie, tout nouveau notaire était obligé d’acheter de son prédécesseur la clientèle et les minutes. C’est ce qui explique que les archives notariales d’Ancien régime se sont si souvent trouvées dans les études notariales créées (ou confirmées) en 1803. Enfin la nouvelle organisation judiciaire introduite par l’Empire allemand à partir de 1871 réforme à nouveau le recrutement, la nomination et l’exercice de la fonction notariale. La loi de 1873 oblige les études à verser leurs archives aux Archives départementales. L’on peut retrouver un nombre non négligeable d’archives notariales dans les fonds d’archives municipales (Stadtkanzlei ou Stadtschreiber) (Lobstein, Mariotte, Grodecki), parce que provenant des archives de la Contractstube (Grodecki), mais ce n’est pas le cas à Colmar, où une bonne partie d’entre elles font partie des archives des études notariales actives jusqu’en 1870. Lobstein en avait déjà repéré un bon nombre dans son manuel de 1844, qui reprend la numérotation des études de villes en chiffres romains et des études cantonales par résidence. Les inventaires contemporains permettent de distinguer ces archives. Ainsi, l’on retrouvera des archives de notaires apostoliques dans les archives versées par l’étude Metz de Strasbourg en 1874. Les premières remontent à la fin du XVe siècle et ne comprennent qu’un registre et un répertoire. Les autres concernent les charges de deux chanoines de Saint-Pierre le vieux, Mathieu et Streitt, notaires apostoliques de la ville et du diocèse de Strasbourg de la fin du XVIIe s. et début du XVIIIe siècle. Les archives comprennent des actes de procès-verbaux d’élections dans les chapitres et abbayes, de prises de possession et échanges de bénéfices. Leur ressort s’étend sur tout le diocèse. Elles faisaient partie des fonds de l’étude des notaires royaux et apostoliques Humbourg, repris également par l’étude de Me Metz. Les archives d’un notaire impérial résidant à Kehl, Wernlin (1773-1778), qui comptait dans sa clientèle des Strasbourgeois (nobles, négociants, artisans) ayant des terres et des affaires sur la rive droite ont rejoint les fonds d’un notaire strasbourgeois du XIXe siècle (Lauterbach) et ont été versées en 1874. Par contre, les archives des notaires publics strasbourgeois de l’Ancien régime, qui peuvent cumuler leurs charges avec celles de greffiers aux inventaires et de greffiers des corporations, se répartissent entre les 12 études qui ont versé leurs archives en 1873.

Les archives anciennes du notariat sont souvent constituées de registres, par types d’actes (contrats de mariage, testaments, compte de tutelle, procurations, inventaires et partages) ; les actes sont classés par ordre chronologique et par localités. Mais on y retrouve surtout des liasses où les minutes sont empilées en vrac, se suivant par ordre chronologique. A partir de 1661, les notaires royaux sont tenus d’établir des actes en français, mais l’allemand reste la langue usuelle des autres notaires. L’emploi exclusif du français s’applique à partir de la loi de 1803. Par contre à partir de 1790, les notaires doivent utiliser un papier timbré sur lequel est prélevé un droit d’enregistrement. Les minutes sont alors classées par ordre chronologique. La loi du 22 frimaire an VII (12 décembre 1799) complète le dispositif. Un répertoire des actes est dressé : il doit être contrôlé et visé tous les trois mois par les préposés de l’administration fiscale. Ces dispositions restent en vigueur tout au long du XIXe siècle (Odile Wilsdorf).

LOBSTEIN (Jean-François), Manuel du notariat en Alsace ou notices sur la composition de toutes les études de cette ancienne province, Strasbourg, 1844.

LOTZ (François), Le notariat alsacien de 1800 à nos jours, Kaysersberg, 1989.

GRODECKI (Catherine), Répertoire numérique des Archives notariales de Basse-Alsace, Strasbourg, 1992.

WILSDORF (Odile), Série 6 E. Féodalité, familles, notaires, villes et communautés d’habitants, Colmar, 1998. PDF en ligne http://www.archives.cg68.fr (Dernière consultation 27.12.2009). MARIOTTE (Jean-Yves), Les sources manuscrites de l’histoire de Strasbourg. I. Des origines à 1790, Strasbourg, 2000.  

 

L’époque moderne : Les archives et l’historiographie

Archivistes et historiens

L’historiographie, à toute époque, a besoin de sources. Elle peut s’appuyer sur des ouvrages antérieurs, comme les chroniques ou les annales dont nous avons donné quelques exemples. Mais elle se fonde de plus en plus sur des sources d’archives.

Les humanistes avaient ouvert la voie, mais ce sont les Bénédictins (Mabillon et les Mauristes) et les Jésuites (Bollandistes et Jésuites du Collège de Clermont) qui fondent les règles de la critique des sources, de l’établissement de textes corrects, et de la rédaction de récits fondés. Le professeur strasbourgeois Obrecht proclame dans son Prodrome de l’histoire de l’Alsace (1680) sa volonté de recourir à l’ensemble des sources d’archives pour écrire une histoire de l’Alsace. Mais, à ce moment-là, il faut être dans la place, archiviste ou personnalité autorisée, pour pouvoir les consulter. C’est le cas de Schilter, jurisconsulte du magistrat de Strasbourg qui a accès aux archives et publie les Statuts de la ville de Strasbourg, ainsi qu’une des principales éditions de la chronique de Koenigshoven. Laguille doit recourir au prêteur royal Klinglin pour obtenir des copies des archives de la ville situées dans les caveaux les plus secrets. Schoepflin est historiographe du roi, tout comme Grandidier, ce qui lui ouvre les portes de nombre d’archives, qui restent fermées aux moins bien recommandés. Ils procèdent aux premières grandes publications de sources. Elles prennent place dans tout un ensemble de publications de sources entreprises à l’époque (Gallia christiana, Recueils des Historiens de la France), publications d’histoires des provinces françaises qui ont leur répondant sur la rive droite du Rhin (Germania Christiana, et publications des Académies allemandes).

L’organisation nationale de la recherche

Du côté français, l’avocat Moreau obtient en 1762, du Contrôle général des Finances, la création d’un véritable service rassemblant non seulement les recueils des lois et des jurisconsultes, mais des archives, servant à éclairer les législateurs selon la formule du contrôleur général Bertin : « le droit éclairé par l’histoire ». Moreau double cette création d’un comité des chartes, destiné à relancer l’historiographie dans les provinces. Il lance en 1765 une enquête qui doit passer par les Intendants sur tous les dépôts de chartes dans le royaume et leur contenu : les réponses serviront encore après la Révolution. Grandidier, correspondant du comité de Moreau, entreprend « L’histoire de la province d’Alsace ».  

 

La Révolution et les Archives

 

La formation des Archives départementales

Avec les émeutes de juillet 1789 dans les villes et les seigneuries et le pillage de leurs archives, les « archives précédemment secrètes », tombent dans le domaine public.

Les 26 février – 4 mars 1790 sont formés les départements du Bas et du Haut-Rhin. Des instructions prévoient le partage des archives de l’Intendance, conservées à l’Hôtel de l’Intendance à Strasbourg, dans deux bureaux donnant sur la rue Brûlée. Il a lieu en mai et juin 1791, après quoi le garde des archives Papelier donne sa démission. Les archives, bibliothèques et œuvres d’art des établissements religieux devenues biens nationaux, sont saisis et transférés dans les chefs-lieux de district. Pendant une brève période, on prévoit leur « triage » et le pilonnage des « reliques de la tyrannie et de la superstition », qui n’est que très partiellement appliquée : le pillage des archives se porte plutôt sur les titres de rentes réelles, et non féodales, qui sont encore exigibles. La loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) décide le transfert au chef-lieu du département des archives réunies dans les districts.

 

Les archives du Bas-Rhin

A Strasbourg, les archives regroupent l’immense masse des archives épiscopales, abbatiales et des communautés ecclésiastiques dissoutes, celles des principautés et seigneuries des nobles émigrés avec les archives de l’ancienne Intendance et de la Commission intermédiaire. Dès 1805, elles occupent le grenier d’Abondance, à côté de la préfecture. C’est à cette date que le préfet Shée fournit le premier tableau sur l’état des archives départementales pour faire suite à une enquête de Montalivet, ministre de l’Intérieur (bureau des Statistiques). Il donne aussi une première cartographie des grands dépôts d’archives du département : ceux des principales villes ou chefs-lieux d’arrondissement : Wissembourg, Haguenau, Saverne, Molsheim, Barr-Sélestat (A. ECKEL et A. VIDIER, Etat général par fonds des Archives départementales, Département du Bas-Rhin, précédé d’une notice historique sur les Archives du Bas-Rhin, par A. VIDIER, inspecteur général, Strasbourg, 1925). C’est un autre service du ministère de l’Intérieur qui relance une enquête en 1812 (ABR 7 N 1). Les réponses ne varient pas et le rapport préfectoral reprend l’antienne qu’on entendra jusqu’en 1839 : la demande d’un personnel compétent. De 1800 jusqu’à 1817, la garde des archives est confiée aux secrétaires généraux, puis, de 1817 à 1820, au doyen des conseillers de préfecture faisant fonction de secrétaire général, enfin, en 1820, elle revient au secrétaire général. C’est ainsi que nous devons un grand rapport du 10 juillet 1817 au doyen des conseillers, Engelmann : il réclame un personnel pourvu de « connaissances historiques ainsi que l’usage des langues latine, française et allemande, des notions diplomatiques et des études de jurisprudence ». Le ministre répond par la négative sur le financement par des crédits ministériels et estime ne pas pouvoir autoriser le fonds de 4500 F voté par le Conseil parce que trop élevé [ABR 7 N].  

 

Les archives du Haut-Rhin

Les archives départementales du Haut-Rhin mettent un certain temps avant de se constituer et de trouver un local central. Elles récupèrent d’abord leur part des archives de l’Intendance portant sur le Haut-Rhin, qui sont entreposées dans l’Hôtel de Pairis, occupé dès 1790 par l’administration départementale, et réparties entre les districts de Colmar, Altkirch et Belfort, où affluent aussi les archives des communautés religieuses dissoutes à la suite de la nationalisation des biens du clergé et celles des émigrés.

Lorsqu’est décidée la concentration de toutes les archives aux chefs-lieux de département, les archives du Haut-Rhin sont versées à l’École centrale où elles rejoignent les bibliothèques saisies. Sont alors nommés archiviste départemental Dupont, commis à l’administration départementale, et archiviste-adjoint Marquaire, déjà bibliothécaire et conservateur du musée. En 1802, les Archives départementales sont transférées en partie dans le grenier d’abondance de l’ancien Arsenal ou Zeughaus, bâtiment voisin de la nouvelle préfecture sise à l’Hôtel de Pairis. En 1803, un tableau sommaire est dressé par Dupont, qui témoigne surtout du « chaos » des fonds, dont certains sont encore en vrac. D’ailleurs, à partir de 1809, il n’y a plus d’archiviste départemental et la fonction est réunie à celle de chef du bureau des Domaines et des Archives (alors Kohler), qui a un adjoint plus spécialement chargé des archives : Ertel (1809-1815), puis Jacques Dietrich (1815-1824). Les préoccupations fiscales sont fort longtemps la préoccupation principale de l’administration, concurrencée par les trafiquants de rentes.

 

Et le public ?

Dans le Bas-Rhin, comme dans le Haut-Rhin, on ne nommera d’archivistes qualifiés qu’à compter du milieu du XIXe siècle. Entre-temps cependant, on aura procédé à la publication de dizaines de collections de « Sources de l’histoire », de « Monuments », de « Monuments inédits », de « Fontes » et de « Monumenta », de « Codes » ou de «Cartulaires » puisque c’est désormais comme cela qu’on appelle des collections de chartes, rassemblées autour d’un thème. Et on ne publiera pas de collection des historiens de l’Alsace (Scriptores Rerum Alsaticarum), pourtant préparée dès le XVIIIe siècle par Schoepflin, qu’après 1850 : ce sont les éditeurs allemands qui s’en chargeront dans les Fontes de Böhmer et dans les Monumenta de Pertz et Jaffé. Quant à l’ouverture des archives au public, elle ne s’organise qu’à partir des années 1840 et 1850, mais pour un nombre fort réduit de places, bientôt insuffisantes.

IGERSHEIM (François), L’Alsace des Historiens, Strasbourg, 2006.

 

François Igersheim, René Bornert, Christian Wolff, Louis Schlaefli