Anabaptistes

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Adeptes d’un mouvement religieux protestant qui s’implante en Alsace, comme dans l’ensemble de la vallée rhénane (Hollande, Suisse, Palatinat, Wurtemberg), au XVIe siècle. Après 1525, Strasbourg devient l’un des principaux foyers de l’anabaptisme, qui touche 2% de la population. Après 1539, ils se dispersent dans les campagnes et la clandestinité et leur nombre recule peu à peu. Le mouvement connaît un nouvel essor avec l’expulsion des anabaptistes de Berne, en 1671, après une persécution religieuse méthodique. Ils s’installent en grand nombre dans une Alsace dépeuplée, pourvoyeuse de terres et d’occasions d’embauche. Ne bénéficiant pas de la tolérance que confèrent les traités de Westphalie (1648) aux protestants, ils continuent à être persécutés par le pouvoir. En effet, la politique d’accueil dont ils sont les bénéficiaires aurait dû théoriquement prendre fin en 1712, date à laquelle le roi réclame leur expulsion de France, mais les interdictions royales successives (1717, 1727, 1767) ne sont guère respectées, certains seigneurs, comme les Wurtemberg et les Ribeaupierre, continuant à manifester à leur égard une indulgence complaisante, parce que conscients de leur utilité économique, en ajournant les décrets d’application des édits royaux. L’ordonnance de Choiseul, en date du 14 mai 1762, se contente de leur imposer l’enregistrement des actes d’état-civil par les curés les plus proches de leur domicile. Les rendent suspects, l’originalité de leurs pratiques religieuses (baptême à l’âge adulte, inhumation à proximité de leurs fermes, non sanctification du dimanche), leurs particularités vestimentaires, leur indépendance à l’égard du pouvoir politique (réticences à payer les impôts, à porter les armes, à prêter serment), leurs théories politiques et sociales révolutionnaires, manifestes dans la révolte, entre 1521 et 1525, de Thomas Münzer contre Luther, qui les rejettent dans l’opposition à un luthéranisme officiel inféodé aux princes et font d’eux les révolutionnaires de la Réforme.

Les anabaptistes établis en Alsace au XVIIe siècle se rallièrent à la tendance modérée et majoritaire du théologien hollandais Menno Simonsz († vers 1561), d’où leur nom de « Mennonites », mais l’un des leurs, Jacob Ammann, réfugié suisse à Ohnenheim, puis ancien de la communauté mennonite de Sainte-Marie-aux-Mines de 1693 à 1720, crée une mouvance dissidente de stricte observance, qui, minoritaire, amena ses adeptes à émigrer dans les provinces unies d’Amérique, notamment en Pennsylvanie, où ils subsistent et maintiennent leur style de vie sous la dénomination d’« amish ».

Sur le plan socio-économique, les anabaptistes se distinguent à la fois par leur organisation sociale communautaire et leur farouche individualisme qui trouvent l’occasion de s’épanouir en marge des communautés rurales instituées. Car leur installation dans des fermes isolées à l’écart des villages, avec une prédilection pour les sites de moyenne montagne (les Berghöfe du Haut Sundgau comme le Birkenhof et le Schweighof, les métairies de la Hardt tel le Rheinfelderhof, les « vacheries », « bergeries » ou « laiteries » qui s’égrènent en bordure du massif vosgien, de la principauté de Salm à la région de Wissembourg, comme le Dieffenbacherhof près de Riedseltz, ou le Haftelhof près d’Altenstadt) leur vaut de pouvoir se soustraire aux contraintes communautaires (assolement obligatoire et vaine pâture réglée) et de s’exposer à d’incessants conflits avec les villageois du cru. Une telle implantation s’explique avant tout par l’expérience pastorale que leur confère leur origine suisse et qui en fait les spécialistes incontestés de l’économie herbagère et, grâce à une gestion rationnelle de fermes modèles à la suite d’importants travaux de défrichement, de drainage ou d’irrigation, les pionniers des progrès agricoles du XVIIIe siècle. Vers 1789, ils sont environ 4500 en Alsace.

Bibliographie

MARTHELOT (Pierre), « Les Mennonites dans l’Est de la France », Revue de géographie alpine, 1950, p. 475- 491.

BOIGEOL (Roger), « Un mouvement pacifique dans la région de Belfort : les anabaptistes », Bulletin de la Société belfortaine d’émulation, 1958, p. 13-64.

MATHIOT (Charles), Recherches historiques sur les anabaptistes de l’ancienne principauté de Montbéliard, d’Alsace et des régions voisines, Belfort, 1922, rééd. avec bibliographie et suppléments par BOIGEOL (René), Flavion, 1969.

SEGUY (Jacques), Les assemblées anabaptistes-mennonites de France, Paris-La Haye, 1977 et « Quatre siècles d’histoire : les anabaptistes », Saisons d’Alsace,76/4, 1981, p. 7-24.

JERôME (Claude), « Agriculture et religion. Les réussites anabaptistes en Alsace aux XVIIIe et XIXe siècles », Saisons d’Alsace, 76/4, 1981, p. 36-51, repris dans Histoire de l’Alsace rurale (dir. J-M. Boehler, D. Lerch, J. Vogt), Strasbourg, 1983, p. 427-433.

ROTT (Jean), divers articles sur les anabaptistes dont certains ont été rédigés en collaboration avec NELSON (Stephen F.) et LIENHARD (Marc) et qui sont reproduits dans Investigationes Historicae. Eglises et société au XVIe siècle, Strasbourg, 1986, t. II, p. 93-127.

BOEHLER, Paysannerie (1994), t. II, p. 1378-1387.

Revue Souvenance anabaptiste, passim, revue Mennonite Quarterly, 1973 et 1984 ; Saisons d’Alsace, numéro spécial 76/4, 1981 ; Mennonistische Geschichtsblätter, 1984.

Notices connexes

Amish

Mennonite

Christian Wolff, Jean-Michel Boehler