Alleu

De DHIALSACE
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Allodium, Proprium, Eigen, Allod.

L’alleu (lat. allodium ou proprium ; all. médiéval eigen, all. moderne aussi Allod) est un bien immobilier (terre, maison, mais aussi château, seigneurie, etc.) qu’on possède en toute propriété et qu’on peut librement aliéner ou partager – sous réserve du retrait lignager (losung), mentionné p. ex. par le droit municipal de Saverne (D. Fischer, Das alte Zabern, 1874, 142). La liberté avec laquelle on peut en disposer l’oppose au fief, à la tenure, au gage, à la précaire, etc., et est soulignée par des expressions comme lidig (und)eigen, Freies Eigen,franc-alleu.

Cependant, de plus en plus, la tenure perpétuelle (Erbe) offre – en fait, sinon en droit – une liberté comparable. C’est pourquoi elle est souvent associée à l’alleu dans l’expression eigen und erbe, dont la traduction latine proprium et hereditas se rencontre dès 1189 (Annales de l’Est, 6, 1892, 105 n° 10). Au plus tard depuis le XVe siècle, les notaires caractérisent des biens par des tournures telles que zinst 6 d., danach lidig und eigen(grevé de 6 deniers de cens, à cela près franc-alleu) – ce qui est juridiquement incorrect (la présence d’un cens montre qu’il s’agit d’une tenure et non d’un alleu), mais correspond à l’opinion dominante qu’une tenure perpétuelle n’est autre chose qu’un alleu grevé d’un cens.

Un grand nombre de châteaux et de villages étaient des alleux, ce qui ne faisait pas l’affaire des grands seigneurs : les petits nobles échappaient d’autant plus à leur influence qu’ils avaient plus d’alleux. C’est pourquoi un prince amenait parfois un noble à lui faire oblation d’un de ses alleux, c’est-à-dire à le lui offrir et à le reprendre en fief de lui – soit par la contrainte, comme pour La Petite-Pierre, dont le comte de Lützelstein dut faire oblation à l’évêque de Strasbourg après avoir perdu une guerre contre lui (RBS II 877), soit avec de l’argent, comme pour le château de Hartmannswiller, dont l’évêque de Bâle acheta l’oblation à Dietrich vom Hus pour 100 marcs d’argent en 1308 (Trouillat III n° 73). Mais l’influence que procurait l’oblation restait en général fort aléatoire, ce qui explique sans doute que les princes n’aient fait de cette possibilité qu’un usage modéré. Néanmoins, elle aboutissait à une réduction tendancielle de la place de l’alleu dans la mosaïque seigneuriale alsacienne.

Quant au poids de l’alleu paysan, il est difficile à apprécier. En tout cas, le principe qui a cours en Alsace n’est pas « nulle terre sans seigneur », mais au contraire « nul seigneur sans titre », c’est-à-dire que tout bien est réputé allodial jusqu’à preuve du contraire.

Notices connexes

Droit de l'Alsace

Echevin (alleutiers)

Eigen und Erbe

Fief

Bernhard Metz