Œffenung

De DHIALSACE
(Redirigé depuis Öffnungsrecht)
Aller à : navigation, rechercher

L’ouverture est le droit, concédé par le possesseur d’un château, ou rarement d’une ville, à une autre personne (physique ou morale), d’entrer dans cette fortification « à grande ou à petite force » et de l’utiliser « zu allen sinen nöten » (pour tous ses besoins – en fait pour ses guerres), sans frais pour le possesseur.

On pourrait penser que celui qui confère un château en fief y a ipso facto l’ouverture, mais, sauf pour les fiefs-liges, ce n’est pas le cas : il ne l’a que s’il en est expressément convenu avec le vassal, ce qui est fréquent (en particulier pour les fiefs oblats), mais non général. On peut être contraint de concéder l’ouverture de son château à celui contre lequel on a perdu une guerre, on peut la vendre (ZGO, 4, 1853, p. 371), on peut se la réserver en vendant un château (ABR G 129/9) ou, plus souvent, en le donnant en gage. Qu’elle soit donnée en dot (Battenberg, Lichtenberger Urkk., II) est, en revanche, exceptionnel.

L’ouverture peut être accordée « contre tous » ou avec des restrictions : contre tous, sauf l’Empire, sauf le seigneur dont le château est tenu en fief, sauf tous ceux dont le concédant tient des fiefs, sauf les membres de sa famille, sauf la ville dont il est bourgeois, etc. Elle peut être perpétuelle (on parle alors d’Erböffnung) ou limitée dans le temps : la ville de Strasbourg a plusieurs fois acheté l’ouverture temporaire de châteaux (UBS, VI, p. 734, no 1 401). Il est rare que l’ouverture d’une même place forte soit accordée à plusieurs seigneurs différents. Le château grevé d’un droit d’ouverture en faveur de quelqu’un est dit « sin offenhus » (à ne pas confondre avec of(f)enhus, fournil).

Dès 1158, l’archevêque de Trèves, en conférant le château de Nassau aux Laurenburg, s’y réserve le droit d’ouverture contre tous (H. Beyer, UB d. mittelrheinischen Territorien, I, p. 670-72, no610). En 1223, le comte de Lützelstein fait oblation de son château de Lützelstein (La Petite Pierre) à l’évêché de Strasbourg ; si celui-ci a une guerre contre un parent du comte, de sorte qu’il ne puisse remplir son devoir vassalique, il ouvrira à l’évêque son château, qui lui sera rendu à la fin de la guerre (RBS, II, p. 877). C’est en Alsace le premier exemple d’ouverture, encore limitée à un cas particulier. En 1252, Walter von Horburg fait oblation à l’évêché de la fortification qu’il veut bâtir à Zellenberg et lui en promet l’ouverture à toute réquisition (RBS, II, p. 1382). Désormais, l’ouverture est mentionnée dans de nombreuses chartes, mais rares sont celles qui précisent ses conditions d’exercice : en 1312, le comte de Ferrette investit Peter von Bollwiller du château qu’il doit bâtir à Wildenstein, et qu’il devra lui ouvrir à toute réquisition ; si le comte occupe le château, Peter devra y laisser tous les biens meubles qui s’y trouvent ; ils seront inventoriés et, au départ du comte, lui seront restitués, ou leur valeur à la place (ABR 3B 975/2 fo100r-01r). En 1338, Albert de Laveline reprend Judenburg en fief de Heinrich von Rappoltstein-Hohnack et lui reconnaît le droit d’ouverture pour toutes ses guerres, aussi longtemps qu’elles dureront : si Heinrich occupe le château, Albert et lui respecteront une paix castrale jurée, et les deux s’entraideront, mais Heinrich devra retirer ses troupes dès la paix revenue (Albrecht, RUB, I, p. 377-78, no501).

Comme l’ouverture d’un château réduit beaucoup la liberté d’action de son possesseur, il ne l’accorde généralement que sous l’effet d’une pression militaire ou politique, ou contre argent. Car l’ouverture est un des outils des princes territoriaux pour imposer leur autorité à la petite noblesse, à qui les nombreux châteaux qu’elle a érigés au XIIIe siècle ont donné la possibilité de faire régner l’anarchie. L’évêque de Strasbourg, dès le XIIIe siècle (Zellenberg 1252, Ollwiller 1261, Hartfelsen 1289), l’Électeur Palatin, en Alsace à partir du milieu du XIVe siècle (Frœnsburg 1359, une part de Hohenburg 1363, Reichshoffen 1388, Hohenfels 1390, etc.), et aussi la ville de Strasbourg ont eu recours à ce moyen. Mais dans les faits, le détenteur d’une place forte a toujours le choix, quand l’ouverture lui est demandée, de s’exécuter ou non, en fonction de ce qu’il considère comme son intérêt. En 1339, l’évêque Bertold, qui s’obstine quasi seul dans une guerre sans espoir contre Louis de Bavière, demande au comte Folmar von Lützelstein de lui ouvrir son château, en vertu de la charte de 1223, qu’il lui fait lire « publice et sonora voce », mais le comte diffère sa réponse (ABR G 377 fo 84), et elle a certainement été négative.

Le droit d’ouverture est encore mentionné au XVIe siècle (Wiegand, Z. Gesch. d. Hohkönigsburg, 1901, p. 51 no 44 : 1542), mais avec le déclin du rôle militaire des châteaux, il perd son intérêt et n’est plus guère qu’une formule vide, par exemple lorsqu’en 1582 Georg-Hans von Veldenz se réserve l’ouverture de Haselburg (prémédiéval) et de Lützelburg (détruit depuis 1523) (Jb. f. lothr. 'Gesch., 23, 1912, p. 634, no 71).

Bibliographie

HILLEBRAND (Friedrich), Das Öffnungsrecht bei Burgen. Seine Anfänge und seine Entwicklung in den Territorien des 13.-16. 'Jhs. unter besonderer Berücksichtigung Württembergs, 1967 [non consulté].

RAPP (Francis), Recherches sur les châteaux forts alsaciens, Strasbourg, 1968, p. 12-13.

MAURER (Hans-Martin), « Rechtsverhältnisse der mittelalterlichen Adelsburg, vornehmlich in Südwestdeutschland », PATZE (Hans), éd., Burgen im deutschen Sprachraum,1976, II, p. 77-190, ici p. 124-134.

RÖDEL (Volker), « Öffnungsverträge und Burgfrieden als Mittel fürstlicher Politik », BECK (Erik), éd., Burgen im Breisgau, 2012, p. 279-93.

Notice connexe

Château_fort

Bernhard Metz