Évocation

De DHIALSACE
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Evocatio, Ladung, Vorladung, privilegium de non evocando

1. Convocation, assignation

En droit romain, convocation ou assignation devant un juge. Elle a lieu par écrit (evocatio litterarum) ou par affichage (evocatio edicti). Si l’assigné comparaît, le procès peut commencer. Sinon, l’assignation a lieu à trois reprises. Si l’assigné n’est toujours pas présent, (Saümnis), le procès peut commencer en son absence (contumace). Ces règles sont reprises dans un grand nombre de procédures des codes et statuts médiévaux. La multiplication des tribunaux (impériaux, princiers, seigneuriaux, officialités, des villes) soulève cependant la question de la compétence personnelle, locale et matérielle des tribunaux.

2. Action de retirer au juge ordinaire la connaissance d’un procès et de conférer à d’autres juges le soin de décider

En principe le tribunal compétent est celui du lieu du domicile de la personne attaquée, mais son attaquant peut le déférer en première instance devant un tribunal d’un autre lieu ou d’un autre seigneur ou ville.

Dès le XIIe siècle, les villes considèrent comme l’un de leurs privilèges les plus précieux, le privilège de non evocando. Strasbourg s’est vu conférer ce privilège en 1129 par l’Empereur Lothaire (UBS I. charte n° 78). Seuls les tribunaux strasbourgeois étaient compétents pour juger un litige mettant en cause un Strasbourgeois. Ce privilège de juridiction est revendiqué aussi par les autres villes impériales en vertu de leurs chartes de franchise et d’immédiateté (v. droits urbains, Stadtrechte). Il est accordé également à d’autres villes comme Thann, Ammerschwihr, Bergheim. Cela vaut d’abord pour les justices de l’empereur. Édicté en 1495 par Maximilien Ier, la Reichskammergerichtsordnung prescrit cependant dans son § 29 : « Tous [les États de l’Empire] préserveront les droits de leurs sujets à leurs tribunaux ordinaires, à leurs procédures et ressorts et devront juger d’après les droits et les coutumes de leurs principautés, comtés, seigneuries, territoires ». Généralisant le privilège de non evocando, l’ordonnance rétablit ainsi les ordres de juridictions, de la première instance à l’appel, qui doit aboutir à la Chambre impériale. Le droit à l’appel (en seconde instance) est régi par les privilèges de non appelando et les tarifs des valeurs en cause qu’ils déterminent (v. Appelando (privilège de non), Droits_urbains - Stadtrechte, Droit de l’Alsace).

3. L’évocation dans la période française

Quand l’Alsace est annexée à la France, le droit à évocation avait déjà été réglementé. Il est d’abord le fait du privilège, réservé aux princes du sang, ducs et pairs de France et à toute une série de dignitaires et d’officiers de la maison du roi, de  membres du clergé ainsi que des magistrats des Parlements, de déférer leurs procès devant une chambre du Parlement de Paris (les requêtes du Palais) qui leur délivre des lettres de committimus, présentées devant les tribunaux à dessaisir. Le 30 septembre 1680, le duc Mazarin, pair de France, assigna devant les requêtes du Palais, le seigneur et les chanoines de Thann en raison d’un litige pendant devant le Conseil supérieur d’Alsace. Le Roi en son Conseil fait défenses à toutes personnes de se servir de toutes lettres de commitimus ou d’évocation pour traduire les sujets d’Alsace hors du ressort du Conseil (de Boug I, p. 130, arrêt du Conseil d’État du 9 novembre 1680). Arrêt renouvelé en 1711 à l’encontre du prévôt de Saint-Pierre-le-Jeune de Strasbourg, également chapelain de la Sainte Chapelle de Vincennes qui avait assigné à Paris les chanoines de Saint-Pierre-le-Jeune. Mais le Conseil du Roi dut également arrêter à la suite d’un recours du Magistrat de Strasbourg que les juges des requêtes du Palais n’avaient pas à faire droit à ces lettres de commitimus et d’évoquer un procès pendant devant les tribunaux de Strasbourg (de Boug I, 223, 2 mars 1690), le roi ayant décidé de maintenir les bourgeois et habitants dans tous les droits et privilèges dont ils jouissaient avant la réduction de ladite ville en son obéissance et notamment dans le privilège de ne pouvoir être traduits en première instance par-devant d’autres juges (que ceux de Strasbourg). Il casse le jugement des juges des Requêtes du Palais qui avaient évoqué le procès devant eux (de Boug I, 222, arrêt du 2 mars 1690).

Par ailleurs, l’évocation peut être demandée au Conseil du roi si les juges appelés à connaître d’une affaire sont trop proches (par parenté ou par alliance) de l’objet ou des personnes en cause et font l’objet d’une suspicion légitime. Le Conseil du roi peut alors renvoyer devant le Parlement voisin. L’ordonnance de 1669 en renforce la possibilité. Des édits ultérieurs en sanctionnent les abus. Le Conseil souverain d’Alsace enregistre plusieurs édits sur les cédules évocatoires pour parentés et alliances. En 1710, puis à nouveau en 1728, il est permis aux cours et Parlements de juger sans attendre la décision du Conseil du Roi (de Boug II, 33 et 34). En 1737, un édit précise qu’on ne peut invoquer la suspicion légitime contre un magistrat dont le seul intérêt dénoncé serait d’être juge d’instance ou d’appel. L’évoquant doit énoncer avec précision la parenté et les degrés invoqués (de Boug II, 177-186). En 1770, un édit désigne la Cour Souveraine de Lorraine pour connaître des procès évoqués devant le Conseil souverain d’Alsace et réciproquement (de Boug II, 857-858).

Après la Révolution, l’évocation n’est possible que si des motifs de sûreté publique l’exigent, ou si le tribunal appelé à connaître d’une affaire n’a pas le nombre de juges nécessaires. C’est la Cour de Cassation qui prononce le renvoi devant le tribunal le plus voisin.

Sources - Bibliographie

GUYOT, Répertoire (1775-1798), t. 23, Evocation.

MERLIN, Répertoire (1812-1825), t. 4, Evocation.

UBS, I, Charte n° 78.

WINCKELMANN (Otto), « Strassburger Verfassung und Verwaltung im 16. Jahrhundert », ZGO, Bd XVII, 1903, p. 496-537.

CRAMER (Ulrich), Die Verfassung und Verwaltung Strassburgs, 1521-1681, Francfort-sur-le-Main, 1931.

DIESTELKAMP (Bernhard), Recht und Gericht im Heiligen Römischen Reich, Francfort-sur-le-Main, 1990.


Notices connexes

Appelando (privilège de non -)

Avocat

Droits urbains - Stadtrechte

Droit de l’Alsace

François Igersheim