États d'Alsace

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Elsässische Landstände

Au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, le mot « états », – au pluriel et sans majuscule –, désigne les corps politiques d’un même territoire dans leur relation avec le pouvoir souverain. Leur identité se traduit par des institutions et par des pratiques communes, par des privilèges reconnus à l’échelle collective ou à celle des différents groupes concernés. Les états (Stände) sont issus des ordres de la société médiévale et présentent des distinctions honorifiques ou fonctionnelles récurrentes, clergé, noblesse et tiers état, ce dernier, sans acception et sans affectation particulière (« tout » et « rien dans l’ordre politique », selon l’abbé Siéyès).

S’ils peuvent être considérés comme l’émanation des gouvernés et, en quelque sorte, comme la substance même de l’État, perçu comme un espace organisé, ils n’en sont pas, cependant, la composante passive. En effet, leurs interventions s’inscrivent dans une logique d’échange, de dialogue, voire de conflit avec les gouvernants.

Les situations sont très différentes selon les cas. Dans un territoire homogène et centralisé – dans une « principauté » soumise à un régime monarchique –, le rôle de représentation prédomine au bénéfice de l’ensemble de ses composantes. On parlera alors d’ « états généraux » ou, pour des circonscriptions plus réduites, d’ « états provinciaux » ou d’ « états particuliers ». L’institution relève de la politique intérieure. Le seul vrai exemple alsacien est celui des Landstände des pays antérieurs de l’Autriche.

Dans le cadre d’un système décentralisé comme celui de l’Empire, qui juxtapose des cellules indépendantes, régies selon des principes très différents, l’empereur exerce une souveraineté lointaine. Les « états » se confondent avec des États immédiats, des principautés ecclésiastiques (en Alsace, celles de l’évêque de Strasbourg, de l’abbesse d’Andlau ou de l’abbé de Murbach…), qui relèvent de l’ordre de l’Église ou laïques (assimilables à la « noblesse »), mais la réalité est plus complexe et s’exprime à travers les concepts de Fürstenstand ou Herrenstand (auxquels appartiennent les comtes de Hanau, les Fleckenstein ou les Ribeaupierre), des villes libres (comme Strasbourg, tenue pour une République urbaine), des villes impériales (les dix villes domaniales de l’empereur alliées et très largement autonomes) et une poussière de fiefs mouvant directement du souverain (les villages de la noblesse immédiate). La qualification d’états donnée à leurs assemblées est pertinente lorsqu’ils se réunissent sous l’autorité du souverain ou de son lieutenant, landgrave ou landvogt, en respectant le rang protocolaire de chacun, pour concourir à l’intérêt général de l’Empire.

À côté de la diète d’Empire (Reichstag), qui est l’assemblée générale des États immédiats et consorts, il existe des états d’Alsace (die elsässischen landstände), à caractère plus spécifiquement régional.

 

Les états d’Alsace

À partir du XIIIe siècle, la vacance du pouvoir royal ou la faiblesse de son détenteur incitent les puissances locales à se rencontrer pour régler les affaires communes ou pour faire face à toutes sortes de menaces (troubles sociaux, guerres privées, brigandage, invasions). Ces réunions de concertation peuvent se faire entre voisins ou donner lieu à des alliances, tant pour maintenir la paix (grande ligue du Rhin des 1254, puis [[landfriede[n]|landfrieden]]) que pour rétablir la sécurité (1333 : coalition contre les raubritter du château de Schwanau, 1339, contre les menées du « roi Armleder ») que pour promouvoir une réglementation professionnelle ou une monnaie commune (le Rappenmünzbund pour les deux rives du Rhin en amont de Sélestat). Cette coopération multilatérale se fait, généralement, sous les auspices du préfet impérial de Haguenau ou des landgraves concertés, l’évêque de Strasbourg ayant alors une certaine prééminence. Au XVe siècle, le premier nommé se confond avec l’électeur palatin, Reichslandvogt de 1408 à 1504, qui s’efforce de l’utiliser à son profit pour exercer son hégémonie sur l’Alsace, incitant à la vigilance et à une relative solidarité les dix villes impériales qui sont sous sa protection. Les réseaux d’alliance établis par les Habsbourg au moment des guerres de Bourgogne (Niedere Vereinigung, renouvelée en 1493), puis l’accession de Maximilien Ier à la tête de l’Empire déplacent le centre de gravité de ceux-ci qui sont réorganisés du fait des réformes politiques qui suivent (diète de Worms 1495) et du retour de la Préfecture impériale aux mains du souverain.

Les états d’Alsace, stricto sensu fonctionnent à partir de la première décennie du XVIe siècle et perdurent jusqu’à la conquête française. Ils disparaissent en 1683.

Du fait de son caractère informel, l’historiographie de l’Alsace n’a pas vraiment pris la mesure de cette institution éclipsée par le patriotisme local ou les enjeux des histoires nationales (dont la caricature se trouve dans Les anciennes républiques alsaciennes de Louis Batiffol paru en 1918). Les premiers historiens, à l’instar de Bernhard Hertzog, ne s’y intéressent pas, et seul le P. Laguille a conscience de leur rôle unitaire, dans la définition de la (future) province française. Schoepflin l’évoque à peine, et il faut attendre les travaux de J. Becker sur la Reichslandvogtei et, surtout, la thèse de Fr.‑W. Müller (1906), intitulée Organisation und Geschäftsordnung der elsässischen Landständeversammlungen und ihr Verhältnis zu Frankreich nach dem westfälischen Frieden, nebst einem Verzeichnis der Ständetage, et publiée sous une forme abrégée pour disposer d’une première introduction sérieuse.

 

Une histoire en pointillés

D’après les pointages de cet historien, on dénombre près de 200 réunions (198, 196 si l’on retranche 2 Ständetage de 1462 et 1472 hors sujet, quelques unités de plus si l’on commence en 1502, qui en compte trois ou si l’on prend en compte des assemblées non datées) s’échelonnant de 1513 à 1683, mais la moyenne de 1,2 réunions par an ne signifie rien, puisqu’aucune n’a lieu entre 1631 et 1646 et à peine 4 ou 5 dans la dernière décennie. Les phases les plus actives se situent en début de période, au milieu, puis, d’une manière constante, entre le milieu du XVIe siècle et la veille de la guerre de Trente Ans. On en relève 6 en 1516, 5 en 1525, 6 en 1552, 5 en 1558, 7 en 1589, 4 en 1610 ou en 1617, ce qui donne une chronologie de l’urgence politique ou militaire entres Vosges et Rhin.

De fait, le point de départ d’une coopération des différentes autorités d’Alsace se place le 29 avril 1502 lors du deuxième complot du Bundschuh, quand l’évêque de Strasbourg Albert de Bavière, les principaux seigneurs et les villes se retrouvent à Sélestat pour arrêter des mesures de police contre les menées subversives parties de Bruchsal. Cependant, c’est avec la nomination de Gaspard de Morimont (1504-1511), puis de son fils Jean-Jacques (1511-1530) en qualité d’(unter)landvogt que l’institution se met réellement en place, pour appliquer une politique voulue par l’empereur Maximilien aussi bien au niveau de l’Empire (à travers les diètes) qu’à celui des territoires héréditaires de la Maison d’Autriche (dont les Morimont sont les agents). De ce fait, la mobilisation des forces vives d’une région qui se présente comme le rempart de l’Allemagne face aux ambitions du roi de France ou aux désordres suscités par celui-ci donne lieu à de premières réunions à partir de 1513. Laguille signale en particulier celles de 1516, qui font suite à Marignan, aux passages de mercenaires français et aux manoeuvres de Franz von Sickingen, et aboutissent au premier plan de défense de l’Alsace (landsrettung).

Le deuxième temps fort est lié à l’insurrection paysanne et au rétablissement de l’ordre : outre l’adoption de mesures coercitives communes, les états se préoccupent de prévention, en portant leurs efforts sur une politique de réserves frumentaires pour maîtriser le prix des denrées et apaiser d’éventuelles tensions : la kornordnung adoptée à Molsheim en 1530-1531 est largement diffusée par l’imprimerie.

Au cours de la phase suivante, dans les années 30 et 40, le rythme des assemblées se réduit du fait des options religieuses des uns et des autres et de l’implication modérée du comte palatin, à la tête du Grand Baillage de 1530 à 1558. Les états se réunissent cependant pour remettre à jour les plans de défense (1544, 1552/53) ou prendre d’autres dispositions (réglementation de police ou des subsistances), mais le font à l’initiative de l’évêque ou de la maison d’Autriche.

Lorsque celle-ci reprend la Landvogtei, elle utilise les Landstände pour assurer la cohésion de l’Alsace, notamment face aux passages de troupes. L’institution atteint sa vitesse de croisière et apparaît désormais comme une instance de régulation pour la Basse-Alsace et pour les villes impériales, en reprenant le rôle naguère dévolu aux dix villes libres impériales. Ce faisant, elle contribue à l’identité politique de l’Alsace dans le cadre de l’Empire et annonce l’unification qui se fera à travers la province rêvée par les Habsbourg et réalisée par Louis XIV.

À l’issue de la guerre de Trente Ans, après une longue interruption, ces « états d’Alsace » tentent de reprendre des forces face au nouveau maître de la région, mais la plupart des villes n’y participent plus. Les seigneurs immédiats et les villes du landgraviat inférieur esquissent de nouveaux plans de défense et se plaignent de la présence française, spécialement pendant la Guerre de Hollande. De premières doléances datées de 1650, mais perdues, sont suivies de Gravamina gegen Frankreich en 1673-1674, sans effets réels. Le seul point de convergence des intérêts des membres de l’Empire reste le domaine économique, la monnaie notamment. En 1680, la rencontre qui se tient à Strasbourg est considérée par Louvois comme « une assemblée séditieuse dans une ville étrangère ». L’intendant de la Grange reçoit l’ordre d’empêcher la tenue de nouvelles réunions, quitte à se servir de la force. En novembre 1682, averti d’une protestation des états « contre la prise de possession que le roi a faite de la souveraineté du pays », le ministre décide de leur donner le coup de grâce en prenant les devants. L’ultime réunion de ces « États Unis » d’Alsace, ou plutôt de Basse-Alsace, a lieu le 4 janvier 1683, à Strasbourg, en présence des officiers du roi : son ordre du jour se cantonne à des questions économiques (paiement des cens et des dettes), sans aborder le thème redouté. La menace a produit son effet.

 

Espace et membres : une géométrie variable

La terminologie proposée par les historiens pour désigner les états d’Alsace est factice : Müller utilise les mots (gemein) elsässische Landesversammlungen (assemblées (générales) du pays d’Alsace), Vereinigung,Landtage, Tage. En 1502, les conclusions de la première session des états s’intitulent « Abscheit und beschluss der fürsten, herren und stettbottschaften, so uf den tag zu Sletzstat herschinen », soit « recès et décision des princes, seigneurs et des représentants des villes qui ont pris part à la journée de Sélestat ». En 1562, quand les Strasbourgeois suggèrent à l’évêque de réactualiser les mesures frumentaires des années précédentes, ils lui demandent de prendre conseil du grand bailli, des comtes de Bitche et de Hanau, de la chevalerie et des autres autorités (andere obrigkeiten) de Basse-Alsace, sous la forme d’une « rencontre commune » (« gemeyne zusammenkunft »). Ces circonlocutions veulent dire que l’institution n’existe pas en tant que telle, d’une manière permanente et réglementée, mais résulte de l’usage. Il n’y a pas davantage de Bund, au sens d’alliance, mais un Verein informel. Ce sont « die oberkeiten diss bezircks » (les autorités de cette circonscription) qui promulguent l’ordonnance de police adoptée à Molsheim le 29 janvier 1552, dans la foulée de la diète d’Empire de l’année précédente.

De fait, la liste des membres des Landstände procède de la matricule impériale et comprend une trentaine de participants que F.‑W. Müller restitue suivant l’ordre honorifique qu’il observe.

1) L’Autriche représentée par la Régence d’Ensisheim ; 2) Le grand bailliage de Haguenau ; 3) L’évêque de Strasbourg ; 4) Le Grand Chapitre ; 5) Le duc de Wurtemberg ; 6) Le comte de Hanau Lichtenberg ; 7) Le comte de Linange-Dagsbourg ; 8) Le comte de Linange Westerburg ; 9) Lützelstein ; 10) Fleckenstein ; 11) Ribeaupierre ; 12) La seigneurie de Barr ; 13) Les seigneurs du Val de Villé ; 14) Les seigneurs de la Marche de Marmoutier ; 15) L’abbesse de Saint-Etienne ; 16) Le prince abbé de Murbach ; 17) La ville libre de Strasbourg ; 18) La chevalerie immédiate de Basse-Alsace ; 19-28) Les dix villes impériales, à savoir Haguenau, Colmar, Sélestat, Wissembourg, Landau, Obernai, Kaysersberg, Rosheim, Munster et Turckheim.

En réalité, cet ensemble n’est jamais complet : sur les 198 réunions connues, le tiers concerne l’Alsace toute entière, et, par conséquent, la Haute Alsace est exclue de la plupart d’entre elles et ne forme pas une entité particulière. Au XVIIe siècle, l’ensemble de la région ne se réunit qu’à quatre reprises, la dernière, en 1616. Il en va de même dans le premier tiers du XVIe siècle, ce qui permet de situer l’apogée de l’institution dans la seconde moitié de celui-ci. Mulhouse n’est citée qu’en 1502, pour disparaître aussitôt, remplacée par Landau ; Saint-Hippolyte et les possessions lorraines d’Alsace n’apparaissent pas en tant que telles, pas plus que la seigneurie de Haut-Landsbourg (même si elles sont évoquées en 1502), tandis que la seigneurie de Barr, qui appartient à Strasbourg, le chapitre Saint-Etienne de cette ville ou la marche de Marmoutier y sont incluses. L’abbesse d’Andlau, qui siège pourtant à la diète d’Empire, n’y apparaît jamais.

 

Fonctionnement et attributions

Cette géométrie variable permet d’agréger des membres extérieurs, telles les abbayes de Schwarzach, Gengenbach et Schuttern, sur la rive droite du Rhin, qui prennent part à la Landsrettung de 1580.

Les Landstände n’ont ni siège ni administration commune. L’initiative des réunions n’est pas codifiée : elle relève, selon les cas, du landvogt de Haguenau, de l’évêque de Strasbourg ou de la Régence d’Ensisheim. Pour des raisons de proximité, la convocation se fait en général très rapidement (une dizaine de jours), et les séances sont rarement programmées dans la durée, sauf si l’on s’accorde sur un délai de réflexion, en décidant une nouvelle séance de travail. Dans cette optique, les lieux retenus sont les plus commodes : avant 1550, Molsheim et Haguenau dominent, suivies par Sélestat, mieux placée pour les – rares – assemblées générales. Après 1550, Haguenau disparaît au profit de Strasbourg qui accueille la grande majorité des diètes, Molsheim restant liée à la présence de l’évêque, et Colmar à sa position géographique proche des terres des Habsbourg. Si les toutes dernières réunions générales du XVIe siècle peuvent se tenir à Colmar, ou même, à une reprise, à Ensisheim, il n’en est pas moins vrai que Strasbourg prédomine ensuite, avec quelques exceptions pour Colmar, Haguenau, Sélestat, Molsheim, Obernai ou même, furtivement, Willgottheim en 1654.

Le mode de représentation n’a guère été étudié : présence personnelle pour certains grands seigneurs, tel l’évêque, ou des délégués, issus aussi bien des instances représentatives (conseils) que de l’administration municipale (greffier, juristes, etc), mais le principe d’égalité des membres est reconnu. L’ordre du jour et des informations diverses sont donnés dans les invitations. Il y a peu de querelles de préséance ou de compétences (en 1571, la question se pose entre le landvogt et l’évêque), la Régence d’Ensisheim étant assimilée à un organe de l’Empire sous le règne de Charles-Quint ou de Ferdinand Ier. Les sessions se tiennent sans solennité particulière, dans une salle adaptée (hôtel de ville, éventuellement salle capitulaire). La gestion administrative et financière des rencontres et l’application des décisions est partagée entre les différents partenaires, mais il arrive qu’elle soit centralisée à Strasbourg, comme c’est le cas pour la landsrettung de 1580. En règle générale, cependant, c’est l’évêque de Strasbourg (particulièrement Jean IV de Manderscheid-Blanckenheim, 1569-1592) qui préside aux assemblées du landgraviat, assure la chancellerie et c’est son receveur de Rouffach qui veille aux dépenses communes.

Les états d’Alsace n’interviennent pas dans les affaires intérieures de leurs composantes. Leur rôle consiste à coordonner l’action des uns et des autres pour garantir l’ordre public à l’intérieur de limites bien définies, landgraviat de Basse-Alsace principalement, dépendances du Grand Bailliage de Haguenau, ensuite, Alsace toute entière enfin.

En réalité, c’est à l’échelle de la première de ces circonscriptions que leur rôle se concrétise vraiment.

« Les questions de police » sont à l’origine même des réunions des « autorités » du pays. Dès la fin du XVe siècle, l’évêque de Strasbourg, le bailli du comte Palatin, les comtes de Bitche et de Hanau et les sires de Ribeaupierre s’étaient entendus pour interdire la chasse et le port d’armes dans leurs terres à travers une réglementation commune, une tentative restée visiblement lettre morte. Lors de l’alerte de 1502, on prépare des moyens militaires et des mesures de surveillance des routes et des auberges assorties d’informations réciproques. En juin et en août 1525, la mise au pas de la paysannerie se traduit par son désarmement, le contrôle des ministres du culte, et par les dispositions répressives dans les différents territoires.

L’ordre public – et la morale – sont au coeur de laPolizey Ordnung de 1552 et de ses aggiornamentos ultérieurs : il ne s’agit pas seulement de proscrire les comportements délictueux ou choquants (notamment du point de vue des moeurs, débauche et ivrognerie, fêtes jugées indécentes ou trop dispendieuses, etc.), mais aussi d’empêcher d’autres types de troubles liés à la concurrence et à la spéculation, pour éviter la flambée des prix et la surenchère salariale. Dans cette optique, les états ou leurs membres s’efforcent d’interdire ou de filtrer l’immigration « welsche », considérée comme un danger pour les « valets » autochtones ou pour les filles des bourgeois (en 1580, p. ex.).

Dans le « domaine économique », la concertation des membres de l’Empire donne lieu à de nombreux accords destinés à garantir l’approvisionnement du marché alsacien en céréales et en viande de boucherie, particulièrement en Basse-Alsace et ce, jusqu’au milieu du XVIIe siècle : l’abbé Hanauer et J.‑P. Kintz y ont été particulièrement attentifs. Il en va de même pour la monnaie, avec l’adoption de Münzordnungen, destinées à fixer la valeur des espèces, qui relayent des ordonnances similaires adoptées par la diète d’Empire.

L’établissement de « plans de défense de l’Alsace » est l’attribution principale des états dans la mesure où il s’opère dans un esprit de solidarité impériale face aux ennemis communs, en l’occurrence le roi de France ou, plus proche, le duc de Lorraine. Il vise à prémunir la région des conséquences désastreuses d’une invasion ou du passage d’armées venues de l’extérieur, comme lors des débordements de la guerre de Cent Ans ou, plus récemment, de danger bourguignon entre 1474 et 1477 (qui s’était traduit par une vaste coalition et un premier système de défense des Vosges).

Le prototype de ces landsrettungen est élaboré en 1516 en réponse à la contre-attaque du duc de Lorraine après une tentative d’invasion du duché téléguidée par Maximilien Ier. Il réunit l’ensemble des villes et des territoires à l’exception des pays antérieurs de l’Autriche (qui disposent de leur propre plan militaire) et se déploie entre Landau, au nord, et la colline de l’Ottensbuhel, au-dessus du bourg de Herrlisheim, près de Colmar. Les partenaires engagent leurs contingents et leur artillerie, selon une quote-part établie à l’avance et prévoient de verrouiller les quatre principales entrées de la région, la vallée de la Weiss, le Val de Villé, le col de Saverne et les environs de Wissembourg. Cette manoeuvre – et, plus largement, le modus operandi prévu – vont être repris par la paysannerie insurgée en avril-mai 1525, ce qui rend compte de leur caractère public (et de l’entraînement bien réel des milices concernées). Par la suite, à partir de 1544, ces plans militaires sont adaptés aux circonstances nouvelles et coordonnés avec ceux de la Régence d’Ensisheim. On parle de schirmverein composé de l’ensemble des états unis (gemeine vereinigte standt), pour le salut de la patrie (zu rettung des vaterlands) et pour empêcher l’irruption imprévisible d’une armée étrangère (zu abwendung eines unversehenen überfalls eines frembden...kriegsvolkhs).

En 1652 et 1653, pour assurer leur sécurité face aux gens de guerre qui sillonnent le pays, les états de Basse-Alsace tentent de remettre sur pied leur coopération militaire, mais cet essai se heurte à l’hostilité de l’intendance de Brisach.

Au cours de leur existence, les Landstände, le plus souvent réduits à la Basse-Alsace sont, incontestablement, demeurés un facteur d’équilibre et de maintien du statu quo. Leur intervention pacificatrice n’a pas encore été analysée à sa juste mesure, notamment lors de conflits comme celui qui oppose Munster à son abbé (v. 1575, où l’on signale une réunion ad hoc à Benfeld) ou, plus tard, pendant la Guerre des évêques. Fr. Rapp estime, avec raison, que « l’Alsace disposait … d’un appareil législatif complexe, trop complexe même, […mais qu’] il lui manquait un gouvernement » (Histoire de l’Alsace, sous la dir. de Ph. Dollinger, Toulouse, 1970, p. 223). Il reste à corroborer la formule de Lucien Sittler « Pour la première fois depuis la disparition du duché d’Alsace, l’unité politique du pays avait de nouveau pris forme » (L’Alsace terre d’Histoire, Colmar, 972, p. 124).

Sources - Bibliographie

La plupart des fonds d’archives des villes ou des territoires conservent des dossiers relatifs aux états d’Alsace, mais, pour les premiers, ils sont disséminés entre les séries AA (relations avec le souverain), BB (décisions politiques), EE (guerre), HH (organisation économique) et JJ (divers).

On signale en particulier :

Aux AVCUS : Série AA.

ABR : Série C (Grand Bailliage de Haguenau) et Série 120 J 74 à 151.

À la BNUS : ms 845 : Landbuch des Pays antérieurs de l’Autriche, incluant le Schirmverein de l’Alsace entière (ex : 1580).

Outre la Polizey-Ordnung der Stend de 1552 (partiellement publiée par J. P. KINTZ dans LEBEAU (Jean), VALENTIN (Jean-Marie), L’Alsace au siècle de la Réforme, Nancy, 1985, p. 23-25) d’autres imprimés conservés dans les archives, quelques textes ont été publiés notamment dans LAGUILLE (Louis), Histoire de la Province d’Alsace, Strasbourg, 1727, Preuves, p. 121-123 (Landsrettung de 1517-19), HANAUER (Auguste), Etudes économiques (1876-78), II, p. 23 et suiv. (Kornordnung 1530).

REUSS (Rodolphe), L’Alsace au XVIIe siècle (1898).

BECKER (Joseph), Geschichte der Reichslandvogtei im Elsass: 1273-1648, Strasbourg, 1905.

MÜLLER (Friedrich Wilhelm), Die elsässischen Landstände. Ein Beitrag zur Geschichte des Elsasses, Strasbourg, 1907.

BATIFFOL (Louis), Les anciennes républiques alsaciennes, Paris, 1918.

GUNZERT (Walter), « Zwei Hagenauer Abschiede von 1525 », Elsass-Lothringisches Jahrbuch, 1938, p. 164-171.

LIVET, Intendance d’Alsace (1956).

KINTZ (Jean-Pierre), La Société strasbourgeoise (1984).

BISCHOFF (Georges), « Les états-unis d’Alsace… »,

BUCHHOLZER (Laurence), RICHARD (Olivier) (dir), Ligues urbaines et espace à la fin du Moyen Âge, Strasbourg, 2012, p. 121-142.


Notices connexes

Assises provinciales

Bailli

Bouchers (Fleischordnung)

Électeur Palatin

[[Landfriede[n]]]

Landsrettung

Landstände

Landvogt

Ligue (urbaine) des villes du Rhin-Rheinbund

Matricule

Münzordnung

Niedere Vereinigung

Polizeiordnung

Rappenmünzbund

Reichslandvogt

Reichsmatrikel

Schirmverein

Tage

Welche

Georges Bischoff