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WOLFF (Christian), «&nbsp;Les principales causes de l’immigration et de l’émigration en Alsace du XV<sup>e</sup> au XIX<sup>e</sup> siècle&nbsp;», ''Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace'', 34, 1976, p. 43-47.
 
WOLFF (Christian), «&nbsp;Les principales causes de l’immigration et de l’émigration en Alsace du XV<sup>e</sup> au XIX<sup>e</sup> siècle&nbsp;», ''Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace'', 34, 1976, p. 43-47.
  
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=== – L’émigration protestante strasbourgeoise après 1681 ===
 
=== – L’émigration protestante strasbourgeoise après 1681 ===
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Si généralement les émigrés laïques s’exilèrent de leur propre gré, il n’en fut pas de même d’une&nbsp;partie importante du clergé réfractaire. Une première vague d’émigration cléricale alsacienne, de 1790 à août 1792, fut le fait de clercs qui, à l’exemple de l’évêque de Strasbourg, le cardinal de Rohan, fuirent un pays dont les lois ne leur convenaient plus. Le mouvement s’accéléra quand la loi du 26 août 1792 ordonna aux réfractaires de se déporter à l’étranger sous quinzaine, avec passeport, mais avec l’interdiction de retour en France, sous peine d’être traité comme émigré en rupture de ban et condamné à mort. Environ neuf cents prêtres réfractaires d’Alsace s’expatrièrent, principalement en Suisse et en Allemagne. Lorsque la Terreur se relâcha, les nouvelles mesures de tolérance religieuse (loi du 3 ventôse III, 21 février 1795) permirent aux nombreux réfractaires de rentrer d’exil. Cependant, la loi du 19 fructidor V (5 septembre 1797), instituant le serment de haine à la royauté, remit en vigueur les lois de répression des réfractaires, les contraignant à repasser la frontière pour échapper à la déportation en Guyane, à l’île de Ré ou sur les pontons de Rochefort. Les lois de déportation, abrogées par le décret des consuls du 28 vendémiaire IX (20 octobre 1800) mirent fin à l’exil forcé des réfractaires, et le Concordat promulgué le 18 avril 1802 régularisa leur situation.
 
Si généralement les émigrés laïques s’exilèrent de leur propre gré, il n’en fut pas de même d’une&nbsp;partie importante du clergé réfractaire. Une première vague d’émigration cléricale alsacienne, de 1790 à août 1792, fut le fait de clercs qui, à l’exemple de l’évêque de Strasbourg, le cardinal de Rohan, fuirent un pays dont les lois ne leur convenaient plus. Le mouvement s’accéléra quand la loi du 26 août 1792 ordonna aux réfractaires de se déporter à l’étranger sous quinzaine, avec passeport, mais avec l’interdiction de retour en France, sous peine d’être traité comme émigré en rupture de ban et condamné à mort. Environ neuf cents prêtres réfractaires d’Alsace s’expatrièrent, principalement en Suisse et en Allemagne. Lorsque la Terreur se relâcha, les nouvelles mesures de tolérance religieuse (loi du 3 ventôse III, 21 février 1795) permirent aux nombreux réfractaires de rentrer d’exil. Cependant, la loi du 19 fructidor V (5 septembre 1797), instituant le serment de haine à la royauté, remit en vigueur les lois de répression des réfractaires, les contraignant à repasser la frontière pour échapper à la déportation en Guyane, à l’île de Ré ou sur les pontons de Rochefort. Les lois de déportation, abrogées par le décret des consuls du 28 vendémiaire IX (20 octobre 1800) mirent fin à l’exil forcé des réfractaires, et le Concordat promulgué le 18 avril 1802 régularisa leur situation.
 
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== 5. Amnistie pour les émigrés (1802) ==
 
== 5. Amnistie pour les émigrés (1802) ==
  
 
Le sénatus-consulte du 6 floréal X (26 avril 1802) accorda l’amnistie générale pour fait d’émigration, avec quelques exclusions, tels ceux qui avaient été chefs de rébellion ou avaient pris des grades dans les armées ennemies, ou encore des évêques qui avaient refusé de démissionner (tel fut le cas du cardinal de Rohan)&nbsp;; les émigrés amnistiés étaient cependant mis sous surveillance pendant dix ans. La mort civile cessa à compter de ce sénatus-consulte. Ils pouvaient rentrer dans leurs biens non encore aliénés, mais les ventes des biens de l’émigré faites par l’État à des tiers, tout comme les partages des biens indivis entre l’émigré et des tiers effectués par l’État en substitution de l’émigré, étaient inattaquables&nbsp;; l’émigré amnistié restait tenu des dettes contractées avant son émigration et les biens rendus restaient grevés des charges antérieures à l’émigration.
 
Le sénatus-consulte du 6 floréal X (26 avril 1802) accorda l’amnistie générale pour fait d’émigration, avec quelques exclusions, tels ceux qui avaient été chefs de rébellion ou avaient pris des grades dans les armées ennemies, ou encore des évêques qui avaient refusé de démissionner (tel fut le cas du cardinal de Rohan)&nbsp;; les émigrés amnistiés étaient cependant mis sous surveillance pendant dix ans. La mort civile cessa à compter de ce sénatus-consulte. Ils pouvaient rentrer dans leurs biens non encore aliénés, mais les ventes des biens de l’émigré faites par l’État à des tiers, tout comme les partages des biens indivis entre l’émigré et des tiers effectués par l’État en substitution de l’émigré, étaient inattaquables&nbsp;; l’émigré amnistié restait tenu des dettes contractées avant son émigration et les biens rendus restaient grevés des charges antérieures à l’émigration.
 
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== 6. Indemnisation des émigrés revenus&nbsp;: le «&nbsp;milliard des émigrés&nbsp;» ==
 
== 6. Indemnisation des émigrés revenus&nbsp;: le «&nbsp;milliard des émigrés&nbsp;» ==
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VARRY (Dominique) et MULLER (Claude), ''Hommes de Dieu et Révolution en Alsace'', Tournai, [1993].
 
VARRY (Dominique) et MULLER (Claude), ''Hommes de Dieu et Révolution en Alsace'', Tournai, [1993].
  
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Version du 8 octobre 2020 à 09:12

Auswanderung

Action de quitter son pays pour un autre pays.

I. Moyen Âge

La mobilité de la population va de pair avec l’apparition de centres de peuplement nouveaux au Moyen Âge, qu’ils soient villageois ou urbains, même si l’on ne sait rien de bien précis. Les seigneurs s’efforcent de limiter les départs de leurs paysans et leur imposent un taxe de départ (v. Abzug). En vertu du principe « Stadtluft macht frei » les chartes de franchises accordent la liberté de mariage aux paysans non libres qui ont déguerpi des villages.

Le brassage de la population en Alsace à la fin du XVe siècle est mis en relief par nombre d’historiens qui insistent sur l’ancienneté du phénomène (F. Rapp ; G. Bischoff). Mais pour nombre de catégories de la population, la mobilité fait partie du genre de vie. Mobiles, les clercs des ordres mendiants (v. Franciscains, Dominicains) qui, au XIIIe siècle s’installent dans les villes d’Alsace. Les studia des couvents mendiants s’ouvrent aux étudiants, dont le genre de vie est marqué par la mobilité (et souvent par la mendicité). Mais une partie du clergé séculier est tout aussi mobile. F. Rapp a signalé le nombre de pauvres clercs Allemands-du-Sud qui assurent le service des paroisses de l’Alsace. Les compagnons des corporations des cordonniers, tailleurs, forgerons, boulangers, selliers, cordiers etc. organisent leur mobilité (Wandern) avec les confréries liées aux églises de religieux mendiants ou d’hôpitaux. Elle devient une obligation professionnelle au courant du XVIe siècle. D’autres professions, comme celles du bâtiment, partagent ce genre de vie ou encore les mercenaires (Debus Kehr, 2007). Mais la mobilité est le lot aussi des mendiants, qui passent de ville en ville, et trouvent asile dans les Elendenherberge, et celle, temporaire par définition, des pèlerins.

Bibliographie

RAPP (Francis), Réformes et Réformations à Strasbourg, Paris, 1974.

DOLLINGER (Philippe), Histoire de Strasbourg, t. II, Strasbourg, 1981.

SPIESS (Karl-Heinz), « Zur Landflucht im Mittelalter », PATZE (Hans), (éd.),Die Grundherrschaft im späten Mittelalter (Vorträge & Forschungen 27), 1983, I, 157-204.

Lexikon des Mittelalters (1980-1998), notices Baugerwerbe, Bettlerorden, Bettlerwesen, Gesellen (Selbstverständnis und Wanderbewegung, Organisation), Wanderschaft.

DEBUS KEHR (Monique), Travailler, prier, se révolter, Strasbourg, 2007.

BISCHOFF (Georges),La guerre des Paysans, Strasbourg, 2010.

V. Abzug, Détraction (droit de), Einzug, Étranger, Héritance (florin d'), Freizug.

François Igersheim

II. Epoque Moderne

 1. Émigration pour cause religieuse, jus emigrandi

Au courant du Moyen Âge, les persécutions religieuses ont contraint des minorités religieuses à quitter leur pays. Cela a été le cas des Vaudois poursuivis à Strasbourg (v. Waldenser) et surtout des Juifs persécutés, en particulier au milieu du XIVe siècle (v. Juif).

– Le jus emigrandi au XVIe siècle

C’est la paix d’Augsbourg (1555) qui introduit un jus emigrandi corollaire du jus reformandi. Le recès d’Augsbourg entérine la séparation de l’Empire en deux confessions catholique et luthérienne. Il reconnaît aux princes le droit de réformer l’Église et d’imposer leur foi à leurs sujets (v. Cujus regio, Ejus religio). Ceux qui ne voudront pas adhérer à la foi des princes sont cependant autorisés à émigrer, en vendant leurs terres et en emmenant leurs droits mobiliers et sans acquitter de taxes (art. 24 du recès d’Augsbourg). Les villes libres protestantes peu nombreuses (Augsbourg, Ratisbonne, Nuremberg, Rothenburg, Strasbourg) se voient cependant imposer la pluralité confessionnelle (art. 27 du recès), malgré les protestations de Strasbourg. Après la conversion des clercs au protestantisme et le départ des religieux qui ne souhaitaient pas les imiter, après la sécularisation de leurs établissements, le culte catholique est interdit à Strasbourg, mais le Magistrat reste prudent envers les quelques rares bourgeois restés catholiques et les rares institutions catholiques, immédiates (Commanderie, Chapitre), demeurées dans la ville (Bornert, Fuchs, Kintz, Livet).

La suppression de la messe dans les paroisses de Strasbourg avait provoqué le repli de l’ancien ammeistre Gottfried de Hohenburg à la campagne (Brady), et celui de nobles strasbourgeois comme la branche restée catholique des Zorn établie désormais à Osthouse.

De même, des Bâlois émigrèrent à Fribourg-en-Brisgau quand leur ville bannit le culte romain de ses murs, imitée par Mulhouse. Parfois, la génération suivante revenait et adoptait la confession dominante, tels les enfants de Hohenburg. Après la défaite de ses adversaires protestants en 1547, Charles Quint imposa l’Intérim à Strasbourg, avec le rétablissement de la messe. Les échevins votèrent, le 27 août 1548, le refus de s’y soumettre, tandis que des nobles, de riches marchands, des rentiers de la classe dirigeante décidèrent le 28 d’accepter les conditions de paix pour éviter la confiscation de leurs fiefs, rentes, biens et capitaux et donc la ruine. Ils se préparèrent à émigrer et une centaine de ces grands bourgeois, dont 17 membres du Magistrat, dénoncèrent leur droit de bourgeoisie. Leur révolte poussa les échevins à se désister le 31 août. Les bourgeois protestants qui avaient émigré revinrent alors peu à peu en ville. Seuls, le réformateur Martin Bucer et son ami Paul Fagius furent contraints de s’exiler à Cambridge.

La Contre-Réforme, amorcée dès la fin du XVIe siècle, a-t-elle provoqué des départs dans toutes les localités reconquises par le catholicisme, entre autres à Andlau, vers 1601-1602 ? Plus tard, pendant la guerre de Trente Ans, dans les villes de la Décapole où il était resté majoritaire, les protestants opiniâtres durent partir, de gré ou de force, comme à Turckheim (vers Colmar et Munster), Obernai (chassés en 1629 et passés dans la seigneurie de voisine de Barr), Sélestat (vers Colmar, Sainte-Marie-aux-Mines et Strasbourg) et enfin Haguenau (émigrés à partir de 1648 dans les territoires protestants des environs, après la fermeture de la paroisse luthérienne). À Colmar, sur les instances répétées de l’évêque de Bâle, l’empereur Ferdinand II dépêcha une commission qui rendit aux catholiques la direction de la ville et interdit le culte protestant. Plutôt que d’abjurer, un certain nombre de bourgeois aisés préférèrent s’expatrier,renoncer à la bourgeoisie, mais non à leurs biens, et se réfugier dans le proche comté de Horbourg-Riquewihr pour les plus luthériens et à Mulhouse et Bâle pour les plus proches du calvinisme. Après le rétablissement triomphal de la situation antérieure par les Suédois en 1632, des exilés revinrent en ville et ceux qui étaient restés sur place renièrent en majorité leur conversion forcée.

Bibliographie

AVCUS, KS 63 I, fol.1-5, dénonciations du droit de bourgeoisie, 1548

REUSS (Rodolphe), L’Alsace au XVIIe siècle (1898), p. 139 et suiv.

HANAUER (Auguste), Le protestantisme à Haguenau, Strasbourg, 1905.

LERSE (Fréd.), Histoire de l’introduction de la Réforme à Colmar…, trad.de Henri Fischer, Strasbourg, 1929.

MIEG (Philippe), Les réfugiés colmariens à Mulhouse, Annuaire de la Société littéraire et historique de Colmar, 1950, p. 55.

BRADY (Thomas), « Aristocratie et régime politique à Strasbourg », Strasbourg au coeur religieux du XVIe siècle, Strasbourg, 1977, p. 19-36.

FUCHS (François Joseph), « Les catholiques strasbourgeois de 1529 à 1681 », Archives de l’Église d’Alsace, t. 18, 1975, p. 141-169.

WOLFF (Christian), « Les principales causes de l’immigration et de l’émigration en Alsace du XVe au XIXe siècle », Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace, 34, 1976, p. 43-47.

V. Anabaptiste, Calviniste, Cujus regio ejus religio, Culte israéliteAugsbourg (confession d’)Immigration (étrangère) à l'époque moderneVaudois, Waldenser.

Christian Wolff

– L’émigration protestante strasbourgeoise après 1681

À Strasbourg, une partie des protestants ont mal accepté l’annexion à la France de la Ville libre en 1681 et ont préféré émigrer vers les villes protestantes impériales d’Allemagne du Sud, comme Francfort, Nuremberg et Esslingen, une décision coûteuse, car Louis XIV a imposé une taxe de 10 % sur la fortune ; aussi ces premiers départs ont-ils été assez restreints entre 1686 et 1689.

Le traité de Ryswick (1697), qui rend l’annexion définitive, interdit la taxe de départ – décision mal respectée –, ce qui entraîne une vague de départs importante entre 1698 et 1700, soit environ 300 familles et 1 200 personnes de Strasbourg. Ces départs sont dus à des motifs confessionnels et assez peu à des motifs économiques. On peut distinguer trois groupes : des négociants aisés partis en bonne partie à Francfort-sur-le-Main, un autre formé d’une intelligentsia – notaires, archivistes – et un troisième groupe formé de membres du patriciat municipal et universitaire, comme le théologien Balthazar Bebel et le juriste Schrag, devenu assesseur à la Chambre impériale à Wetzlar.

2. Emigration de colonisation

Après 1681, avant les départs importants pour le Banat, l’Ukraine au XVIIIe siècle et l’Algérie au XIXe siècle, l’Alsace a connu des mouvements d’émigrations assez limités.

– L’émigration vers les pays danubiens

Il s’agit de familles rurales modestes attirées par les promesses de recruteurs de l’impératrice Marie-Thérèse, désireuse de repeupler les régions dévastées lors de la conquête des Habsbourg sur les Turcs.
Les gros départs se situent entre 1765 et 1771, avec environ 200 familles, issues de 79 localités différentes, toutes catholiques et situées principalement en Lorraine, mais aussi en Alsace du Nord, Alsace bossue et dans l’Ortenau. L’Intendant d’Alsace s’émeut à partir de 1753 des départs de plus en plus nombreux et prend des mesures de plus en plus restrictives. Il finit même par interdire à tous les « régnicoles » (habitants du royaume) d’aller s’établir à l’étranger sans autorisation expresse. Les émigrés s’installent dans le Banat, qui est, en 1920, partagé entre la Hongrie, la Roumanie et la Serbie d’aujourd’hui. En 1945, presque tous leurs descendants sont expulsés, sauf en Roumanie, parce qu’assimilés à des Allemands à cause de leur parler germanique. Ils sont quelquefois revenus en Alsace, mais, dans la plupart des cas, ils sont aujourd’hui dispersés en Europe occidentale et en Amérique.

– L’émigration vers l’Ukraine

Sous le Consulat et l’Empire, les deux cantons de Seltz et Lauterbourg ont alimenté une première vague de départs de paysans pauvres vers l’Ukraine, où ils sont installés dans la province d’Odessa par le régime tsariste d’Alexandre Ier. Comme les autorités françaises interdisent formellement de quitter le territoire national, les départs ne peuvent se faire que dans la clandestinité, en utilisant les circuits de contrebande. Le nombre des émigrés peut être estimé entre 1 500 et 2 000. La seconde vague s’est produite ensuite à partir de 1817, sans être interdite.

– L’émigration en Guyane et en Louisiane

Une vague assez modeste de ruraux alsaciens sont partis pendant la décennie 1750 en Guyane, mais, faute de documents conservés, son importance est difficile à évaluer. Le phénomène touche aussi les cantons de Landau et de Bergzaben, alors rattachés au Bas-Rhin, et la région de Rastatt située sur la rive droite du Rhin.

– Émigration vers l’Amérique

Enfin, quelques Alsaciens ont émigré vers les colonies d’Amérique (Laybourn). Cependant les vagues d’émigration importantes vers les États-Unis se situent au XIXe siècle.

Bibliographie

TARRADE (Jean), « Alsaciens et Rhénans en Saintonge au XVIIIe siècle. Saint-Jean-d’Angély, « entrepôt » des colons recrutés pour la Guyane sous le ministère de Choiseul », Bulletin de la société des antiquaires de l’Ouest et des musées de Poitiers, 1966.

HERTNER (Peter), Stadtwirtschaft zwischen Reich und Frankreich. Wirtschaft und Gesellschaft Strassburg 1650-1714, Köln-Wien, 1973, p. 307-312.

SCHWEITZER, (Jean), « Emigration », EA, 5, 1983, p. 2695-2699.

LAYBOURN (Norman), L’émigration des Alsaciens et des Lorrains du XVIIIe au XXe siècle, Strasbourg, 1986.

SCHWEITZER (Jean), « L’émigration alsacienne vers la Russie au début du XIXe siècle », BCGA, 33, 1997, p. 9-15 (entre 1804 et 1810 et en 1817).

VOGLER (Bernard), « Douze familles du Pays de Hanau déportés à la Nouvelle-Orléans », Pays d’Alsace, 220, 2007, p. 25-30.

V. Naturalisation, Régnicole.

Bernard Vogler

III. L’émigration sous la Révolution

Dès l’été 1789, il se produisit en France un mouvement d’expatriation, d’abord parmi les anciennes classes de privilégiés, pour s’étendre ensuite à toutes les catégories sociales. Elle eut pour causes, soit le refus de se soumettre au nouveau régime, voire à le combattre, soit la fuite de dangers menaçant la vie, ce qui fut majoritairement le cas en Alsace. De 1789 à 1799 environ 145 000 personnes quittèrent le territoire national, et, rien que dans le Bas-Rhin, leur nombre est estimé à plusieurs dizaines de milliers (les évaluations varient de dix à trente mille). Le flux d’émigration atteignit son apogée au cours des années de Terreur de 1793/94 et ne cessa que sous le Consulat. L’une des caractéristiques essentielles de cet exode fut que la plupart des émigrés « révolutionnaires » quittèrent la France avec esprit de retour.

1. Définition juridique de l’émigration

Qu’est-ce qu’un émigré du point de vue légal ? Les décrets du 28 mars 1793 et du 25 brumaire III considèrent comme tels : tout Français de l’un et de l’autre sexe qui, ayant quitté le territoire de la République depuis le 1er juillet 1789, n’y était pas rentré au 1er mai 1792 ; tout Français qui, absent de son domicile ou s’étant absenté depuis le 1er mai 1792, ne justifierait pas qu’il a résidé, sans interruption, sur le territoire de la République depuis cette époque (cette disposition concerne les personnes ayant changé de domicile en France) ; ceux qui sortiront du territoire de la République sans avoir rempli les formalités prescrites par la loi ; les agents du gouvernement qui, ayant été chargés de mission auprès des puissances étrangères, ne seraient pas rentrés en France dans les trois mois suivant leur rappel ; tout Français qui, durant l’invasion faite par les armées étrangères, a quitté le territoire français non envahi, pour résider sur le territoire occupé par l’ennemi ; ceux qui, quoique nés en pays étranger, ont exercé les droits de citoyen en France, ou qui ayant un double domicile, l’un en France et l’autre en pays étranger, ne justifieront pas d’une résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792. Cependant, pendant la Terreur de l’an II (1793/94), par une interprétation abusive, toute personne pouvait être assimilée à émigré tout en ne l’étant pas au sens légal, et en subir les conséquences édictées par les lois de répression de cette catégorie. Ainsi, les représentants du peuple en mission dans le Bas-Rhin ordonnèrent de faire déclarer émigré tout individu déclaré suspect (et tout le monde pouvait l’être), qui ne se mettrait pas en état d’arrestation, et de procéder à la vente de ses biens au profit de la nation (arrêté du 20 brumaire II de Milhaud, Ruamps et Guyardin, AMS, 270MW55). De même, le tribunal révolutionnaire de Strasbourg, en condamnant à des peines d’amendes pécuniaires, ajoutait, dans près d’une dizaine de cas, : « à payer sous x jours, faute d’être considéré comme émigré et traité comme tel. » (AN, W.343, 662/12-13).

L’Assemblée constituante n’intervint d’abord que modérément contre l’émigration, se bornant, par la loi du 22 décembre 1790, à menacer de privation d’emploi, pension ou traitement toute personne qui ne rentrerait pas dans les deux mois. La sortie du royaume restait encore libre, et ce ne fut que la fuite de la famille royale (20 juin 1791) qui provoqua les premières mesures d’interdiction de sortie du royaume des personnes, effets, armes et munitions, chevaux, espèces d’or et d’argent, etc. (décret du 21 juin 1791). Comme, d’autre part, la conduite de certains des émigrés, surtout de l’ex-noblesse militaire, devint de plus en plus agressive – les plus contre-révolutionnaires n’hésitant pas à prendre les armes contre la France – les assemblées ou gouvernements successifs ne votèrent pas moins de deux cents lois concernant les émigrés, lois essentiellement de circonstances, trop souvent prises à la hâte sous l’impression du moment, dont on peut distinguer trois catégories de dispositions répressives : celles qui frappèrent les émigrés dans leur personne, celles qui attaquèrent leurs biens afin de les priver de ressources, et celles qui s’en prirent à leurs familles.

2. Répression de l’émigration

Sommés d’abord, sans succès, de rentrer dans un délai d’un mois à compter de la publication du décret du 6 août 1791, ceux rassemblés au-delà des frontières, non rentrés au 1er janvier 1792 furent déclarés coupables de conjuration contre la patrie et punis de mort comme tels (décret du 9 novembre 1791, non sanctionné par le roi, mais néanmoins appliqué). Les biens des émigrés furent d’abord mis sous séquestre (décret du 9 février 1792), puis déclarés acquis à la nation le 2 septembre 1792 (biens nationaux de deuxième origine). La loi du 8 avril 1792 fit obligation aux municipalités de dresser la liste des émigrés de leur commune, listes centralisées au niveau départemental pour être publiées et communiquées au gouvernement (la redoutée « liste des émigrés »).

La Convention nationale décréta (25 octobre 1792) le bannissement à perpétuité du territoire de la République de tout émigré français et la condamnation à mort de tous ceux qui enfreindraient ce ban, selon une procédure expéditive, une simple reconnaissance d’identité par deux témoins étant suffisante. Aux municipalités fut accordé le droit de perquisition pour la recherche d’émigrés (décret du 25 février 1793) et, par décret du 22 mars, « tout citoyen est tenu de dénoncer, arrêter ou faire arrêter les émigrés qu’il saura être sur le territoire de la République » pour être mis à mort. Le 28 mars 1793, la Convention nationale rendit son important décret, qui constitue, avec celui du 25 brumaire III (15 novembre 1794), le véritable code de législation contre les émigrés. L’émigration devint un crime. Les émigrés furent déclarés civilement morts, la République devenant attributaire de leurs successions échues ou à échoir pendant les cinquante années à venir, « sans que, pendant ledit tems, les co-héritiers puissent opposer la mort naturelle desdits émigrés » ! Dès lors, la nation se substitua aussi bien aux débiteurs qu’aux créanciers de l’émigré, toutefois avec de nombreuses restrictions et obstacles pour ces derniers.

Les parents d’émigrés furent également frappés de mesures répressives, portant atteinte à leur liberté et à leurs droits civiques, mais aussi à leurs biens, juridiquement des peines sans crime, qu’on justifia avec l’argument de la responsabilisation du « clan ». Déjà le 15 août 1792 les pères, mères, femmes et enfants des émigrés furent consignés dans leurs municipalités respectives pour être gardés comme otages. Pendant la Terreur, beaucoup furent déclarés suspects, enfermés dans les prisons, et un grand nombre périt sur l’échafaud. Par décret du 21 septembre 1795 les pères, fils, frères, oncles, neveux et époux des émigrés furent interdits d’exercice de fonctions administratives, judiciaires, municipales, etc., et la loi du 25 octobre 1795 excluait des fonctions législatives les parents d’émigrés qui devaient s’en démettre dans les vingt-quatre heures, sous peine de bannissement perpétuel. Par décret du 7 décembre 1793 est ordonné le séquestre des biens des parents dont les enfants sont émigrés, et la fameuse loi du 9 floréal III (28 avril 1795), bien que levant ce séquestre, établit un partage de présuccession : « les portions des émigrés seront réunies au domaine national, en indemnité des frais de la guerre » (art. 16).

3. L’émigration populaire en Alsace : la grande fuite

Cependant, la loi du 22 nivôse III (11 janvier 1795), déclara que « ne sont plus considérés comme émigrés les ouvriers et laboureurs non ex-nobles ou prêtres, travaillant habituellement de leurs mains » sous attestation de huit témoins, et seront dès lors rayés de la liste des émigrés. Cette loi fut prise pour permettre le retour des milliers de Bas-Rhinois de l’Alsace septentrionale de toutes conditions (cinquante mille selon le directoire du département, 25 à 30 000 d’après Rodolphe Reuss) qui, en décembre 1793, pris de panique à l’approche des troupes françaises victorieuses, avaient suivi les armées austro-prussiennes dans leur retraite au-delà du Rhin, et se trouvaient ainsi déclarés émigrés et leurs biens confisqués au profit de la République. Or, de nombreux biens de cette catégorie d’émigrés ayant été vendus, l’application de cette loi ne fut pas sans poser des problèmes, ni provoquer de conflits durables.

Sous le Directoire, les mesures envers les émigrés – ou présumés tels – furent maintenues, car il s’agissait avant tout d’empêcher leur retour d’exil pour protéger les propriétaires de biens nationaux qui craignaient une remise en cause de leurs titres de propriétés ; aussi le gouvernement déclara-t-il les biens des émigrés irrévocablement acquis à la République. À l’avènement du Consulat, la constitution du 22 frimaire VIII (13 décembre 1799) confirma le non-retour des émigrés et l’acquisition irrévocable de leurs biens à la nation, mais la date de clôture des listes d’émigrés fut fixée au 4 nivôse VIII (25 décembre 1799).

4. Le clergé réfractaire : émigration, expulsion, déportation ?

Si généralement les émigrés laïques s’exilèrent de leur propre gré, il n’en fut pas de même d’une partie importante du clergé réfractaire. Une première vague d’émigration cléricale alsacienne, de 1790 à août 1792, fut le fait de clercs qui, à l’exemple de l’évêque de Strasbourg, le cardinal de Rohan, fuirent un pays dont les lois ne leur convenaient plus. Le mouvement s’accéléra quand la loi du 26 août 1792 ordonna aux réfractaires de se déporter à l’étranger sous quinzaine, avec passeport, mais avec l’interdiction de retour en France, sous peine d’être traité comme émigré en rupture de ban et condamné à mort. Environ neuf cents prêtres réfractaires d’Alsace s’expatrièrent, principalement en Suisse et en Allemagne. Lorsque la Terreur se relâcha, les nouvelles mesures de tolérance religieuse (loi du 3 ventôse III, 21 février 1795) permirent aux nombreux réfractaires de rentrer d’exil. Cependant, la loi du 19 fructidor V (5 septembre 1797), instituant le serment de haine à la royauté, remit en vigueur les lois de répression des réfractaires, les contraignant à repasser la frontière pour échapper à la déportation en Guyane, à l’île de Ré ou sur les pontons de Rochefort. Les lois de déportation, abrogées par le décret des consuls du 28 vendémiaire IX (20 octobre 1800) mirent fin à l’exil forcé des réfractaires, et le Concordat promulgué le 18 avril 1802 régularisa leur situation.

5. Amnistie pour les émigrés (1802)

Le sénatus-consulte du 6 floréal X (26 avril 1802) accorda l’amnistie générale pour fait d’émigration, avec quelques exclusions, tels ceux qui avaient été chefs de rébellion ou avaient pris des grades dans les armées ennemies, ou encore des évêques qui avaient refusé de démissionner (tel fut le cas du cardinal de Rohan) ; les émigrés amnistiés étaient cependant mis sous surveillance pendant dix ans. La mort civile cessa à compter de ce sénatus-consulte. Ils pouvaient rentrer dans leurs biens non encore aliénés, mais les ventes des biens de l’émigré faites par l’État à des tiers, tout comme les partages des biens indivis entre l’émigré et des tiers effectués par l’État en substitution de l’émigré, étaient inattaquables ; l’émigré amnistié restait tenu des dettes contractées avant son émigration et les biens rendus restaient grevés des charges antérieures à l’émigration.

6. Indemnisation des émigrés revenus : le « milliard des émigrés »

Vint la première Restauration. L’ordonnance royale du 21 août 1814 rendit à tous les Français leurs droits civils et confirma les propriétaires de biens nationaux de la jouissance paisible, déclarant inviolables toutes les propriétés, y compris celles nationales, et la loi du 5 décembre 1814 proclama le respect du passé. Lors des Cent-Jours, Napoléon abolit les restitutions faites par le gouvernement de Louis XVIII et ordonna à tous les émigrés rentrés sous la première Restauration sans avoir été rayés de la liste des émigrés sous l’Empire de quitter immédiatement le territoire français.

Toutes ces mesures prises de 1790 à 1815 firent l’objet d’une foule de procédures engagées, par les uns pour retrouver leurs biens « confisqués », par les autres pour défendre les leurs légalement acquis. Ce ne fut que la loi du 23 mars 1825, dite « loi du milliard des émigrés » qui mit fin à la question des biens nationaux.

Bibliographie

DARD (Henri Jean-Baptiste), De la restitution des biens des émigrés : considérée sous le triple rapport du droit public, du droit civil, et de la politique ; et de la révocation de la loi des 25 octobre et 14 novembre 1792 qui a aboli les substitutions, Paris, 1814.

LE CARON (P.-L.), Code des émigrés, ou recueil des dispositions législatives, concernant les impositions, le séquestre, la confiscation, la régie et la vente des biens des anciens propriétaires appelés à recueillir l’indemnité de 1789 à 1825, Paris, 1825 (incomplet).

RAGON (Marcel), La législation sur les émigrés (1789-1825), Paris, 1904.

REUSS (Rodolphe), La grande fuite de décembre 1793 et la situation politique et religieuse du Bas-Rhin de 1794 à 1799, Strasbourg, 1924.

SCHAEDELIN (Félix),L’émigration révolutionnaire du Haut-Rhin, Colmar, 1937-1946 (3 vol.).

VOGT (Jean) « La révolution en Alsace : le problème de la réinsertion des émigrés ruraux », Pays d’Alsace, 1984, p. 126-127.

COLLECTIF, « 1793, l’année terrible : guerre, terreur, émigration »,Annuaire de la Société d’Histoire et d’Archéologie du Ried-Nord, Drusenheim, 1993, p. 275-298.

VARRY (Dominique) et MULLER (Claude), Hommes de Dieu et Révolution en Alsace, Tournai, [1993].

V. Biens nationaux, Clergé réfractaire.

Claude Betzinger