Orangeries

De DHIALSACE
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Même si l’Alsace n’est pas une terre de grandes fortunes nobiliaires, du fait de son histoire particulière – et de ce fait non dotée de grandioses châteaux avec jardins comme dans la vallée de la Loire –, de nombreuses propriétés à travers la région ont malgré tout suivi, à leur échelle, l’évolution du goût des jardins des XVIIe et XVIIIe siècles. Les demeures possèdent alors des jardins réguliers, ornés de topiaires et de plantes dites « d’orangerie », telles que les différents agrumes, orangers ou citronniers, les grenadiers, lauriers, myrtes, palmiers, jasmins, caféiers, etc.

Les bâtiments du même nom permettent de mettre à l’abri pendant la mauvaise saison les riches collections végétales aristocratiques, cultivées en pot. Conçues avec des épais murs, percés de vastes baies vitrées souvent en plein cintre, hautes sous plafond et accessibles par de larges et hautes portes d’entrée, les orangeries peuvent parfois bénéficier d’un chauffage somme toute encore balbutiant à l’époque moderne. Elles sont généralement implantées face au sud afin de bénéficier des rayons bas du soleil d’hiver, qui chauffent naturellement le bâtiment.

Les demeures des grandes familles alsaciennes en sont dotées. Notons à Bouxwiller, deux orangeries qui servaient à abriter la collection bien connue de Hans-Reinhard de Hanau-Lichtenberg (v. Lustgarten). À Ribeauvillé, les princes de Ribeaupierre, dans leur château urbain, cultivaient au fil des générations un art de vivre sensible à l’art. De beaux jardins en terrasses agrémentaient le château dès le XVIe siècle (Faller, p. 33-63). L’orangerie, construite dès 1611, est à l’origine de la réputation du jardin (v. Lustgarten). La collection d’agrumes, créée grâce à l’achat d’arbustes en Italie par Eberhard de Ribeaupierre au début du XVIIIe siècle, a grandi grâce à la culture et la multiplication de végétaux par les jardiniers seigneuriaux Bechmann, père et fils. En 1747, 681 orangers et citronniers sont recensés, auxquels s’ajoutent 213 grenadiers, myrtes figuiers, oliviers et lauriers, 26 jasmins et 226 plantes rares venues des Indes, d’Afrique, d’Asie, d’Amérique ! Citons encore les propriétés des familles Reinach de Hirtzbach, des Landenberg au château de la Wagenbourg à Soultzmatt, les Rohan à Saverne, les Waldner de Freundstein à Ollwiller, le château Klinglin de Illkirch.

Les grandes maisons religieuses, reproduisant l’art de vivre aristocratique, se dotent elles aussi d’orangeries. C’est le cas, par exemple, des chanoinesses de Masevaux avec un bâtiment de 17,5 mètres sur 11,6 mètres (AHR 1 Q 352). L’abbaye de Lucelle jouissait d’un verger, mais également d’une orangerie au milieu du XVIIIe siècle (v. Lustgarten). Il en va de même pour la Chartreuse de Molsheim ou l’abbaye de Munster.

Enfin, les familles industrielles naissantes au tournant du XVIIIe siècle se calquent sur les mœurs aristocratiques et se sont elles aussi fait construire de tels bâtiments. C’est le cas notamment à Sainte-Marie-aux-Mines, avec Jean-Georges Reber. À Bischheim, au Jardin d’Angleterre, l’homme d’affaires Jean de Dietrich (1719-1795) (NDBA, p. 651-652) fait aménager jardin et orangerie au milieu du XVIIIe siècle.

Lors de la Révolution française, le sort de ces collections est varié. Les plantes d’orangerie, symboles d’aisance, sont détruites, détériorées ou vendues comme biens nationaux. Les orangeries, devenues inutiles, prennent bien souvent d’autres fonctions.

Durant l’Empire, les institutions publiques se dotent parfois d’orangeries. Dans le Haut-Rhin, le préfet Félix Desportes institue une pépinière départementale, au sein de laquelle les plantes d’ornement prennent place (Lichtlé, « La pépinière et l’orangerie de Colmar », p. 5-9). Une partie de la collection des Ribeaupierre est rachetée pour enrichir le lieu. Dans le Bas-Rhin, l’État offre, en 1805, les orangers provenant de Bouxwiller à la Ville de Strasbourg, sous condition qu’ils restent groupés et ornent une place publique. Une orangerie dédiée, l’actuel Pavillon Joséphine, est alors construite.

Avec le développement de l’horticulture et l’extension de la palette végétale des jardins d’agrément à partir du début du XIXe siècle avec l’arrivée des camélias, l’eucalyptus, etc., les orangeries sont progressivement renommées en « serres froides ».

Bibliographie

FALLER (Robert), « Le château de Ribeauvillé », Bulletin de la Société d’histoire de Ribeauvillé, 1937, p. 33-63.

GAMERRE (Simon), SCHEURER (Marie-Philippe), RAIMBAULT (Jérôme), Notice d’Inventaire « Jardin du château bas des Ribeaupierre », 2003.

LICHTLÉ (Francis), « La pépinière et l’orangerie de Colmar », Mémoire colmarienne, 136, 2014, p. 5-9.

TOURSEL-HARSTER (Dominique), Les orangeries du jardin de plaisance de Jean René III de Hanau Lichtenberg à Bouxwiller, deux fabriques de jardin pour une collection prestigieuse (vers 1720),newsletter du Siècle des Rohan, l’art de vivre au XVIIIe siècle du 31 décembre 2016.

Notices connexes

Lustgarten - jardin d’agrément

Cécile Roth-Modanese