Oberschultheiss
L’office de Schultheiss (qu’il vaut mieux ne pas traduire par écoutète) est dans certaines localités dédoublé : à côté d’un titulaire (Oberschultheiss), souvent noble, qui ne l’exerce pas effectivement, un Unterschultheiss presque toujours roturier l’exerce sans en percevoir les revenus.
Des abbayes comme Murbach (à Bergholtz, Berrwiller, Guebwiller, Issenheim, Merxheim, Oberhergheim, Uffholtz, Wattwiller), Andlau (à Andlau, Kintzheim, Steinbourg), Saint-Étienne de Strasbourg (à Schiltigheim et Wangen), Masevaux (à Masevaux) ou Seltz (à Dürrenbach) ont souvent conféré l’office de Schultheiss en fief héréditaire à des familles de leur ministérialité, passées après 1250 dans la petite noblesse. Des seigneurs laïcs ont peut-être fait de même (les Ferrette à Balschwiller ?). À la fin du XIVe ou au XVe siècle, le Grand Chapitre de Strasbourg a conféré cet office à des nobles à Breuschwickersheim et Geispolsheim, de même que l’évêque au XVIe siècle à Achenheim et, pour peu de temps, à Benfeld. Le noble détenteur de l’office semble l’exercer lui-même aux XIIe et XIIIe siècles, mais plus rarement par la suite. Trouvant sans doute trop astreignant de présider chaque semaine le Gericht d’un village ou d’une petite ville, il délègue le plus souvent la fonction à un notable du lieu. On le remarque par les chartes passées devant ce Gericht, qui commencent par une formule du type « Ich NN, underschultheiß zu X, saß zu gericht an stat des edlen NN, (ober)schultheiß zu X (lequel fait appendre son sceau) ». Que le noble soit appelé Ober- et son délégué Unterschultheiss n’est cependant qu’une possibilité parmi d’autres. Le noble peut se contenter du titre de Schultheiss, auquel cas son délégué est presque toujours dit Unterschultheiss ; mais à Issenheim, en 1404, les deux sont appelés Schultheiss (AHR 36H 44). Le noble peut aussi laisser ce titre à son délégué et n’en porter aucun. On trouve cependant un Unterschultheiss à Eguisheim en 1381 (AHR 13H 36), alors que le Schultheiss attesté de 1360 à 1390 est roturier ; dans ce cas, il s’agit sans doute du remplaçant occasionnel du Schultheiss empêché, que l’on trouve ailleurs, mais sans ce titre.
En 1421, le Grand Chapitre de Strasbourg décide qu’après la mort des Oberschultheissen actuels de Geispolsheim (le noble strasbourgeois Conrad Pfaffenlapp) et de Lampertheim (l’ancien Ammeister Ulrich Gosse), il n’en nommera pas d’autre, mais uniquement un Schultheiss villageois, car ces Oberschultheissen coûtent cher et ne font rien ; ce sont des clients de tel ou tel chanoine, et leur nomination suscite de graves rivalités (ABR G 3463, E no 108). Gosse est l’unique Oberschultheiss non noble repéré dans les sources avec l’ancien garde-scel et futur imprimeur Heinrich Eggestein, nommé Schultheiss de Schiltigheim par Saint-Étienne en 1458 (ABR H 2681/15).
Ce qui précède vaut pour les villages et les petites villes seigneuriales. Dans les villes d’Empire et les villes seigneuriales de quelque importance (sauf à Guebwiller jusqu’en 1420), l’office de Schultheiss n’est jamais donné en fief. Il est souvent conféré à un noble, mais à titre révocable, et rarement pour très longtemps. D’une ville à l’autre, la situation est très variable. À Haguenau, à part unminor scultetus en 1215 et un vicescultetus/afterschultheiss avant 1284, on ne trouve jamais d’Unterschultheiss ; à Colmar, en revanche, il est présent en permanence de 1313 à 1425, après un vicarius sculteti en 1249 – mais son supérieur est toujours appelé Schultheiss et non Oberschultheiss. Même tableau à Mulhouse – où l’Unterschultheiss se rencontre constamment depuis 1329, après un vicescultetus en 1249 – et à Sélestat, dans la mesure où les sources, obscures et contradictoires, permettent d’en juger ; ici, l’Unterschultheiss n’est attesté que de 1357 à 1397. Dans ces trois villes, l’Empire a engagé l’office à divers nobles, et finalement à la ville elle-même (à Sélestat en 1404, à Colmar en 1425, à Mulhouse en 1422, mais avec des intermittences), qui désormais choisit le Schultheiss dans son personnel politique ; ce n’est qu’à Mulhouse qu’il garde le titre d’Unterschultheiss.
À Obernai, l’Unterschultheiss apparaît en 1390, l’Oberschultheiss à la même date selon Kindler von Knobloch, et de façon sûre depuis 1452 (où il s’agit d’ailleurs du roturier Johann Schreiber). À Rosheim, on trouve en 1365 un oberster schultheisse et un Unter-schultheisse, puis un Unterschultheiss depuis 1375 et un Oberschultheiss depuis 1381. À Wissembourg et Kaysersberg, où le Schultheiss n’est pas toujours noble, il n’a pas d’Unterschultheiss, et pas davantage à Munster (où il est nommé par l’abbé, non par l’Empire), ni à Turckheim (où coexistent celui de l’Empire et celui de l’Autriche ou des engagistes). À Saverne, l’Unterschultheiss apparaît en 1349, l’Oberschultheiss en 1402. Ce dernier est toujours noble, et même l’Unterschultheiss l’est parfois. En revanche, à Rouffach, autre ville épiscopale de taille comparable, le Schultheiss est toujours roturier depuis la deuxième moitié du XIIIe siècle et n’a pas d’Unterschultheiss. À Thann et Ribeauvillé, les fonctions du Schultheiss sont exercées par un Schaffner, en général roturier, qui n’a pas d’Unterschaffner.
On notera donc que Haguenau, comme centre administratif de l’Empire en Alsace, et Saverne, comme résidence épiscopale, sont traitées autrement que des villes de taille comparable : à Haguenau, le Schultheiss, dont l’office n’a jamais été mis en gage, exerce toujours lui-même ses fonctions, mais ne reste généralement en poste que peu de temps ; à Saverne, où le Schultheiss fait aussi fonction de bailli pour l’arrière-Kochersberg, son office est réservé à la noblesse.
On notera aussi, une fois de plus, qu’on ne peut se fier au vocabulaire des sources : la logique voudrait que dès qu’existe un Unterschultheiss, son supérieur soit appelé Oberschultheiss, mais c’est loin d’être toujours le cas.
Le fichier des Schultheissen alsaciens sur lequel se fonde cette notice s’arrête vers 1550. Ce que devient l’institution après cette date reste à étudier.
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Bernhard Metz