Notaires (actes notariés)

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Quel que soit le statut du notaire consulté, la documentation notariale s’organise autour de deux types d’actes, ceux qui relèvent de la sphère publique et ceux qui appartiennent à la sphère privée.  

Actes à caractère public : baux, ventes, hypothèques, rentes, etc.

Les actes à caractère public font du notaire un agent de liaison privilégié entre différentes catégories sociales, auxquelles il apporte la caution juridique, et un agent irremplaçable des relations ville-campagne : baux, contrats de vente, actes de cautionnement, actes hypothécaires, obligations et cessions de dettes, déclarations de subrogations, constitutions de rentes, licitations, titres sacerdotaux… Si le volume global des transactions foncières ou mobilières peut être un indicateur précieux de la conjoncture économique comme de la circulation monétaire, la nature des baux reflète les conditions mêmes de la gestion économique (propriété et possession). L’existence de quelques séries quasi continues – celle de la Chambre des Contrats strasbourgeoise à partir du milieu du XVe siècle, puis, au XVIIIe siècle, le fonds des notaires royaux introduits en Alsace en 1671, mais dont les attributions sont contestées en 1692, 1694, 1698, 1715, 1717 et jusqu’en 1760 – ne saurait occulter la multiplicité des archives seigneuriales et judiciaires fort dispersées. Apparaissant d’abord sous les traits d’un tabellion seigneurial, détenteur, par délégation, d’une parcelle de pouvoir, le notaire peut se prévaloir à la fois de la maîtrise de l’écriture et de la familiarité avec le droit local dans une province où le droit coutumier est omniprésent et où les usages sont codifiées par le droit public.  

Actes privés et semi-privés

Dans les actes privés ou semi-publics – privés par leur contenu, publics en raison de la valeur légale que leur confère la signature du notaire –, ce dernier fait parfois figure de conseiller, voire de confident, de la famille conçue comme une association d’intérêts. En effet, il préside aux événements marquants de l’existence, au mariage du fils (contrat de mariage) comme au décès du père, dont il recueille les dernières volontés (testament), avant d’arbitrer les partages entre les héritiers (inventaire après décès et comptes de tutelle). En Alsace, la relative massivité des inventaires après décès n’est pas contestable, mais, comme ailleurs, il est illusoire de vouloir dénombrer le nombre d’actes privés : plusieurs centaines de milliers d’inventaires après décès contre plusieurs dizaines de milliers de testaments ?  

Actes notariés, sources de l’histoire sociale

Testaments

En effet, en dehors de la tenue d’actes sous seing privé, le testament, dont la pratique semble s’être propagée de la ville à la campagne, peut être remplacé par une donation ou un simple codicille, acte moins solennel et moins onéreux : lourd de signification, le terme de « Vermächtnis » semble doter le donataire d’un réel pouvoir. Le testament revêt d’ailleurs une fonction autant spirituelle que matérielle : quoique standardisé, le discours religieux porte souvent sur les modalités de l’enterrement chrétien souhaité, l’indication de legs pieux à des fins charitables ou, en tant que « passeport pour l’au-delà » (Jacques Le Goff), en vue de s’assurer son propre salut. Dans le sillage de Michel Vovelle et de Jacques Chiffoleau, l’intérêt des testaments pour l’histoire des mentalités n’aura pas échappé aux historiens médiévistes et modernistes.  

Contrats de mariage

D’une tout autre facture, le contrat de mariage et l’inventaire après décès, instruments de la dévolution du patrimoine et de la stratégie familiale, nous renvoient aux réalités matérielles du quotidien : modalités de transmission du bien, montant des apports dotaux qui reflètent les facultés contributives de chacune des parties, réglementation des rapports entre deux générations souvent appelées à cohabiter sous le même toit… Les deux types d’actes sont complémentaires, au point d’inciter le notaire à reproduire le contrat de mariage en tête de l’acte de partage. Mais, là encore, la valeur représentative de l’acte notarié s’avère insuffisante du fait d’un recours inégal au notaire, de la possibilité de le remplacer par une simple donation et de le modifier en cours d’existence au gré de l’évolution des circonstances.  

Inventaires après décès

L’interférence des conditions de prestige semble moins présente dans l’inventaire après décès, sorte d’instantané de la vie quotidienne – énumération et estimation chiffrée des biens et de la valeur globale de l’héritage, évolution et bilan de la succession à des dates différentes, nombreux renseignements d’ordre technique ou économique –, pour peu qu’on prenne en considération les règles successorales en usage. Une analyse plus fine des inventaires après décès nous conduit à une histoire des gestes, à travers le rapport qui s’établit entre l’outil et son utilisateur, et à une histoire des mentalités, l’apparition ou la disparition de tel ou tel objet présumé significatif, qui sont loin d’être anodines, reflétant la hiérarchie et la diffusion des valeurs et, en définitive, la civilisation matérielle du milieu étudié.  

Certes l’exploitation des actes notariés recèle de nombreux pièges. Une fois surmonté le problème lexicographique inhérent à toute documentation qui donne la préférence à l’expression allemande par rapport à la langue française, réservée jusqu’au XVIIIe siècle aux milieux privilégiés de la ville, l’historien se heurte à la valeur même de l’échantillon : les gages de sincérité et les risques de dissimulation, sa représentation globale (du tiers aux deux tiers de la population ?) et sa plus ou moins grande sélectivité sociale au bénéfice des groupes sociaux les plus aisés ou les plus cultivés.  

Bibliographie

LOBSTEIN (Jean-Frédéric),Manuel du Notariat en Alsace ou notice sur la composition de toutes les études de cette ancienne province…, Strasbourg, 1844.  

MEYER (Octave), « Les actes notariés, source d’histoire locale »,Bull. Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 1957/I-II, p. 16-18 et 1958/I-II, p. 1-6.  

BILLICH (André), « L’évolution des contrats de mariage dans une ancienne ville impériale, Turckheim », Actes du 93e Congrès des Sociétés savantes (Tours, 1968), Paris, 1971, t. III, p. 159-169.  

VOGLER (Bernard), dir., Les actes notariés, source de l’histoire sociale, XVIe-XIXe siècle, Strasbourg, 1979.  

VOGLER (Bernard), « Le testament alsacien au XVIIIe siècle », Les actes notariés, 1979, p. 317-325 ; Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1979, p. 439-447 ; Actas del II Coloquio de Metodologia Historica Applicada : la Documentation Notarial y la Historia, Santiago de Compostela, colloque septembre-octobre 1982, Salamanque, 1984, p. 94-103.  

BOEHLER, Paysannerie (1995), t. I, p. 34-39 ; t. II, p. 975-990.  

Notices connexes

Contrat  

Droit de l’Alsace  

Inventaires après décès  

Mariage  

Notaire

Testament

Jean-Michel Boehler