Einnehmer : Différence entre versions
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− | + | Après le rattachement de l’Alsace à la France, les différentes fonctions de receveurs introduites par la nouvelle administration financière de la province sont logiquement traduites par le terme d’''Einnehmer''. En 1656, un bourgeois d’Ammerschwihr note que le syndic de l’ordre du clergé alsacien était à la fois « ''syndicum, advocatum, procuratorem und Einnehmer'' » (Hoffmann, t. 4, p. 165). Le vocable ''Einnehmer'' est aussi fréquemment utilisé pour désigner le préposé d’une communauté juive villageoise dans l’Alsace d’Ancien Régime ; élu, il expédie les affaires courantes et collecte les taxes communautaires et provinciales (Roos, p. 149). | |
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+ | Au début du XIX<sup>e</sup> siècle, la terminologie apparaît fixée. En 1826, Jean Frédéric Aufschlager traduit « receveur général » par ''General-Einnehmer'' ; « receveur d’arrondissement » par ''Bezirks-Einnehmer'' ; « receveur municipal » ou « communal » par ''Municipal-Einnehmer'' ou ''Gemeinde-Einnehmer'' ; quant au Particular-Einnehmer der directen Steuern, il n’est pas le receveur, mais le « percepteur » des contributions directes. Dans un arrêté du 22 prairial de l’an VIII (extrait publié dans Graff, p. 30), le préfet du Haut-Rhin utilisait cependant le terme ''Steuer-Einzieher'' pour traduire « Percepteurs des contributions publiques ». On retrouve enfin chez Aufschlager la distinction sémantique entre receveurs au service des pouvoirs civils et receveurs des institutions ecclésiastiques et de bienfaisance, puisqu’il écrit à propos du conseil de la préfecture : « ''Er untersucht und berichtigt gemeinschaftlich mit den Präfecten die Rechnungen der Gemeinde-Einnehmer […], so wie auch diejenigen der Schaffner wohltätiger Anstalten'' [“receveurs des établissements de bienfaisance” dans l’édition française]. » | ||
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+ | == Bibliographie == | ||
+ | GUYOT, ''Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, ouvrage de plusieurs jurisconsulte'', t. 52, 1782. | ||
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+ | AUFSCHLAGER (Jean Frédéric), ''L’Alsace. Nouvelle description historique et topographique des deux départements du Rhin'', Strasbourg, 1826, 3 vol., éd. française et allemande. | ||
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+ | BURCKHARDT (Ludwig August), ''Die Hofrödel von Dinghöfen Baselischer Gotteshäuser und andrer am Ober-Rhein'', Bâle, 1860. | ||
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+ | PASSAVANT (Johann David), ''Le peintre-graveur'', tome 3, Leipzig, 1862. | ||
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+ | BRUCKER (J. Ch.), ''Strassburger Zunft- und Polizei-Verordnungen des 14. und 15. Jahrhunderts'', Strassburg, 1889. | ||
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+ | BECKER (Joseph), ''Geschichte der Reichslandvogtei im Elsass. Von ihrer Einrichtung bis zu ihrem Übergang an Frankreich, 1273-1648'', Strasbourg, 1905. | ||
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+ | HOFFMANN,''L’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'' (1906). | ||
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+ | BISCHOFF (Georges), ''Gouvernés et gouvernants en Haute-Alsace à l’époque autrichienne'', Strasbourg, 1982. | ||
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+ | CLEMENTZ (Elisabeth),''Les Antonins d’Issenheim. Essor et dérive d’une vocation hospitalière à la lumière du temporel'', Strasbourg, 1998. | ||
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+ | ROOS (Gilbert), ''Relations entre le gouvernement royal et les juifs du nord-est de la France au XVII<sup>e</sup> siècle'', Paris, 2000. | ||
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+ | GRAFF (Clarisse), « Le percepteur de Guewenheim sous l’Empire et la Restauration », ''Patrimoine Doller'', 2008, 18, p. 29-40. | ||
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+ | == Notices connexes == | ||
+ | [[Percepteur|Percepteur]] | ||
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Receveur, percepteur
Terminologie commune utilisée depuis le Moyen Âge pour toutes sortes de receveurs ou collecteurs d’impôts. Du verbe einnehmen ou innemen (recevoir), l’Einnehmer est, comme dit Guyot du receveur, « en général celui qui est chargé de faire une recette, soit en deniers, soit en denrée » (Guyot, t. 52, p. 69). Einnehmer n’est pas le seul vocable désignant un receveur en Alsace. D’autres sont beaucoup plus fréquents, comme celui de Zinsmeister. Joseph Becker parle d’un Zinsmeister chargé de l’administration des revenus de l’Empire pour la Reichslandvogtei de Haguenau à partir du XIVe siècle (Becker, p. 147-150). Un Zinsmeister est également évoqué dans le traité entre l’abbé Marquart et la ville et le val de Munster en 1339 (ligne 19), mais la perception de la dîme dans les granges y est confiée à un Stadeler (ligne 32). On parle encore ailleurs de valets dîmiers (Zehntknechte,Zehendknechte) ; les institutions les choisissent sur des critères de robustesse et d’honnêteté, comme il apparaît chez les Antonins d’Issenheim (Clementz, p. 202-203). D’autres impôts ou taxes donnent naissance à des termes précis, préférés à Einnehmer, pour désigner leurs receveurs : Ungelter, Vorlagel ou Vorlogel (Brucker, p. 608, 616 et 618) etc. Cependant, le terme qui remplace le plus souvent le vocable Einnehmer est celui de Schaffner. Les deux peuvent apparaître interchangeables, comme on peut le lire dans un Dinghofrecht de Pratteln (1333), à côté de Bâle, soit un espace voisin de l’Alsace : « ein Inemer oder Schaffner » (Burckhardt, p. 127). Cependant, l’équivalence entre Einnehmer et Schaffner n’est pas systématique, car le Schaffner exerce dans certains cas les mêmes fonctions qu’un bailli (v. Bailli). En outre, le vocable Schaffner s’impose pour désigner les receveurs des institutions religieuses – catholiques ou protestantes – et des hôpitaux, comme celui de Strasbourg – dont le Schaffner travaille d’ailleurs avec un Zinsmeister (Brucker, p. 278). L’Einnehmer est, quant à lui, au service des institutions civiles. Au début du XVIe siècle, la Régence autrichienne d’Ensisheim dispose d’une administration spéciale pour percevoir la Brandschatzung (amende générale de six florins par feu), « confiée à deux techniciens, Jean Acker et Jean Holtzli, portant le titre d’ “einnember der pranndtschatzung in vordern lannden”, qui promulguent un véritable code de perception » (Bischoff, p. 204). Les impôts indirects comme le Masspfennig rentrent aussi à Ensisheim grâce à un Einnehmer : en 1581, Jean Christophe Stimmer – frère du peintre Tobias Stimmer et graveur sur bois lui-même – se présente comme « Der löbl. V. O. drey Landstände Diener und General-Einnehmer des Messpfennings Elsass und Sundgauisches Gestades » (Passavant, p. 459).
Après le rattachement de l’Alsace à la France, les différentes fonctions de receveurs introduites par la nouvelle administration financière de la province sont logiquement traduites par le terme d’Einnehmer. En 1656, un bourgeois d’Ammerschwihr note que le syndic de l’ordre du clergé alsacien était à la fois « syndicum, advocatum, procuratorem und Einnehmer » (Hoffmann, t. 4, p. 165). Le vocable Einnehmer est aussi fréquemment utilisé pour désigner le préposé d’une communauté juive villageoise dans l’Alsace d’Ancien Régime ; élu, il expédie les affaires courantes et collecte les taxes communautaires et provinciales (Roos, p. 149).
Au début du XIXe siècle, la terminologie apparaît fixée. En 1826, Jean Frédéric Aufschlager traduit « receveur général » par General-Einnehmer ; « receveur d’arrondissement » par Bezirks-Einnehmer ; « receveur municipal » ou « communal » par Municipal-Einnehmer ou Gemeinde-Einnehmer ; quant au Particular-Einnehmer der directen Steuern, il n’est pas le receveur, mais le « percepteur » des contributions directes. Dans un arrêté du 22 prairial de l’an VIII (extrait publié dans Graff, p. 30), le préfet du Haut-Rhin utilisait cependant le terme Steuer-Einzieher pour traduire « Percepteurs des contributions publiques ». On retrouve enfin chez Aufschlager la distinction sémantique entre receveurs au service des pouvoirs civils et receveurs des institutions ecclésiastiques et de bienfaisance, puisqu’il écrit à propos du conseil de la préfecture : « Er untersucht und berichtigt gemeinschaftlich mit den Präfecten die Rechnungen der Gemeinde-Einnehmer […], so wie auch diejenigen der Schaffner wohltätiger Anstalten [“receveurs des établissements de bienfaisance” dans l’édition française]. »
Bibliographie
GUYOT, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, ouvrage de plusieurs jurisconsulte, t. 52, 1782.
AUFSCHLAGER (Jean Frédéric), L’Alsace. Nouvelle description historique et topographique des deux départements du Rhin, Strasbourg, 1826, 3 vol., éd. française et allemande.
BURCKHARDT (Ludwig August), Die Hofrödel von Dinghöfen Baselischer Gotteshäuser und andrer am Ober-Rhein, Bâle, 1860.
PASSAVANT (Johann David), Le peintre-graveur, tome 3, Leipzig, 1862.
BRUCKER (J. Ch.), Strassburger Zunft- und Polizei-Verordnungen des 14. und 15. Jahrhunderts, Strassburg, 1889.
BECKER (Joseph), Geschichte der Reichslandvogtei im Elsass. Von ihrer Einrichtung bis zu ihrem Übergang an Frankreich, 1273-1648, Strasbourg, 1905.
HOFFMANN,L’Alsace au XVIIIe siècle (1906).
BISCHOFF (Georges), Gouvernés et gouvernants en Haute-Alsace à l’époque autrichienne, Strasbourg, 1982.
CLEMENTZ (Elisabeth),Les Antonins d’Issenheim. Essor et dérive d’une vocation hospitalière à la lumière du temporel, Strasbourg, 1998.
ROOS (Gilbert), Relations entre le gouvernement royal et les juifs du nord-est de la France au XVIIe siècle, Paris, 2000.
GRAFF (Clarisse), « Le percepteur de Guewenheim sous l’Empire et la Restauration », Patrimoine Doller, 2008, 18, p. 29-40.
Notices connexes
Eric Ettwiller