Maçon : Différence entre versions

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DEBUS KEHR (Monique),''Travailler, prier, se révolter. Les compagnons de métier dans la société urbaine et leur relation au pouvoir. Rhin supérieur au XV<sup>e</sup>&nbsp;siècle,'' Strasbourg, 2007.
 
DEBUS KEHR (Monique),''Travailler, prier, se révolter. Les compagnons de métier dans la société urbaine et leur relation au pouvoir. Rhin supérieur au XV<sup>e</sup>&nbsp;siècle,'' Strasbourg, 2007.
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Version du 10 octobre 2021 à 09:16

Artisan érigeant les murs d’un édifice : maison, église, pont, bâtiment public, château, etc. Au Moyen Âge, son parcours commençait par un apprentissage, se poursuivait par un compagnonnage pour se terminer par la maîtrise après réalisation d’un chef-d’œuvre. Il se servait d’un certain nombre d’outils, dont l’équerre, le fil à plomb, la truelle et le niveau pour ajuster les pierres préparées par les tailleurs de pierre (steinmetze), après application du mortier.

Hiérarchie des qualifications du métier de maçon

Les salaires relevés dans diverses villes permettent d’établir la hiérarchie des maçons quant à leur qualification et leur statut professionnels. Ainsi, l’intervention du Magistrat dans la fixation des salaires à Spire en 1342 indique ces degrés de qualification. En haut de l’échelle se trouvent les maîtres, puis suivent les compagnons (Lohnknechte ou Geselle), les apprentis (Lehrknechte) (respectivement, trois ans de formation au moins) et les préparateurs de mortier (v. Mörtelknecht). Les porteurs de pierres et les porteurs de mortier (Stein-, Mörtelträger) se trouvaient au bas de l’échelle salariale (Keutgen). À Strasbourg, une réglementation des maçons de 1543 précise qu’un maître maçon œuvrant sur un chantier et qui engage d’autres maîtres, qu’il équipe en outillage, peut opérer une retenue sur le salaire de chacun de ces « Geselle » pour se dédommager des frais engagés. La condition est que ces « Geselle », dont le sens ici est celui de collègues et non de compagnons, doit être bourgeois. Eu égard à leur situation de « sous-traitants », ces maçons gagnent moins qu’un maître (Schulz, p. 332, AMS, Corporation des maçons, Maurerzunft 1, fo65-80). Ce maître entrepreneur peut être considéré comme le « patron » d’autres maçons, et ce d’autant plus s’il détient le statut de maître d’ouvrage (Werkmeister), soit de responsable d’un chantier qui lui a été conféré par un maître d’œuvre (donneur d’ordre, par exemple une institution). La rémunération du Werkmeister comprenait plusieurs éléments : un montant fixe annuel, des avantages en nature (par exemple la fourniture de toile pour un vêtement de travail, un logement de fonction ou l’approvisionnement en bois de chauffage) et enfin un salaire journalier. Il est par conséquent difficile d’indiquer le montant des salaires qui, dans les mentions salariales écrites, peut correspondre à une partie de ce salaire, par exemple le salaire journalier, et non à la totalité bien plus élevée de ce qu’il perçoit, compte tenu des avantages annexes, que celui d’un maçon ordinaire.

Salaires

Habituellement, les maçons, compagnons et maîtres, étaient payés et nourris par les donneurs d’ordre (comme les autres artisans de la construction). Le salaire était journalier et lié à la saison : il était plus élevé en été qu’en hiver, les journées étant plus longues. Par exemple, au XVe siècle, les maçons affectés à la construction de la cathédrale de Bâle touchaient un salaire estival de 3 schillings et 4 pfennigs et hivernal de 2 schillings et 4 pfennigs, soit un tiers en moins (Laroche). La période estivale allait de la Saint-Gall (16 octobre) à Pâques. Les maçons travaillaient aussi au forfait : tenus de réaliser un travail (construction d’une maison, par exemple), leur rémunération était fixée globalement. Les salaires dans cette branche étaient particulièrement élevés par rapport aux autres métiers. Il existait bien entendu des disparités entre les villes. Les évolutions des salaires à Bâle (1422), Strasbourg (1487), Colmar (vers 1440), Mulhouse (1461), ainsi qu’à Ensisheim et Fribourg-en-Brisgau, ont été étudiées grâce à des règlements de métier par K. Schulz et des comptes (p. 329 et suivantes), bien que les séries soient incomplètes et que les salaires, pour être parlants, doivent être comparés au coût de la vie, qui subit des fluctuations. Par ailleurs, les comptes sont souvent difficiles à interpréter compte tenu de la qualification confuse des maçons : les termes employés ne permettent guère de faire la différence entre un maître et ses aides (Schulz, p. 332-333).

Les maçons étaient habituellement nourris par le maître d’œuvre. Les repas représentaient une part importante du salaire (entre 40% pour les maîtres, 46% pour les compagnons et 50% pour les apprentis, à Spire. Récapitulation synoptique : Debus Kehr, p. 63). Les repas étaient servis le matin et au début de l’après-midi, parfois le soir, et accompagnés de vin. Il était interdit de verser du vin aux maçons (et autres travailleurs de la construction) qui ne mangeaient pas sur place ou de leur donner, en plus de leur salaire, des chausses, des vestes ou quoi que ce fût d’autre. Le Magistrat des villes intervenait çà et là dans la fixation des salaires. Par exemple, à Bâle, après le tremblement de terre de 1356, la forte demande en ouvriers de la construction eut comme conséquence l’augmentation des salaires, jugulée par une décision municipale afin d’éviter les abus. Cette mesure concernait tant les charpentiers que les maçons et les couvreurs et fixait le salaire à 20 pfennigs par jour, y compris le repas, tant pour les maîtres que pour les compagnons avancés. Il se produisait aussi que, le nombre d’aides étant insuffisant, des aides qui n’étaient pas du métier soient embauchés, comme les boulangers (qui ne cuisaient pas le pain tous les jours), ce qui conduisait à des conflits au niveau du salaire et de nouvelles réglementations émanant du maître d’œuvre, comme à Strasbourg en 1556, qui étaient cependant contrées par des décisions municipales, comme l’explique K. Schulz.

Il n’est guère possible ici d’entrer dans les détails salariaux ; tout juste est-il possible d’indiquer que, depuis le début du XVe siècle et pendant quelque 150 ans plus tard, le salaire journalier à Strasbourg et à Bâle était de 60 pfennigs sans fourniture de repas et de 40 pfennigs avec repas (pfennigs bâlois), soit 24 et 16 pfennigs strasbourgeois. À Colmar, Mulhouse et Fribourg-en-Brisgau, ces salaires étaient un peu moindres. Ces indications sont fournies par les livres de comptes (Schulz, p. 334-335). Toutefois, les archives mentionnent des revendications salariales eu égard à l’augmentation du coût de la vie, que ce soit à Bâle, à Fribourg, à Colmar (AMC, HH 75/3 et 4) ou à Strasbourg (AMS, R 24, fo104 et ss.). Cependant, la question de la fourniture des repas devient de plus en plus cruciale. Au XVe et dans la 1ère moitié du XVIe siècle, les repas constituaient un tiers du salaire (Schulz, tableau récapitulatif, p. 337). Il était fourni matin, midi et soir et comprenait du vin (2 litres/jour). Les comptes de cuisine des dominicains de Strasbourg fournissent des indications détaillées sur les menus jour après jour. Y entraient : viande (bœuf, agneau, veau, porc), œufs, cerises, poires, pommes, poissons, choux, navets, galettes, fromage, bouillie, compote, pain (AMS, Archives de l’Hôpital, 4612, Schulz, p. 338-339) pour les années 1520-1521 (48 semaines). Les repas constitueront souvent des pierres d’achoppement entre les maçons, les tailleurs de pierre et autres artisans des chantiers et les donneurs d’ordre et autorités municipales, en particulier en ce qui concerne les compagnons de métier.

Organisations des maçons

Les maçons (et les tailleurs de pierre) œuvrant à la construction de cathédrales ou d’églises disposaient de conditions de travail et d’organisation particulières. Un premier règlement (Ordnung) de 1459, établi par eux à Ratisbonne (Regensburg), complété et confirmé à Spire et Strasbourg en 1464 était valable dans toutes les contrées allemandes (dütschen landen). Il fut confirmé en 1498 par Maximilien, ce qui lui conféra une validité juridique au niveau du Reich. Ce règlement indiquait explicitement leur volonté de s’affranchir de l’obligation corporative (Zunftfreiheit) et leur exigence d’autonomie, en plus des articles touchant à la pratique du métier, aux conflits, aux mœurs, qui devaient être irréprochables (pas de bagarres, de concubinage), etc. Par ailleurs, un maçon travaillant dans une ville (y compris avec un emploi public) et qui avait appris le métier de tailleur de pierre pouvait louer ses services dans une loge (Hütte ou Bauhütte) de tailleurs de pierre œuvrant à la construction d’un édifice religieux (et inversement) (Schultz p. 329). Certains maçons exerçaient donc une activité croisée.

Les maçons colmariens faisaient partie de la corporation Zum Holderbaum, Au Sureau, l’une des dix corporations établies en 1521, réunissant les artisans de la construction, comme les tailleurs de pierre, les paveurs, les tuiliers, les charpentiers, etc. À Strasbourg, les maçons constituaient la vingtième et dernière corporation dans la hiérarchie des métiers, nombre en vigueur à partir de 1482 (Hatt). À Mulhouse, les maçons adhéraient à la corporation des Maréchaux, l’une des six que compta la ville à partir de 1445 et qui réunissait une vingtaine de métiers disparates (Meininger, p. 286).

Les maîtres maçons, tailleurs de pierre et charpentiers d’Alsace entre Strasbourg et Bâle étaient réunis en une confrérie commune dont les statuts, composés de 33 articles, ont été confirmés par le roi en 1747 (Lettres patentes).

Bibliographie

Lettres patentes sur arrest portant confirmation de Statuts parvles Maîtres Maçons, Tailleurs de Pierres et Charpentiers dans la Haute- et Basse-Alsace, entre Strasbourg et Bâle, 1747.

LA ROCHE (Emmanuel), « Bauhütte und Bauverwaltung des Basler Münsters im Mittelalter », Basler Beiträge zur vaterländischen Geschichte, 12, 1888.

KEUTGEN (Friedrich),Ämter und Zünfte. Zur Entstehung des Zunftwesens, Iéna, 1903, p. 430.

MEININGER (Ernest), « L’organisation des corps de métiers dans l’ancien Mulhouse »,Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, 1914, p. 286.

HATT ( Jacques),Une ville au XVe siècle : Strasbourg, Strasbourg, 1929, p. 16.

SCHULZ (Knut), Handwerksgesellen und Lohnarbeiter. Untersuchungen zur oberrheinischen und oberdeutschen Stadtgeschichte des 14. bis 17. Jahrhunderts, Sigmaringen, 1985.

DEBUS KEHR (Monique),Travailler, prier, se révolter. Les compagnons de métier dans la société urbaine et leur relation au pouvoir. Rhin supérieur au XVe siècle, Strasbourg, 2007.



Articles connexes